Los Angeles ou Sox-Sux

koss-ultane

Comment je suis passé de dernier petit génie à la mode à “crétin premier”, dépositaire éternel de ma couronne d'épines, en seulement quatorze boucles de soixante minutes bien remplies, sangsues de mon futur je le crains.

En un vol Paris-“L'œuf en gelé” via Des Moines — longue histoire celle-ci — je me suis retrouvé à rencontrer, en une journée chrono, toutes les pointures des studios basés en Californie et sa banlieue.

A l'occasion de la “Foire aux Scripts”, tout est possible, le meilleur comme le pire, ressortir millionnaire en US dollar ou bien mondialement tricard.

Sept heures trente, je sors de ma chambre numéro 123 du “Four Seasons”, 300 South Doheny Drive, Beverly Hills, Los Angeles, après avoir fait un effort uniquement réservé aux enterrements habituellement. Je me suis sapé comme jamais. Tout est en harmonie avec tout sauf ma gueule de poisson mort qui ne va avec rien et sûrement pas avec ce corps difforme mais j'ai la forme. Mon attention vestimentaire semble immédiatement porter ses fruits, le personnel croisé dans le couloir de mon étage, les clients, le liftier — oui, il y a des liftiers, doivent penser que les riches ou assimilés n'ont pas à toucher boutons et bubons — tous me font risette. A l'orée de la journée la plus cruciale de mon existence de pseudo scénariste, tout me sourit, même les réceptionnistes qui doivent en voir des wagons comme moi et des exotiques à plumes aussi. Direction le “Los Angeles Convention Center”, soit 22 minutes de trajet sur google maps mais ce fut torché en 12 par mon chauffeur de luxe m'expliquant en bas azéri qu'il avait super envie de chier. Bon. Arrivé en avance, donc, et avec la moitié des voitures de police de “Central L.A.” aux fesses chargées de mauvaises intentions de mon pilote, je sautais de ma limo à Bakou quasi en marche. Le bâtiment de béton, fer et acier, est en forme improbable de terrain de baseball qui aurait été à demi avalé par une coquille saint Jacques géante. Coincé entre trois autoroutes et une zone indus', il était trognon, tout rond et tortillon, les angles saillants ayant été frappés par la prohibition. La moquette était si épaisse sur les stands que j'avais la sensation, au choix, de torcher un phacochère avec les pieds ou bien d'avoir oublié mes après-skis au chalet. Je progressais néanmoins sans difficulté vers mon premier rendez-vous, piloté cette fois-ci par une charmante demoiselle sensée parler ma langue. Je m'entêtais néanmoins à m'exprimer dans celle de Groucho la belle ayant répondu “je” à ma demande originelle : “qui parle français ici ?” à l'aréopage d'hôtesses à l'entrée des artistes. Bref. Elle aussi me souriait au-delà du raisonnable, décidément. Voici le feuilleté de programme de mon “descalator vers la mort”, mon auto autodafé, babouche dans le lait.

Huit heures – neuf heures : Paramount Pictures. Je serre la louche de John “A” Smith, le fameux, sans lien avec James Smith, inventeur du dévidoir à moineau. On doit à mon interlocuteur d'avoir impulsé “World War Z”, “Mille Mots” ou encore “Justin Bieber : never say never”. Malgré mon échec à traduire le fait qu'un type se nommant “juste imbiber” ne pouvait que casser la baraque dans un pays d'alcoolos comme la France, il est demeuré très souriant pendant tout le temps où nous avons débattu de notre potentiel projet commun… et pris un petit-déjeuner.

Neuf heures – dix heures : Warner Bros. Pictures. J'écrase une fricassée de phalanges avec John “B” Smith, l'inénarrable, sans lien avec Frakado Smith, l'initiateur de la “cuillère à pamplemousse double usage”. Le monde doit à John “B” d'avoir lancé “Les Reines du Ring”, “Jack le Chasseur de Géants” ou encore “Bébé mode d'emploi”. Malgré mon échec à lui faire comprendre à quel point je méconnaissais son travail, il s'est bien fendu la poire durant toute notre mini collaboration agrémentée d'un petit-déjeuner.

Dix heures – onze heures : 21st Century Fox. Je sympathise manuellement, en tout bien tout honneur, avec John “C” Smith-Jones, l'impayable, sans lien de parenté avec Elmore Smith, le dépuceleur du contre à rebond. L'humanité doit à mon interlocuteur d'avoir fait émergé du néant “Journal d'un dégonflé”, “Flicka, country pride” ou encore “Flicka 2”. Malgré mon échec à lui faire saisir la différence entre mon personnage féminin principal et un lampadaire contre lequel soulager sa vessie défaillante, il eut la banane à s'en décrocher les pavillons auriculaires pendant presque l'heure entière, seulement égayée d'un brunch.

Onze heures – douze heures : Universal Studios. Je fraternise presque avec la langue et John “D” Smith-Williams, le tordant, pas de lien avec Lavonsho Smith, l'impulseur de la machine à tambour inversé. Le monde des arts doit à John “D” d'avoir généré “American Pie 4”, “Fast & Furious 5” ou encore “East of Eden”… de Chuck Norris. Malgré mon échec à lui faire voir la vacuité de soulevés de poids répétés, surtout pour les reposer au même endroit, et mon indéniable intention de ne pas me mettre à la muscu' ni à rien de physique sinon ma défécation matinale journalière, il n'embruma jamais son bronzage parfait et ses chicots en émail ultra blanc me firent des appels de phare pendant notre heure seulement coupée d'un brunch.

Douze heures – treize heures : Columbia Tri-Star Sony Pictures. Je quasi pactise avec John “E” Smith-Brown, le visionnaire, sans rapport avec Tokedo Smith, l'enfanteur de la lime à épaissir. Mon interlocuteur peut se targuer aux yeux myopes d'un monde qui ne voit rien d'être l'étincelle qui dégénéra “That's my Boy”, le chef-d'œuvre qui réussit à perdre 13 millions de dollars au box-office. Malgré mon échec à lui faire entrevoir la lumière au-delà d'une intrigue dépassant la ligne et demie sans poudre blanche dessus, il se fendit la pipe et l'arrière du futal avec une constance qu'envierait un Suisse allemand un mardi soir. Nous déjeunâmes néanmoins dans une bonne ambiance de pets et de rots texans, les meilleurs. Ceux qui tuent une mouche à cinq pas et nécessitent une penderie à deux.

Treize heures – quatorze heures : Metro Goldwyn Mayer. Je suis à deux doigts de communier avec John “F” Smith-Taylor the third, l'avant-gardiste, surprenamment sans connexion avec Lippington “one eyed two taws” Smith l'ingénieur du “panier semeur” ou “panier percé” utilisé dans le sud profond par les débiles du même nom. A tout jamais on devra à John “F” : “Soul Men”, “The Other End of the Line” et “How to Lose Friends & Alienate People” ou comment faire perdre 38 758 278 dollars à ses employeurs en 36 jours seulement. Malgré mon échec à lui faire saisir l'intérêt d'utiliser une fourchette, voire une cuillère, pour manger des lentilles, il ne se départit jamais d'une bonhommie contagieuse auprès de nos voisins de table avec lesquels nous rompîmes le pain, trois tonnelets et la dite-table.

Quatorze heures – quinze heures : Walt Disney Pictures. J'accolade avec John “G” Smith-Davies, l'ébouriffant, sans parenté avec Martin Boulridge-Garrott, le créateur de l'épluche moutarde, pourtant son cousin. Ce bon John m'avoua être “congru comme le loup blanc” sous le doux sobriquet de “Job” pour son incapacité chronique à garder un boulot au-delà de cette fatidique troisième semaine… et avait été Amish puis Mormon puis… re-Mormon. Le monde souffrant lui devait d'avoir semé “Le Chihuahua de Beverly Hills 3”, “Les Copains et la Légende du Chien Maudit” et “Le Chihuahua de Beverly Hills 2”. Malgré mon échec à faire saisir tout l'intérêt d'un suivi dans la conversation, celui que j'avais immédiatement rebaptisé “mormon Job” devant son taux d'alcoolémie rivalisant avec une baignoire de sangria, nous passâmes un bon moment à lui tenir la tête au-dessus d'une poubelle de table remplie ras la anse de macédoine tiède “made in stomach” et à rire mais à rire jusqu'à l'arrivée en cavalerie de la catastrophe. Un cadre de sa boîte venait lui signifier son renvoi. Toujours un soulagement lorsque l'on est barbouillé.

Quinze heures – seize heures : Amblin Entertainment. Je paluche avec John “H” Smith junior, l'ébaubissant, rien à voir avec Defolian Smith, inventeur de la ligne contiguë en milieu pointillé. La culture mondiale est éternellement reconnaissante à mon interlocuteur d'avoir commis “Au-delà”, “Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal” et “Les Pierrafeu à Rock Vegas”. Maintenant on sait d'où Clint Eastwood et Steven Spielberg tiennent leur forme éblouissante : de purges répétées. Plus intéressé par le tissus de mon costume et l'absence de martingale de mon veston trois boutons dont un pendant et deux après, surprenamment fasciné par le coordonné de ma cravate bleu-vert façon cou de col vert de basse-somme en saison des amours contrariés par des viandards avinés, nous parlâmes chiffon, mode, mouchoir, rhum, casquette, trois mats, mutinerie, t-shirt moulant, beaux garçons, tétines durcies, sodomie, bref nous parlâmes voile et navigation entre grand large et petit détroit. Man-man vient me chercher avant la fin du goûter.

Seize heures – dix-sept heures : DreamWorks SKG. Je serre la main de John “I” Jones-Smith, le trouant, rien à voir avec Fidelio Smith le pionnier du dérouleur-enrouleur de ligne de mire. On doit à mon “interlocuté” : “Mille Mots”, “Palace pour Chiens” et “Paulie, le Perroquet qui parlait trop”. Malgré mon échec à lui faire comprendre que nous aussi avions des arbres et l'électricité en Europe, son froncement de sourcils ne parvint jamais à ternir son sourire mille fois répétés. Nous nous quittâmes donc bons amis à jamais autour de quelques amuses-bouches.

Dix-sept heures – dix-huit heures : Lions Gate Entertainment. Je malaxe la pogne de John “J” Smith-Smith the second, l'ébahissant, sans lien avec Smithy Smith, déplisseur de gros colons en banlieue d'Hoboken. Nous devons reconnaissance inaltérable à John “J” d'avoir sécrété “All Dogs Go to Heaven 2”, “The Meteor Man” et “Repo! The Genetic Opera”. Malgré mon échec à lui faire comprendre que l'on ne portait pas de pochette voyante avant 19 heures chez les hommes de goût, il opina du bonnet à risette pendant presque nos soixante minutes de discute. Nous nous finichîmes à grands coups de quiches sublimes. Merci Lorraine !

Dix-huit heures – dix-neuf heures : The Weinstein Company. Je carambole le cubitus avec John “K” Williams-Smith, l'éparpillant, sans lien avec Jedediah Tumediah Smith, l'explorateur et trappeur américain dont l'indéniable foi chrétienne vacilla après avoir fait mourir de peur une enfant indienne qui n'avait jamais vu ni homme blanc ni cheval ni croisement entre les deux. Ce monde ingrat doit à John “K” : “Piranha 3D”, “Scream 4” et “Le Journal d'une Baby-Sitter”. Malgré mon échec à lui faire comprendre que, non, tous les présidents français, ou aspirants, n'étaient pas des enragés de la teub en lui agitant ma petite saucisse cocktail sous le nez durant un apéro non improvisé, nous devisâmes gaiement en conjecturant Batman et Robin, Watson et Holmes, saucisse-purée, Bitter San Pellegrino et en béchamélisâmes de rage des fonds d'artichauts.

Dix-neuf heures – vingt-heures : CBS Films. Je salue bien bas John “L” Brown-Smith, l'affolant, sans lien avec Edgard Albert Smith, le célèbre malacologiste britannique. On doit à mon interlocuteur : “The Last Exorcism part 2”, “Afflicted” et “Seven Psychopaths”. Malgré mon échec à lui faire comprendre que, non, je n'avais jamais vu de cervelle humaine étalée sur une tartine, ni lu son passage favori des carnets du père Deibler à propos d'un raccourci par ses soins qui avaient eu la fâcheuse manie d'éventrer des pré-pubères afin de pouvoir jouer mieux avec leurs intestins, je lui confiais mon peu d'espoir de voir ici ma première cervelle au cours de cette mémorable journée. Il me répondit qu'il “aurait cru un type avec autant de galons à l'épaulette plus cool”. J'avoue que je n'ai peut-être pas tout saisi mais nous nous séparâmes “good fellas” après le repas.

Vingt-heures – vingt-et-une heures : A Band Appart. Je symbiotise avec Gédéon Lourgouilloux, le pétard à dent, sans lien, aucun, du coup, avec Annie Morrill Smith, la fameuse bryologiste américaine. Un Gédéon en pleine descente, une crise de mal du pays, accentué par ce si délicieux accent des faubourgs de Paname qui me caractérise. Un peu embarrassé, mais accédant à sa demande, que dis-je, sa supplique, je me suis laissé renifler le ticket de métro devant tout le monde et un Lourgouilloux en sanglots. Le cinoche mondial ne doit rien à “He ! Connarde!”, comme le hèle souvent Quentin Tarantino lui-même, puisqu'embauché la veille pour vider les poubelles. Malgré mon échec à faire remarquer qu'un emploi pourri mais rémunéré en Californie valait mieux qu'une indemnité à Montmartre, son point de départ, il ne pu s'empêcher de lécher ma carte vitale en se mouchant bruyamment à intervalles irréguliers mais indexés sur ses irruptions morveuses. Je le ragaillardis un brin autour d'un en-cas et l'abandonnai pour mon ultime rendez-vous.

Vingt-et-une heures – vingt-deux heures : Gastero Prod. Je casse du buste synchrone devant et avec John “N” Taylor-Davies-Smith, le desquamant, sans lien avec Hugh MacCormick Smith, l'ichtyologiste américain. On doit à mon interlocuteur “Mets l'store bourre-moi”, probablement une resucée du héros de Léo Malet mal retraduit, “Welcome in Craque-rondelle”, chronique empoignante d'une communauté d'hommes à cheval sur la frontière canadienne, très à cheval, trop peut-être, et “Ensemençator 4, l'homme qui aurait mieux fait de se retirer”. Ne saisissant pas, au début, pourquoi il tenait absolument à ce que le budget costume soit revu autant à la baisse ni comment on pourrait se faire emboiter tous mes personnages les uns dans les autres pour la scène finale, je lui conseillais, à vouloir jeter un pont vers l'Europe, de filmer la Belgique avec les dernières technologies afin d'impressionner le vieux continent. Le plat pays en 3D, cela va mettre une claque à tout le monde, c'est sûr.

Certes, au risque d'être taxé “d'anti-smithisme”, c'est en forgeant que l'on devient forgeron mais je ne pus m'empêcher de penser que trop de “Smith” tuait le “Smith”. L'Américain est aussi naturellement enthousiaste que le Français est morose, c'est avéré, mais j'avais trouvé l'effet, de l'harmonie de mes effets personnels portés ce jour et l'impact de mon discours, un rien exagéré. De retour dans ma chambre, flapi, ballonné d'avoir tant rabâché, la tête farcie de toutes ces inepties, je décidais de me toiser dans la porte coulissante de la penderie qui servait aussi de miroir en pied, histoire de bien me piétiner la gueule avant de mettre la viande dans le torchon. J'inventoriai machinalement dans la glace le nombre d'oreillers sur le lit derrière moi d'un regard oblique par-dessus mon épaule et… y découvris sans doute les fameux “galons” cités par l'autre con. Moi, le fourbu de la jeune nuit, je fixais incrédule les recalées du petit matin, bouche bée, mes lentilles avaient fait le point sur la paire alanguie de Burlington taille 42 posée en travers de mon épaule gauche… perpendicularité inaltérée… depuis ce matin 7 heures quinze et revis défiler tous les sourires javellisés depuis ma sortie de chambre numéro 123. 123 comme 1, 2, 3 et rentre chez toi. Après tout, quitte à finir dans un cul-de-sac autant qu'il épouse bien le pied.

Man-man vient me chercher avant la fin du dégouté.

  • Ceux qui tuent une mouche à cinq pas et nécessitent une penderie à deux ... Sacré Ultane !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Default user

    planchlaman

    • T'en chope une de temps en temps finalement.

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Droopy bogie orig

      koss-ultane

  • Perso j'ai carrément adoré ! J'ai tout lu, me suis esclaffée et ai interrogé, sans réponse, mon entourage. Un dévidoir à moineaux, quelqu'un sait ce que c'est?
    Bravo, je kiffe grave cette tranche de franche rigolade.
    cdc pour moi !

    · Il y a presque 11 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

    • Je n'ai aucune idée de ce que pourrait être un dévidoir à moineaux si cela existait. Probablement un vocable désignant une boite de nuit pour chats ? Merci.

      · Il y a presque 11 ans ·
      Droopy bogie orig

      koss-ultane

  • Je ne vois qu'une seule explication a tout cela...vous êtes complètement dingue....donc génial!!! Et merci pour "ebaubir"qui rejoint la liste!

    · Il y a presque 11 ans ·
    B wgreek

    Marion Danan

  • J'ai bien aimé, et ai assez ri avec un taxi pour Bakou. Smith et ouais sonne.

    · Il y a presque 11 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

  • :) globalement j'ai bien aimé , des phrases cultes beaucoup d'humour décalé, une réalité terrible et bien rendue.
    Peut-être est-il un tout petit peu long par endroit mais là je me place en lecteur hein , pas de jugement juste une sensation

    · Il y a presque 11 ans ·
    P 20140419 154141 1 smalllll2

    Christophe Paris

    • De mon point de vue c'est une purge, donc, longue journée, long texte.

      · Il y a presque 11 ans ·
      Droopy bogie orig

      koss-ultane

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