l'oeuf de la colère

joowe

Ce soir j’ai le crayon lourd et gras, les mots gourds et les lignes raides. La page se noirci d’humeurs à consommer sans ponctuation. Les pleins se délient et les déliés se plaignent, à en faire grincer d’aigreur un papier qui se voudrait de verre. La page tremble d’une fièvre froide, et la table se déchire, billot où je tranche en majuscules les maux du jour, pour mieux livrer leur ambages en pâture au ressenti. Soudain, la mine se fracasse sur l’arête d’un accent vengeur. Profitant d’un spasme de mutisme, les mots se regroupent et s’entourent pudiquement du papier fragile. Ils ne veulent pas être lus ainsi, tout crus. Je n’ose les découvrir de peur de ne supporter leur honte légitime. Avec respect, je dépose leur brûlant cocon dans la corbeille d’un jour inutile.

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