Life is very long

lea-derode

Life is very long

 

East London. Ce soir, ça se passe au Rough Trade. Les backstages sont plus grands, tout aussi crades qu’à Birmingham. Warsky se la joue en solo, la tête sous sa veste en jean. Tim fait tinter sa Kilkenny sur l’acier de sa chaise. À chaque pulsation, il lève le coude.

The queen is dead boys. I should like to see my…

La suite coince. L’intro pulse dans mes doigts, vibre dans ma gorge mais crève sur mes lèvres. Je grince le refrain entre mes dents et le balance aux autres. Tim articule : Une vieille reine ou une autre. Warsky gémit un truc punk royal.

L’attitude s’installe. On y est presque. Le concert trace sa ligne dans ma direction. La foule s’agrippe déjà à mes épaules. C’est bientôt maintenant ?

Je me lève, traverse le local sans fenêtre. Au passage, j’éclate un verre de gin, qui arrose le sol en béton. Je reviens à ma place et impose mes mains sur le manche de la Rickenbacker. Les cordes de Warsky accrochent bien. Je cherche du calme, du sec. Le monde aurait bougé ? Le public bat contre les murs, entre par bouts. Une fille du staff apporte des badges fluos pour l’after.

The queen is dead boys. And it’s so lonely on a limb.

 

Le refrain repart. Je baisse la tête, plisse les épaules. Ma voix part en arrière, à l’envers, s’échauffe. Tim rit en chorus. Ses baguettes percutent le sofa, perdent le contrôle. Un stick tombe. Warsky griffe son crâne rasé en couronne. Il oscille dans un beat. Il cherche la confusion dans mes yeux. Ça pourrait les déchirer. Maintenant.

On s’accompagne. Le morceau revient, au grand complet. Je le mets dans un train pour London Town. Le couplet part de mes pieds et vibre dans mes dents.

The queen is dead boys. And life is very long.

 

On met en sourdine les cris de la fosse. On se cogne à trois dans la quête d’un coin calme, et sec. Les flaques de gin collent sous nos Doc Martins. Première au Rough Trade. Ça passe ou on clash. Mes dents se soudent. Le manager les dévisse d’un uppercut. Now mates.

Bientôt c’est maintenant. Sur ma langue, je pose la première note. Tim fait vibrer le décompte sur son stick. Warsky érafle son riff. Le monde bouge. Il s’étire enfin. On a le temps.

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