L'hôte du jardin

Laurent H

Peter s'ennuyait debout sur la pelouse du jardin de la famille Dwarf.


Enfin, le travail était reposant, pas trop d'effort à faire et on lui fichait une paix royale.


Il avait vu partir Jenny et David Dwarf, les enfants, pour l'école en chantonnant gaiement.


Ils étaient passés devant lui, sans un regard, sans un mot gentil, ce qui, pour quelqu'un qu'ils connaissaient depuis deux ans, était relativement blessant.


De toutes façons, les époux Dwarf ne faisaient pas non plus attention à lui, aussi il se demandait qui se souciait de sa présence dans cette maison ?
Ah si, il y avait bien Paddy le petit boxer qui venait parfois lui faire la fête, jouer entre ses jambes et lui mordiller les mollets.


Mais, c'était bien peu à ses yeux. Aussi, il se lamentait souvent sur son sort, il était inutile et esseulé.


Il se demandait souvent comment faire pour que tout le monde le considère comme il estimait devoir le mériter ?


Il aurait voulu leur dire qu'il n'était pas un étranger, qu'il faisait partie de la famille maintenant et qu'il fallait le considérer comme tel.


Oui mais voilà, il n'avait jamais pu le faire, par timidité sans doute, mais aussi, il savait que tous ces collègues étaient traités à la même enseigne et que toute manifestation de mécontentement serait aussi surprenante qu'inutile.


Les jours passèrent, tristes et monotones. Peter restait sur la pelouse devant le salon où les Dwarf s'amusaient sans lui. Il les regardait avec mélancolie mais il se gardait bien de bouger pour les rejoindre, de peur qu'ils ne comprennent pas sa réaction et le fassent quitter la maison.


Un jour, ce que Peter avait toujours redouté arriva. Les Dwarf prirent la route des vacances.

Tout heureux de retrouver grand-mère Mary dans sa ferme du Montana, ils partirent sans dire au revoir à Peter et il comprit qu'il devait rester là, tout seul (car même Paddy était du voyage).


Il voulut protester et réclamer les vacances auxquelles il avait mérité lui aussi, mais l'indignation et la tristesse l'empêchaient de parler.

Il les vit s'éloigner dans leur break noir et disparaître derrière une colline. C'était fini, ils étaient partis sans lui.


Une vague de tristesse le submergea. Il pleura de tout son être comme la fois où ils avaient fait partir son copain Tommy qui travaillait avec lui sur la pelouse. Il était de nouveau seul et incompris et sa tristesse était immense.


Le soir vint et il resta debout sur le gazon perdu dans ces pensées lugubres.
Alors que la lune disparaissait derrière un nuage, un bruit derrière lui l'extirpa de ses réflexions.


Il jeta un œil et vit une ombre tenter de se glisser dans la maison. Un cambrioleur.
"Comment ce voleur a-t-il osé s'introduire dans le jardin alors que j'étais là ? S’insurgea-t-il.


"Alors même les malfrats ne font pas attention à moi !"


Il était blême. Il était toujours blême d'ailleurs mais à ce moment plus qu'à l'habitude.


Il avait peur pour sa vie aussi car ce voleur ne lui laisserait aucune chance. Il voulut crier, appeler à l'aide mais aucun son ne sortit de sa bouche que cachait sa barbe blanchie par les années. "La peur sans doute" pensa-t-il.
Il était tiraillé par deux sentiments contradictoires.

Soit il fuyait et il avait la vie sauve, soit il tentait d'arrêter le cambrioleur et risquait d'y rester.
Mais dans ce cas, il pouvait devenir un héros aux yeux des Dwarf, peut-être qu'ils l'aimeraient enfin, peut-être même qu'ils le laisseraient entrer dans la maison pour jouer avec eux !


C'était tout décidé, il attendrait le cambrioleur et il barrerait la route avec les moyens dont il disposait, c'est à dire pas grand chose.


Un bon quart d'heure s'était écoulé lorsqu'il vit la vitre du salon s'entrouvrir pour laisser passer l'ombre portant cette fois un énorme sac de toile sur le dos.
L'ombre se mit à courir et par chance, prit la direction où Peter se trouvait et faisait barrage de tout son corps.


Le choc fut terrible, le voleur trébucha, faillit tomber sur le sol et repartit en courant non sans proférer des insultes à cette forme qu'il venait de percuter.
Peter lui gisait sur le sol, le thorax perforé par une pierre saillante. Il allait mourir, il le savait. "Comme quoi, ça rapporte ne pas grand-chose d'être un héros !" soupira-t-il


Il pensa à sa vie, elle avait été rude, mais c'était son destin.
Car comme tout le monde le sait et pour longtemps encore : La vie est difficile pour les nains de jardin.

Signaler ce texte