Peines d'amours perdues.

Les jours se sont mis à courir. Je ne sais plus quand ça a commencé, mais tout à coup le temps a glissé, j'ai ouvert les mains, et avec les heures, les dates, la douleur s'est frayé un chemin vers le grand dehors. Je pense à cette pièce de Shakespeare, je pense à son titre. Peines d'amour perdues. Peines perdues. De l'amour, où ?

Je pense à ton écriture. Presque féminine. « Quand j'aime quelqu'un c'est pour toujours. Je ne sais pas arrêter d'aimer. » Les mots sont aisés, ils te tricoteraient des plaids bien douillets bien colorés, et puis quand tu les étends pour trouver la chaleur, tu te rends compte qu'ils sont trop petits, qu'ils ne couvrent pas les pieds. Et que t'as froid.

Là, tu vois, je pense à Robin Williams et à son cercle de Dead Poets. L'image m'a ramenée à cette scène du film, tu sais, quand le grand maladroit introverti, celui qui a du génie, il se met à sortir ses tripes sans le faire exprès. Et toi, t'es là, ça te résonne dedans, parce que personne ne sait rien de toi, au fond, et ça te cloue sur ta chaise, et ça t'inonde, ça te fait sourire, fort et secrètement, ça te donne envie de courir et de hurler. Mais t'as 14 ans, et tu peux pas sortir du cours comme ça. Franqueville c'est pas Robin Williams.

J'aurais voulu partager ce souvenir avec toi. Et plein d'autres. J'aurais voulu tout entendre, tout connaître. J'étais au bord de toi. Jeune fille polie qui attendait que tu m'ouvres la porte.

Tu étais au bord de moi, effrayé par ce que tu avais déjà senti, brûlant sur le bout de tes doigts.

Un pas et tu tombais.

Un pas et tu me sauvais.