Parfaite Albion

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Il existe un Eldorado qui enfièvre les adolescents. Tout aussi exotique que les Amazones, les nymphes qui habitent cette contrée ne peuvent pourtant se découvrir sans risquer l'angine de poitrine. Au premier abord, il y a donc peu de chance de les admirer dans l'apparat dans lequel Wallis découvrit les Tahitiennes.

La première année où je suis allé à Londres, je débarquai à Bexleyheath, dans la banlieue Est. Je n'avais pas posé mes valises depuis dix minutes que Tania m'invita par une œillade à m'initier aux mystères du cricket. Curieux de nature, j'étais bien évidemment ouvert à approfondir l'Entente Cordiale.

C'était trop beau pour être vrai et pourtant je ne rêvais pas. Sa petite sœur nous accompagnait ainsi que l'aîné, Anton. Celui-ci nous abandonna rapidement pour rejoindre ses amis autour d'un joint. Quant à la benjamine, une livre suffit pour qu'elle aille s'acheter des tonnes de bonbons.

Je devenais dingue de Tania. A l'instar de son prénom, elle ne manquait pas de chien. L'autre jour, je suis tombé sur une photo d'elle. Elle avait la perfection de la beauté britannique : de longues dents proportionnées à la taille des pieds.

Mais son père veillait au grain. Il pratiquait à la perfection l'humour anglais. Il m'avait surnommé Mister Yes. Les premiers jours, je ne captais rien de leur accent faubourien et je répondais à toutes leurs questions par la positive. Ils ont bien dû se marrer.

Mais un soir et alors que je commençais à être à l'aise dans le maniement de la langue grâce aux constants efforts de Tania, je fus convoqué par le paternel. Il me signifia qu'au pays de la Marmite et de la gelée de menthe, on pouvait rire de tout sauf de sa très Gracieuse Majesté et du sexe. C'était clair, alors qu'à l'extérieur je voyais une jeunette d'à peine dix-sept ans traînant son marmot …

L'année suivante, je convainquis mon ami Guillaume de me rejoindre. Mais il arriva trois jours avant moi. Quand je débarquai, Tania m'avait déjà oublié.

Heureusement, les occasions étaient toutes aussi nombreuses que les jours sans soleil. Je faisais donc contre mauvaise fortune bon cœur après avoir rencontré Donna. Derrière ce prénom digne de figurer dans le générique de La petite Maison dans la Prairie se cachait en réalité l'archétype de la vulgarité, maquillée au ripolin dès potron-minet.

Elle ne me motivait guère et je fus rapidement lassé. Je la laissais entre les grosses pattes d'Anton. Il lui arrivait, de temps à autre, de décrocher de Bob Marley et du rituel cannabistique qui l'accompagne. Quand un soir je luis confiai Donna alors que nous étions allongé sur une herbe aussi grasse que son physique, je crus déceler dans le regard d'Anton un je-ne-sais-quoi de Jack l'Eventreur.

Le lendemain, Donna téléphona à la maison pour me déclarer sa flamme. Avec flegme, il faut croire que je m'étais acculturé à l'humour pisse-froid, je répondis par un « So what ? » avant de raccrocher. J'avais retrouvé les grâces du père qui m'exprima sa sympathie par une dégustation de Guiness.

Mais les deux premières années avaient été somme toute forts sages. La troisième fut celle de la consécration. Alors que deux mois auparavant j'étais devenu un adulte par les bons soins de Fanfan, je me sentis pousser des ailes. J'avais compris que l'exotisme jouait dans les deux sens et que mon accent français faisait chavirer les cœurs.

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