Lui

Adelphine

J'ai repensé à lui hier soir, à lui tout entier avec ses innombrables défauts. Et je mourais d'envie de lui dire celle que je cachais, par peur qu'il ne découvre ce qu'il ne sait pas. J'étais peut être abîmée, peut être même dépravée après tout.  

Je voulais lui crier l'éternelle insatisfaite que je suis malgré moi, l'envie de l'inconnu et de partir loin oubliant l'identité profanée qui m'est collée au front. Je voulais lui dire que j'avais peur. Que j'avais peur de lui. Que j'ai peur qu'il se taise lorsque j'attends des réponses, qu'il se foudroie de colère, contre moi, contre mon imparfait. Parce qu'à partir du moment où je me déciderai à l'aimer avec toute mon âme, c'est toute mon âme que je mets au risque de perdre. Et c'est à partir de là que tout commence.

C'est dès cet instant que l'enjeu devient gros. Mais l'évidence était que j'avais besoin de lui. J'avais besoin de perdre la crainte de tomber dans l'oubli, même si ce n'était qu'à travers des secondes qui s'enchaînent, à travers des minutes que je fixais longuement. Car rien n'était pire pour moi, que de me perdre au sacrifice d'aimer. Je mourais d'envie de lui dire qu'il ne fallait pas que je meurs pour lui, qu'il ne fallait pas que ce soit moi, encore moi, celle qui aime au-delà de ce que lui éprouve à mon égard. J'aime cette conformité, ce vaste espace de sécurité qui ne cesse de se faire ressentir en moi. Je voulais le lui dire cette nuit là, je voulais lui dire que je ne voulais pas être un numéro.

Je me suis endormie dans un infini trou noir sans fin qui dégorgeait sur moi, sur mon corps. Je me suis endormie dans l'encre noire de ce que j'écrivais. Je crevais l'envie de lui dire que j'avais mal aux mains, à mes mains qui se déchaînaient pour fixer des lettres sur des feuilles, à fixer la manière dont je l'aimais, la manière à quoi cela ressemblait, dans ma tête. 

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