On ne me la fait pas à moi !
ysee-louise
Voyez-vous ça…oui oui, bien sûr, le petit chaperon rouge est une petite fille dont l’innocence n’a d’égal que la naïveté. Ben voyons, à d’autres Charles, on ne me la fait pas à moi Monsieur Perrault !
Premièrement, elle est habillée en rouge des pieds à la tête. Parfait accoutrement pour traverser discrètement une forêt verte et dangereuse ! Cette couleur n’excite-t-elle pas les taureaux de tout poil ? Qui me contredirait sur ce point ? Le fâcheux m’opposerait le feu rouge, qui dit « stop, on ne va pas plus loin, limite non franchissable », certes, certes. Mais j’avancerais les nuisettes, dentelles et corsets carmins qui excitent le mâle, assortis au rubis des lèvres mutines et des manucures provocantes… invitation bien plus que prévention vous dis-je !
Soit, au bénéfice du doute, je suis le fâcheux et abandonne la suggestion colorée pour aller plus avant dans ce conte bien innocent. Elle s’engage dans le bois, et par hasard, oh oui, vraiiiiiiiiiiiiment par hasard, elle rencontre le loup. Parce que, c’est bien connu, à cette époque, les petites-filles ne savaient pas qu’il y avait des bêtes dangereuses dans les bois. Mais enfin, n’importe quel personnage de conte qui se respecte sait tout cela, qu’il soit petit poucet ou chat avec ou sans bottes d’ailleurs. Moui moui, elle n’a pas conscience du danger qui la guette et se promène, notre petite ingénue toute rouge, sur le sentier, avec au bras un panier garni d’une galette qui embaume à la ronde. Comme ça au moins, si le gros loup ne l’a pas vu dans son accoutrement écarlate, il la sentira, c’est sûr !
Ah non, le fâcheux est de retour. Il s’entête : ce n’est pas elle qui a mis la galette dans le panier, c’est sa mère, et puis, et puis…allez, on est sympa, d’accord monsieur Charles, elle est toute innocente et elle a drôlement peur lorsqu’elle est face au grand poilu. La preuve, elle ne minaude pas du tout, pensez-vous, elle lui dit juste où elle va en lui donnant l’adresse exacte : « par-delà le moulin que vous voyez là-bas, à la première maison du village. » Et puis, comme elle ne veut surtout plus avoir à faire à lui, elle prend exactement le chemin qu’il lui indique : « je m’y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là… ». Elle est vraiment effrayée, la pôôôôvre, alors en chemin, elle s’amuse, cueille des noisettes et fait des bouquets de fleur.
Le loup, lui au moins, assume sa lubricité. Il se dépêche de se rendre dans le lupanar. Il se tape d’abord la vieille. Oui, bon, y a sans doute mieux comme hors d’œuvre, mais il faut le comprendre, comme nous l’explique ce bon Charles « il y avait plus de trois jours qu’il n’avait mangé. » Ensuite il se repose dans le lit en attendant la p’tite jeune.
Retour à la jeunette, bien innocente on a dit, c’est ça ? Voui voui…elle toque et là elle entend une voix - vous n’allez pas me dire qu’une grosse voix de loup ressemble à celle d’une grand-mère enrhumée tout de même !!! – donc une bonne voix bien virile qui lui dit « tire la chevillette et la bobinette cherra ». Tu m’étonnes qu’il va cherrer de la bobinette le loup si le chaperon lui tire la chevillette ! Bref, elle tire, ça cherre et là il lui propose : « viens te coucher avec moi ». C’est bien connu, les petites filles se couchent avec leurs mamies quand ces dernières sont malades, et pour ça elles se déshabillent…ben oui, c’est écrit : « Le Petit Chaperon Rouge se déshabilla » ! Ah là là, innocence, quand tu nous tiens…
« Elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. » Tu m’étonnes Charles ! Sacré chevillette le loup…Je vous passe le coup des grandes dents et du grand… (ah non, pardon, ça c’est pas écrit…). Voilà, vous connaissez la suite, il lui saute dessus, elle hurle. Ses cris alertent (attirent ?) le bûcheron qui passait par là (oh bah, par hasard lui aussi bien sûr). Le monsieur avec sa grosse hâche se débarrasse du loup … et ce que font ensuite la mère-grand et le Petit Chaperon Couleur de l’Innocence pour lui montrer leur gratitude, ça, l’histoire ne nous le dit pas. Je laisse la suite à votre imagination…
Post-sciptum : en ce qui concerne le petit pot de beurre, cf. Dernier tango à Paris, pour les initiés uniquement…
Je suis morte de rire. En effet, bizarre monsieur Perrault. Aurait mérité une psychanalyse.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
Les contes étaient initialement écrits pour les adultes, non? Bravo ;-D
· Il y a environ 14 ans ·pointedenis
Un argumentaire irrésistible.
· Il y a environ 14 ans ·Jiwelle
amusant !
· Il y a environ 14 ans ·Daniel Macaud
J'aime beaucoup cette vision très implacable du conte et, comme pour le dernier texte que j'ai lu, je trouve que l'imbrication d'illustres écrivains à votre texte amènent une raisonnance et une crédibilité plus forte encore (si besoin en était) aux idées forces que vous défendez avec brio !!! Encore Bravo, oui vraiment, je reviendrais.
· Il y a environ 14 ans ·leo