Nu devant la glace

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

Nu devant la glace, il se complaisait, derrière ses défauts. Dans sa tête, le néant. Il se décarcassait, en se regardant, à remplir le vide qui se trouvait en lui. Isabelle, sa dernière, lui avait trouvé des qualités. Mais depuis qu'elle était partie, il ne se prenait plus pour un astronaute au sommet de sa gloire. Il se voyait là plutôt claudiquant dans un corps trop étroit. Il était empreint de mélancolie et de nostalgie. Isabelle lui avait montré le septième ciel, comme elle était belle. Elle lui ronronnait qu'il était son vice, qu'il était son fil et puis son mentor.

Ils s'étaient connus sur un bateau mouche alors qu'il cherchait à panser sa vie en y puisant de l'inspiration pour un éventuel roman. Elle était devant lui, la nuque dégagée de ses cheveux blonds bouclés et commentait seule avec ravissement tout ce qu'elle voyait. Dans un à-coup brusque de l'embarcation les notes littéraires du triste bonhomme s'envolèrent et c'est avec grand sourire que les lui rendit la future Isabelle les ayant reçus dans sa pleine figure. Sourires réciproques. Coup de foudre. Son vice, son fils, son mentor.

Mais la jeune femme frêle était ambigüe, se cherchant elle-même elle aimait à plaire à n'importe lequel des badauds. C'est ainsi que trois mois après leur rencontre elle lui déchira son petit cœur menu en partant faire le tour du monde avec un autre homme. Elle coupa ainsi farouchement la résilience de notre homme et il retomba dans le désespoir qui s'était, éphémèrement éteint.

Il reprit alors une vie maussade, comme celle qu'il avait connu depuis son enfance. Il se ré-enfermait dans le prisme d'une profonde dépression. Pas de type angoissant, mais plutôt lassant, lancinant et tangible. Comme une vie de survie. Il trouvait la vie morne et sans surprise. Il était bloqué dans son roman qui ne portait là aucun fruit.

C'est devant ce miroir qu'il vit refléter, la carte du monde qui lui faisait dos. D'une nature hésitante, il n'avait jamais osé que rêver d'une grande aventure sans jamais se donner les moyens d'y parvenir. Cette carte du monde lui faisait des pieds, tant elle était grande, il ne l'avait jamais remarqué.

Lui vint une idée brusque, imprévisible, incroyable pour un homme sans envergure comme il se pensait. Et si lui aussi, partait faire un tour du monde notamment pour y puiser quelques décors pour son roman, pour le faire renaître. Un peu de sous en poche, un gros sac à dos et des trains lui feraient l'affaire. Espérait-il au fond de lui retrouver son Isabelle ?

C'est ainsi qu'il commença son voyage de Paris à la quête de l'inconnu et de l'imprévisible. Il s'assit à bord du TGV direction Amsterdam ressortant ses notes. Attention au départ. A sa gauche, un grand-père ronflait bouche ouverte, ce qui l'agaçait profondément. Il n'arrivait guère à se concentrer sur son roman. Ledit grand-père étant du côté fenêtre, il ne voyait pas bien le paysage défiler.  Que faire donc à part regarder à la droite le côté couloir ? Mais… Ce qu'il vit le frappa en pleine tête, et il se sentit là en pleine fête. Une ravissante jeune femme, dégageant ses cheveux noirs bouclés de sa main gauche fit tomber dans le couloir son magasine dans un brusque à-coup du train. Et les deux, de chercher à le ramasser en même temps. Une coïncidence de main dans la main, effet de surprise… Un premier sourire : « Bonjour, je suis Héloïse… ».

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