Murs de silence (épilogue)

matt-anasazi

Il arriva exceptionnellement tôt pour cette réunion de prérentrée. Pour la première fois, Grégory voulait composer son propre personnage avant de rentrer tant les vacances l’avait transformé et bouleversé. Il ne souhaitait voir personne à son arrivée dans la salle des professeurs ; il avait croisé uniquement la responsable de l’accueil avec qui il échangeait toujours avec bonne humeur les potins du jour. Elle avait bien remarqué qu’il semblait rêveur et plus mélancolique. Grâce à une pirouette, il mit sa mélancolie sur le compte des bons souvenirs de vacances et du « blues » de la rentrée. Elle acquiesça avec un mot d’encouragement et il s’en fut.

Deux mois sans Cécile… Ou plutôt, un mois et vingt-et-un jours. Pour en avoir senti la morsure quotidienne, tout son être pouvait en témoigner. Ils s’étaient appelés, avaient correspondu par mail, échangé des sms. Mais ils ne passaient pas leurs vacances ensemble… Le besoin de Cécile de le voir, le sentir à chaque instant, il le ressentait avec la même intensité. Mais pourquoi ce manque cruel de lui l’avait-il horrifiée au point de le repousser ? Pour ne pas souffrir ? Ne souffrait-elle le martyr de son absence ? Ne le lui avait-elle pas dit de nombreuses fois depuis ? Au moins pourrait-elle le voir le week-end et s’emplir de lui pour affronter la semaine qui suivait !

Il s’installa devant l’ordinateur où il travaillait habituellement. Il revoyait Cécile assise sur le poste le plus proche. Chaque détail d’elle l’inonda : son sourire à la moindre de ses remarques, l’éclat de ses yeux bleus avec le soleil perçant les rideaux à sa gauche, ses boucles blondes ondulant autour de son visage si doux, le son de son rire cristallin et léger comme la brise de printemps, l’éclair traversant ses yeux quand elle parlait pédagogie. Il se leva péniblement : affronter un fantôme malgré la chaleur quasi estivale de ce matin de septembre lui était impossible. Son âme troublée cherchait en vain une bouée à laquelle se raccrocher…

En passant près de la fenêtre jouxtant son casier, il vit l’immeuble d’en face. Rasé durant les vacances, un trou béant témoignait de sa présence jadis. Planté au milieu de la fosse, un panneau indiquait : « Bientôt une résidence moderne. » Les fondations avaient été parfaitement stabilisées ; restait à lancer la construction.

Sans réfléchir, il attrapa son portable. Un besoin. Une nécessité. Ses doigts composèrent le numéro de Cécile. Il entendit quatre sonneries puis se déclencha la messagerie vocale ; une Cécile au naturel disait avec un ton taquin de lui laisser un message. Grégory attendit le bip, inspira et se lança. « Cécile, ici Grégory. Je t’aime, tu le sais. J’en ai marre de ce ballet entre nous. Tu ne veux pas souffrir en nous laissant commencer une relation TGV. Mais au moins il y a relation… Alors voilà ma décision : vendredi, je prendrai le TGV et je t’attendrai toute la soirée s’il le faut. Je veux savoir si tu veux être avec moi… Ça sera dur, long, oui… mais je veux tout tenter pour que tu sois à moi. A vendredi soir ! » Il raccrocha, vidé. Pendant tout le message, il avait concentré sa volonté et en ressentait à présent le contrecoup. Son regard tomba à  nouveau sur les travaux en face. Il en avait assez du vide : il voulait voir une construction.

Grégory Sénécal participa à la journée de prérentrée, M. Sénécal assura son rôle de professeur principal mais plus rien n’existait vraiment que ce vendredi soir. Il partit sitôt les cours finis le vendredi après-midi. Dans le train vers Paris, il calmait son anxiété à coup de vidéos vite oubliées et de nouvelles encore plus vite lues.

Le train ralentissait, il se leva, attrapa son sac. Son portable vibra. « Oui ».

Elle l’attendait sur le quai.

  • Merci, Cerise !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

  • Joli coup de maître le quai de gare. Étant militaires tous les deuc avec ET (tu ne connais pas ET ?) C'est notre lieu de ré trouvailles. ... et c'est toujours émouvant. Même si ca veut dire être parti longtemps. Je continue ma saga sous le soleil demain.. j'attends la suite de la tienne.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    10712727 927438223957778 7773632960243052824 n

    cerise-david

  • Premier texte que je lis de "murs de silence"
    oui j'aime bien commencé par la fin

    Mais j'ai été touchée (comme d'habitude) par tes mots, les sentiments de Grégory qui ne veut pas perdre Cécile, qui se lance puisqu'il juge ne rien avoir à perdre, il cherche à comprendre Cécile.
    Cela m'a touché parce que c'est le genre d'histoire que j'aime, que ça me rappelle ma vie ou tout simplement que cela allait avec la musique que j'écoutais

    j'ai hâte de commencer à lire la "saga" et de me laisser submerger par les sentiments des personnages.
    CDC

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Capture d  cran 2013 08 21   14.37.53 150

    heartthrob

  • Merci, Christine. En effet, l'amour demande des efforts mais la récompense en vaut la peine !
    Merci, Rafi. Je suis en train de travailler à son adaptation en roman, justement. Prise de tête assurée j'en suis au deux tiers à peu près mais ça prend du temps. Je vous tiendrai au courant de la suite du projet.
    Merci encore à toutes les deux !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avatar loup 54

    matt-anasazi

  • Ce final est parfait, un mot qui change tout, c'est juste le début en fait :)

    J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, je crois que tu fais bien de l'adapter en roman, c'est une très belle idée ! Bravo !

    · Il y a plus de 10 ans ·
    20130820 153607 20130820153847362 (2)

    rafistoleuse

  • belle histoire d'amour qui finit bien en plus. l'amour, etre amoureux ce n'est pas si facile mais quand on y arrive c'est tellement beau. comme ton histoire, bravo

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    christinej

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