Prothèses frelatées...la faute à qui?

divina-bonitas

L'affaire des prothèses PIP interpelle. 30000 femmes françaises concernées. J'entends en voix off la voix de Lucchini dire: "C't'énorme!" Gros comme un bonnet F. Les nibards gonflés artificiellement deviennent des bombes à retardement, et les femmes qui les renferment, de putatives défuntes à court terme. Veille de fêtes, l'histoire semble en passe de détrôner le Père Noël et les recettes préparatives aux agapes habituelles. Les média disent tout de cette supercherie: les dirigeants en fuite, les femmes terrorisées qu'il va falloir opérer aux frais de la Sécu, c'est à dire aux nôtres, les industriels peu scrupuleux, les risques de cancer, les cas prouvés ou non de mortalité inhérent à l'explosion in vivo du silicone frelaté. 

En écrivant ces mots, le célèbre "On ne nous dit pas tout!" d'Anne Roumanov s'invite sur mon clavier.

Bien sûr qu'on ne nous dit pas tout. Entre autres que les vendeurs de prothèses ne sont jamais que des pros du marketing, qui ne font que répondre à une demande croissante. Réfléchissons. D'où vient la demande? Ce qu'on ne dit pas, c'est le drame intime vécu par ces femmes, celles qui n'aimaient pas leurs seins, trop petits, pas à la mode, ptosés, qui n'aimaient pas leurs corps avec cette poitrine là au point de ne plus s'aimer elles-mêmes, de refuser leur propre regard dans le miroir, et celles à qui il en manque un, ou deux de nichons, pour cause de crabe dévastateur. Je comprends bien ce qui motive ces dernières, pour appartenir à cette vaste caste d'amazones modernes, à qui les chirurgiens proposent des solutions de rapetassage des nibards plus gores qu'un thriller interdit aux moins de 18 ans: on regonfle ici, on prend un bout là, de cuisse, de fesse ou de têton sain, pour faire un simulacre de mamelon, puis on refait l'autre nichon, on le découpe et on le rafistole, avant de recommencer dix ans plus tard. Je sais aussi ce qu'entendent des femmes magnifiques, saines et séduisantes, complexées, tentant de dissimuler leurs Bonnets A, obligées de porter des compléments mammaires dans leurs soutifs, ramant pour trouver un maillot de bain, supportant les railleries de beaucoup y compris de leurs conjoints. Quel que soit le groupe auquel on appartient, ces opérations sont synonymes d'heures au bloc, de souffrances physiques et morales, parfois d'emprunts pour financer le tout, le rééquilibrage des masses mammaires n'étant pas, même pour les cancéreuses, couvert par la Sécu. Il ne fallait pas le dire? Après on s'extasie, enfin j'imagine, devant le bel ouvrage d'un homme de l'art qui, grâce à ses capacités créatives, vous a rendu à vous-même, redonné une apparence formidable en même temps que votre féminité. 

Bien sûr que la poitrine est un des attributs de la féminité, je dirais même, de la sexualité. Ce point non plus n'est jamais évoqué. Le taire aussi? Le sujet ne concernerait-il pas les femmes? Je vais être cash, sans mamelons intacts, ce n'est pas plus excitant de se faire caresser les nibards que de se faire masser le dos.

Troisième non-dit qui est sans doute le pire, la notion de féminité intérieure, qui reste murée dans les cabinets et les bouquins des psys. Cette part d'être que chacune possède et qui s'inscrit dans le processus identitaire semble ne pas exister. C'est quoi? Pourquoi n'en dit-on rien? Là, on touche le coeur du problème. Sauf que c'est silence radio sur les ondes alors que c'est la seule vraie question qu'il faudrait se poser, juste avant celles-ci: serait-il invivable pour notre société d'accepter que des femmes se sentent belles avec de petites poitrines ou un seul sein? Comment les femmes peuvent-elles résister à une pression sociale et médiatique qui leur impose les canons de beauté d'une Barbie qui aurait toujours vingt ans?

C'est l'histoire d'une société qui se croit évoluée et humaniste, mais qui n'hésite pas à pousser ses femmes à ressembler aux photos (retouchées!) des catalogues, à correspondre aux standards esthétiques prônés par des magazines exhibant des mannequins souvent mineures et fréquemment affamées. Les fabricants de vêtements et de lingerie contribuent à cette pression en proposant des décolletés vertigineux ou en proposant aux petites poitrines de la lingerie pour adolescentes. Tout le monde ou presque fantasme sur les fortes poitrines, les hommes au premier chef dont le regard pétille à la vue d'une paire de seins gonflés sur papier glacé. Cette société est superficielle, plus soucieuse d'apparences que de bon sens et d'Amour. Je parle d'amour avec un grand A, parce qu'il en faut pour comprendre, que c'est d'abord de cela dont chaque être humain a besoin intrinsèquement. Si les femmes se sentaient aimées comme elles sont plutôt que pour la profondeur de leur gorge, se sentaient belles et aimables avec le corps qu'elles ont, elles ressentiraient moins l'absolue nécessité de faire refaire leur poitrine. 

Les femmes devraient s'appartenir en propre, seins compris. Heureusement que personne ne s'encquiert d'aller voir à quoi ressemble les attributs virils de ces messieurs! Société machiste en plus? Qui est le plus responsable du drame qui frappe ces femmes?

  • Je comprends en voyant le nombre de lectures de ce texte et les "coeurs" rouges mitigées, que très vraisemblablement, certains ne sont pas d'accord avec ce que j'écris, très exactement 50%. Rien ne permet mieux d'avancer que les critiques, les "contre". J'attends et j'espère.

    · Il y a plus de 12 ans ·
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    divina-bonitas

  • Moi je suis une femme, que la sécu prenne en charge les femmes qui ont eu une chirurgie reconstructive pour maladie, je suis entièrement d'accord mais pour les autres, qu'elles assument jusqu'au bout.

    · Il y a plus de 12 ans ·
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    ninja37

  • Joli texte, qui a bien plus de poids que des prothèses !

    · Il y a plus de 12 ans ·
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    kelen

  • le frelaté a un mauvais goût au palais...ceci-dit, si c'est un cadeau du paire-noël y'a à y réfléchir deux fois avant de poser ses petits souliers.
    Une pensée en passant : "quand le sein est sain, autant le garder".
    Excellente chronique.

    · Il y a plus de 12 ans ·
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    sally-helliot

  • Bravo ! Bien chroniqué, cela se retrouve dans beaucoup de sociétés et à beaucoup d'époques, mettre sa vie en danger pour correspondre aux canons de la beauté ? Il est vrai que nous semblons avoir rétrogradé ? Cependant la vente de prothèses défectueuses est vraiment immonde et SURTOUT l'absence de contrôle des pouvoirs publiques, de ça effectivement je n'ai pas du tout entendu parlé dans les médias concernant cette affaire ?!

    · Il y a plus de 12 ans ·
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    Edwige Devillebichot

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