Maman Roubi (5)

Quelques nouvelles de ma mère... (maman Roubi 5)

Comme le savent ceux qui me font l'honneur de me suivre ici, ma mère, âgée de 92 ans a enfin accepter d'être placée en maison de retraite : « La Résidence des Bleuets ». Un établissement très bien, de premier choix situé à Neuilly.

Ce ne fut pas facile, j'ai été obligé de lui promettre que je donnerai mon héritage aux pères jésuites et que je renonce aussi à aller aux réunions de la France Insoumise... (Je n'y ai jamais été, mais ma mère croit que j'y vais depuis que j'ai eu le malheur de dire du bien de Mélanchon parce qu'elle me chauffait les oreilles avec son grand pote Nicolas (Sarkozy, son idole à ma mère c'est Sarkozy, elle n'en démord toujours pas...).

Ma mère : «  Et ton père, qui était général, qu'est-ce qu'il penserait d'avoir un fils qui est pour Mélanchon hein, dis-le moi ? C'est la honte pour notre famille !

- Mais maman, papa n'a jamais été général, juste lieutenant-colonel, et de réserve encore ! Et je ne suis pas Mélanchoniste, mais Chevènementiste, je te le rappelle...

- Ne me contredis pas Arthur s'il te plait ! Je n'irai en maison de retraite qu'à ces conditions !

J'acceptais tout en vrac, de toute façon elle était cinglée, inutile de discuter...

Chaque semaine donc je vais visiter ma maman, si je ne vais pas la voir elle dépérit, ne pouvant pas déverser sur moi les reproches dont elles m'accablent depuis que je suis au monde, elle s'en prend à ce moment là au personnel de la maison et c'est pas une vie pour eux.

Hier donc, après avoir fait le chèque de 6826,54 euros correspondant aux frais de séjour mensuels de ma mère, frais incluant les dégradations diverses qu'elle commet régulièrement dans sa chambre. (J'ai réussi à négocier un forfait avec la maison sinon je ne m'en sortais pas financièrement... Ma mère à le droit de casser deux commodes par mois, de déchirer le papier-peint et d'envoyer des boulettes de merde au plafond sans aucun supplément, sont exclus de ce forfait les incendies et les attentats...).

La directrice, me dit, consternée : « Connaissez-vous la dernière lubie de votre maman ? ».

Moi: (et craignant le pire). Non !

Votre maman à rejoint les Gilets jaunes ! Tous les jours il faut qu'on la sorte aux manifs !

Et le mieux monsieur Roubignolle, c'est qu' on l'a retrouvée un soir aux Champs-Elysées, avec son fauteuil roulant, en train d'encourager les jeunes à casser !

Je montais voir ma mère dans sa chambre, elle était là, assise dans son fauteuil, avec un gilet jaune. (je veux dire ayant revêtu un gilet jaune bien sur...).

« Maman, qu'est-ce qui se passe encore ? »

Elle me regarde droit dans les yeux, lève le poing et crie : « Macron démission ! »

Moi: « mais enfin maman, je ne comprends pas. Toi, Gilet jaune ? Toi, la fille d'un magnat des boutons de culottes, mon grand-père, ce héros discret qui  fit la fortune de la famille ? Toi, la petite-fille d'un soldat de 1870 qui combattit aux cotés de l'Empereur ! Toi, l'épouse de mon père, ce brave homme, ingénieur des Ponts et Chaussées qui construisit le pont de la rivière Kwaï ?

Toi, l'ami de Sarkozy, dont tu serra fraternellement la main lors d'un banquet des anciens à la mairie de Neuilly, même que pendant dix jours tu ne te lava plus la main afin de garder la trace de ce contact céleste  plus longtemps?

Toi, l'arrière-petite-fille par ton père d'un marchand de balalaïka en gros décoré par le Tsar lui-même ?

Toi, la filleule du célèbre inventeur de l'eau mitigée. Alfred Roubignolle ?

Toi là...

Ma mère : « Bon ça va arrête de faire ton numéro Arthur, ça ne prend pas avec moi. Oui je suis devenue gilet jaune, et alors ?

Y en a marre de toutes ces taxes ! Figures-toi qu'ils m'ont encore piqué 134 euros sur ma retraite !

Moi: oui je sais maman, mais avec la pension de réversion de mon père, que je te rappelle, j'ai obtenue pour toi après de longs mois de combats administratifs, plus les actions d'Air-Liquide dont  tu as héritées d'oncle Alfred, plus ta rente de veuve de guerre. On est pas à la rue maman !

Ma mère : m'en fous, c'est pour le principe ! Et puis je les aimes bien moi ces gilets jaunes. C'est un monde que je ne connaissais pas. Ils sont sympas. Figure-toi que j'ai même lié amitié avec un cheminot de la CGT! Ça me change des vieilles sottes avec qui je fais un bridge le samedi soir...

Je soupirais... «  Et les gaz lacrymogènes maman, c'est pas bon pour toi, à ton âge, Déjà que tu es fragile des bronches... »

Penses-tu ! On est costauds dans la famille, rappelle-toi de ton oncle Marius Roubignolsky (oui la branche russe de la famille!). Gazé trois fois à  Verdun et pourtant après la guerre, vainqueur du marathon de Paris !

Certes certes maman, mais quand même, je m'inquiète...

Tu t'inquiètes pour moi maintenant? C'est nouveau!

Mais non, pas pour toi maman, mais pour les CRS... Que va t-il leur arriver si tu participes aux manifs ?

A ces mots ma mère se leva et commença à tourner en rond dans sa chambre en criant :

CRS SS! - CRS SS !- CRS SS !

Ma mère étant partie en boucle, je m'éclipsais discrètement...

En redescendant je croisais la directrice...

-Ça va votre maman monsieur Roubi ?

Moi : impeccable, ces promenades dehors ont l'air de lui faire le plus grand bien...

-Nous faisons tout notre possible pour le bien être de nos résidents... Me répondit la directrice dans un grand soupir las...

A suivre...