Printemps des poètes !
veroniquethery
Cette année encore, je participe au printemps des poètes. Comprenez que je vais arpenter les trottoirs – je n'ai pas dit « faire le trottoir » ! L'amour des Muses a ses limites – et lire des poèmes aux passants lors du marché local.
L'an passé, mes vers ont essuyé bien des tempêtes : façon de dire que je me suis pris des vents ! Pas celui pourtant sauvage de novembre de Verhaeren, pas le maraud de Brassens, ni même le vent mauvais de Verlaine. Non, plutôt des tornades !
Las ! Parés de leur « fier dédain », les braves gens m'envoyaient sur les roses, sans s'intéresser à celles cueillies dans mon anthologie, toutes vêtues de « pourpre au soleil », « vives, fraîches, magnifiques ». Leur « cœur vermeil » ouvert clamait pour moi les plaintes de la fleur au papillon céleste :
« -ne fuis pas !
Vois comme nos destins sont différents
Je reste et tu t'en vas !
Mais non, tu vas trop loin! parmi des fleurs sans ombre
Vous fuyez,
Et moi je reste seule à voir tourner mon ombre
à mes pieds » (Victor Hugo)
Le nœud du problème ? Bien des promeneurs et vendeurs nous ont pris, mes camarades et moi, au mieux pour des dingues qu'il valait mieux soit contourner prudemment, soit écouter d'un air contrit ; au pire, pour des distributeurs de tracts politiques.
Poétique, politique ! Certains en devenaient mutiques, quand d'autres restaient sceptiques. Encore que les poèmes lyriques semblaient métamorphoser de braves personnes en hystériques ! Des quidams fort affables d'ordinaire montrèrent les dents en entendant quelques mots de La Fontaine : « L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage, Ne dira-t-il jamais : C'est assez, jouissons ? Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre. Je te rebats ce mot ; car il vaut tout un livre. »
Ce fut moi qui dus battre en retraite. Puis, songeant à Lamartine : « Je vais tenter encore et les flots et l'orage » et lire encore quelques passages.
Seuls les enfants s'enthousiasmèrent devant cette adulte, qui exhibait un parapluie orné de poèmes, par ce beau matin ensoleillé. Me prirent-ils pour Dame Poppins ou pour une excentrique échappée de quelque asile ? Je vis pourtant la frimousse un peu triste de ces gamins de foyer, qu'accompagnait une éducatrice, s'éclairer en écoutant les vers choisis pour eux. Et, combien ils s'émerveillèrent en apprenant que c'est l'un de leurs compagnons d'infortune qui en avait écrit certains !
Cette année, pour ne pas exciter l'échelle de Beaufort, j'ai décidé de m'adapter et pour le fromager, je louerai ses denrées : « Bénissez aujourd'hui, Dieu des prés, les fromages (…) qu'ils viennent du Jura, du Cantal ou de Parme, (…), l'Edam, le Pottekees, fromage des Marolles et ceux auxquels on dit « Monsieur » comme à des hommes » en récitant les vers de Thomas Braun.
On m'objectera que l'on est loin du thème de cette année : « l'insurrection poétique ». Et, si moi, justement je souhaite m'insurger ! Non, je plaisantais ! Tant d'auteurs à choisir : Ferré, Neruda, Baudelaire, Richepin, Hugo, Prévert… Et même si seules quelques âmes solitaires écouteront, quel bonheur de partager ces vers !
Pour finir, je souhaitais partager avec vous, lecteurs de wlw, ce poème sublime de Neruda :
La Poésie
Et ce fut à cet âge... La poésie
vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d'où
elle surgit, de l'hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,
non, ce n'étaient pas des voix, ce n'étaient pas
des mots, ni le silence:
d'une rue elle me hélait,
des branches de la nuit,
soudain parmi les autres,
parmi des feux violents
ou dans le retour solitaire,
sans visage elle était là
et me touchait.
Je ne savais que dire, ma bouche
ne savait pas
nommer,
mes yeux étaient aveugles,
et quelque chose cognait dans mon âme,
fièvre ou ailes perdues,
je me formai seul peu à peu,
déchiffrant
cette brûlure,
et j'écrivis la première ligne confuse,
confuse, sans corps, pure
ânerie,
pur savoir
de celui-là qui ne sait rien,
et je vis tout à coup
le ciel
égrené
et ouvert,
des planètes,
des plantations vibrantes,
l'ombre perforée,
criblée
de flèches, de feu et de fleurs,
la nuit qui roule et qui écrase, l'univers.
Et moi, infime créature,
grisé par le grand vide
constellé,
à l'instar, à l'image
du mystère,
je me sentis pure partie
de l'abîme,
je roulai avec les étoiles,
mon coeur se dénoua dans le vent.
(Mémorial de l'île Noire, 1964)
Vive l’insurrection poétique !
· Il y a presque 10 ans ·http://www.dailymotion.com/video/x2itroo_jacques-bonnaffe-l-insurrection-poetique-en-studio_creation?start=12
voilà pour vous
feather
Merci pour ce moment ! Tu es non pas l'hirondelle mais la louve qui fait le printemps.
· Il y a presque 10 ans ·Chris Toffans
J'espère ne pas finir comme la louve que Du Bellay vit "sous l'antre d'un rocher" !
· Il y a presque 10 ans ·veroniquethery
C'est beau de faire ça...Mais les gens se foutent de la poésie. Des baffes et du bœuf mironton, voilà ce qu'ils veulent!
· Il y a presque 10 ans ·arthur-roubignolle
Du Bœuf ? Tu crois ! Je vais leur en parler avec la petite grenouille ! Ou alors, leur lire des poèmes de Dominique Cagnard, un type très chouette et un super poète : il a écrit "une vache dans ma chambre" !
· Il y a presque 10 ans ·Extrait : "Les hommes qui s'ennuient
meublent le temps.
Les vaches n'ont pas d'autre meuble
que le vent."
veroniquethery
Il arrive!!! le printemps!!!! Ah Neruda!!!
· Il y a presque 10 ans ·elle surgit, de l'hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,... j'aiùe kissous
vividecateri
En attendant l'été...
· Il y a presque 10 ans ·Mario Pippo