Pour Elle
gillesdelatourette
Mon père vit loin. Je le vois si peu. Mon père, ce vieil érudit ambitieux se porte loin. Je le vois dans ses yeux. Car au centre de sa pupille, il existe une femme. La princesse de son âme qui loge toujours autant désirable, toujours aimante comme une étoile lumineuse et qui courageuse n'en finit pas de l'animer de ses branches audacieuses ouvertes, crépitant le ciel de mon vieux dans un feu éternel.
Cette femme maitresse qui avait si facilement surpasser ma mère, cette pure folie d'amour qui s'était retirée sur un parchemin de l'oubli parce que les airs et le vent ne s'y rattachaient pas… parce que des ondes de feu se tourmentaient jusqu'à s'étendre au-delà du plafond… tant de nuits, tant d'années au rythme d'une même peau, d'échanges vrais sous la fidèle lucarne, c'était trop… parce que ce trop d'amour de douceur était inconcevable pour faire valser une vie déjà tracée, droite, alignée, soulignée à la règle, pointée à l'épée. Pour au final, casser sa vie, rencontrer une autre femme, celle-ci à peine moins froide que l'épouse parce que c'est ainsi. Je n'apprécie pas beaucoup ma belle-mère et encore moins reconnaitre le fond des yeux de mon père, cette brûlance passagère qui rehausse parfois l'iris, parce que tout simplement, ils me font peur.
Quand je me regarde dans la glace, je vois que je porte ce même symptôme. Je me sens figé, porté par la trouille de vieillir trop vite comme mon père, avec cette femme, mon joyau aimanté au fond des yeux, que mon fils à son tour plus tard saura détecter dans mon regard. Et aucun mot ne se dira. Le silence parfois sera lourd, rempli d'une tendresse pudique, de gestes maladroits, de mains tendues, de sous entendus. A quoi bon parler d'amour quand il vous a percé le cœur et qu'on l'a malmené. Mais pourquoi les mêmes cycles se répètent ? Qu'est-ce que l'univers attend de nous, nous les hommes ? Des prises de risque à grande échelle ? Des prises de -je t'aime- pour une aube nouvelle ?
J'habite un corps malade d'amour. Depuis combien de temps ? Mon père aurait pu m'avertir sûrement. Mais il s'éteindra impénétrable avec son jardin… avec le fond de ses yeux fermés où vacillera encore c'est certain, cette flamme de pensée d'amour unique immortelle.
Son jardin secret que j'ai dévoilé, qui aujourd'hui fait tant baisser mon clair regard. Sur mes doutes, mes incertitudes. Sur mon manque de foi. Quand je le vois Papa ou si peu, je contemple sa flamme, cette femme immense, si intense pour deux.
Superbe...et tellement vrai...merci !
· Il y a plus de 4 ans ·Patrick Gonzalez
La même sensibilité masculine on dirait...
· Il y a plus de 4 ans ·Merci pour la lecture !
gillesdelatourette
C'est juste magnifique ...
· Il y a plus de 4 ans ·flodeau
et encore MERCI !
· Il y a plus de 4 ans ·gillesdelatourette
Emouvant et si bien écrit !
· Il y a plus de 4 ans ·Louve
Merci...
· Il y a plus de 4 ans ·gillesdelatourette
Magnifique amour pour votre père, une respectueuse envie, un modèle... Très beau, très touchant.
· Il y a plus de 4 ans ·li-belle-lule
Merci bp ... mais je ne rentre pas dans le critère autobio comme la plupart ici ;)
· Il y a plus de 4 ans ·L'inspiration m'est venue d'une femme qui se morfond dans sa tanière.
Bien à vous !
gillesdelatourette
C'est joliment raconté
· Il y a plus de 4 ans ·li-belle-lule