Moi, immortel

Hervé Lénervé

La presse n’en a pas encore parlé, mais je suis pressenti pour être le prochain vert à entrer à l’Académie Française.

Si cela se fait, mon travail ne consistera pas à enrichir la langue, mais tout au contraire, à  l'appauvrir à l'exemple des jeunes de cité. Mon but sera de la rendre accessible  à tous, même aux incultes des jeunes déjà cités.

Orwell dans son « 1984 » en avait déjà expliqué le principe de base avec son « novlangue ».

D'abord, le vocabulaire. Pourquoi avoir plusieurs mots pour signifier la même chose, je te le demande ? D'ailleurs non, je ne te le demande pas, car cette expression ne sert à rien, n'apporte strictement rien, c'est seulement une communication phatique, uniquement là, pour éviter que tu t'endormes, dès le début de l'exposé. Donc, je supprime tous les « j'te dis pas ! » qui finissent toujours par tout dire. Etc.

Redonc, un mot pour un sens et c'est tout. Plus de synonymes, tridonc, on peut déjà virer le terme « synonyme » de nos dico, un de moins. Avec moi le dictionnaire va se mettre au régime, il finira par s'écrire sur une carte postale.

Po, po, po, la subtilité du langage ! Une belle invention pour parasiter le message, oui ! D'où, des contre-sens, des confusions, des interprétations et à la fin, une guerre nucléaire pour une histoire d'accent circonflexe.

Quartédonc, le salut est dans la simplification de la communication, n'importe quel linguiste te le dira. Non, pas lui, c'est un linguo-poète, un renégat, un traître, un félon, un Judas ! Oui, je sais, il y a tant à supprimer, mais quel gageure que de ramener le vocabulaire à deux cents mots, un concentré à l'état brut de la quintessence de la langue.

Cinquodonc, l'orthographe a été développée pour satisfaire une élite au détriment des plus démunis. Les mots s'écriront phonétiquement tel qu'on les entend, poinbare !

Sixtodonc, le sens des mots ne sera plus équivoque. Une insulte sera une insulte pour tous, exceptée pour moi où elle prendra le sens d'une qualité.

Voilà en gros tout le travail qu'il me reste à faire pour redonner ses lettres de noblesse à la BLF, la Belle Langue Française.

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