MODERAT : ZÉRO ERREUR

Etaïnn Zwer

Les excités Modeselektor et le lover dream-pop Apparat livrent leur second opus, "II" : épopée mature, planante et sublime en terra electronica.

Alchimistes contradictoires, échauffés sur Moderat (2009) – roller coaster brillant mais inégal –, les b-boys techno Gernot & Szary et le crooner ambient Sascha Ring tentent à nouveau le diable. Subtil, homogène, porté par un spectre de sensations élargi, II est l'album d'un groupe qui a enfin apprivoisé son identité sonore. Onze titres en clair-obscur, émaillés de beats obsédants et de textures atmosphériques d'où s'élève la mélancolie soyeuse d'Apparat. Joie d'une nuit dangereuse en plein désert, mot d'amour jeté dans une after. On danse ivre sur l'enchanteur single « Bad Kingdom », synthèse pop-club rejouant l'exotisme noir d'un John Talabot. On s'abandonne à la poésie hantée de « Versions », aux ressacs de « Let In The Light ». Puis « Milk » frappe, bombinette de hip-hop clandestin à la gangue liquide et à la basse affûtée. Jusqu'à la rave émotionnelle de « Therapy »... Entre, des échappées (« The Mark », « Clouded ») dessinent un paysage scintillant où l'on croise d'intrigantes jeunes filles : à « Gita », Apparat offre une soul électronique sensualiste quand une chorale tribale enserre « Ilona ». Enfin « Damage Done » et sa mélopée crépusculaire nous exfiltrent en douceur vers le happy-end grisant « This Time », chant d'un corps vibrant, d'un esprit épuisé et ravi. Séducteur et hooligan, contemplatif et viscéral, délicat et puissant, le lyrisme électroïde du trio approche une forme de grâce – hypnose calibrée. Moderat a trouvé sa juste mesure, et le plaisir est immense.

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Moderat, II (Monkeytown Records / Rough Trade, 2 août 2013) : 9/10

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