On laisse pas bébé dans un coin

Aurelie Blondel

Ni dans le congél' ...

La nouvelle machine à laver était livrée et installée. 
Une 10 kilos ! De fabrication française s'il vous plaît !
Il fallait au moins ça pour toute cette grande famille que nous formons.
Nous l'avions choisi à hublot. Question pratique déjà et parce que voir la machine se remplir d'eau, tourner, dans un sens puis dans l'autre, le tambour se balancer avec ce bruit nonchalant, le linge mousser; a quelque chose de médusant, hypnotisant, relaxant.

J'avais voulu faire la "blague". Vous savez, le même genre de farce que de coller un sticker "bébé à bord" sur son congél'.
Ok, c'est pas très fin, c'est assez douteux comme "blague".

Vu la bouche béante que formait le hublot une fois ouvert, en comparaison à son tout petit corps, ça ne faisait aucun doute qu'il rentrerait facilement dedans. Alors je l'ai mis...
Et sur le moment, ça nous a tous amusé.

Sur le moment seulement... Parce qu'aux secondes qui ont suivi, nous ne rigolions plus du tout.
Le chat, en un passage aussi rapide qu'énergique, avait réussi a pousser le hublot suffisamment fort pour que celui-ci se ferme.
Cette farce n'aurait jamais viré au cauchemar si le programmateur n'avait pas été enclenché. Le cycle s'était mis en route. 
La panique totale aussi. Il fallait réussir à ouvrir la porte coûte que coûte. On ne maîtrisait pas du tout ce nouvel engin et encore moins la situation. Je tournais frénétiquement les pages du manuel d'instruction en quête de la solution.
Dans toute cette cohue, il ne nous était même pas venu à l'esprit de juste débrancher la machine. 

Les premiers va-et-vient ont commencé, faisant tourner ce petit corps innocent qui n'avait rien demandé et qui se trouvait victime d'une farce qu'il ne comprenait même pas.
Nos mines atterrées, pensant qu'il était déjà trop tard, firent comprendre à ma fille qu'un drame qu'elle n'avait jusque là pas saisi se déroulait. 
Les pleurs et les cris résonnaient dans la buanderie toute entière.
Je tentais de maîtriser l'hystérie de ma fille mais elle tapait du plus fort qu'elle le pouvait sur le hublot.

"RENDEZ MOI DOUDOU !!! RENDEZ MOI DOUDOU !!!"

Elle pensait que la situation était grave pour son doudou. Nous n'avions pas pris le temps de lui expliquer que les doudous prenaient leur "bain" dans une machine à laver.

En revanche, nous, nous avions bien compris que le rouge éclatant de doudou était en train de ruiner la machine de linges blancs qui tournait, tourbillonnant dans une mousse de plus en plus rose. 

Aurélie Roumy

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