Quels choix pour un jeune auteur ?
pierredurtal
Pour celui qui se targue de taquiner la muse, les possibilités de faire connaître son œuvre sont à la fois immenses et très réduites. Pour beaucoup, la voie royale consiste à démarcher un éditeur ayant pignon sur rue, qui l’aidera à peaufiner son texte et lui offrira d’être présent dans tous les circuits de distribution du livre, et en particulier sur les tables des libraires. Pour autant, cette voie n’est pas forcément la plus recommandée pour un auteur débutant sans contact aucun dans le milieu.
On lit beaucoup sur les forums des diatribes enflammées considérant les éditeurs comme «tous pourris», ne publiant que des «coups éditoriaux» et qui ne fonctionneraient que par copinage. Tout d’abord, je rappellerais qu’un véritable éditeur n’est pas simplement une personne qui publie des livres. Avant tout, c’est quelqu’un qui investit du temps et de l’argent dans et pour ses auteurs, qui fera corriger le texte et retravailler l’écrivain pour parfaire son travail. Ainsi, lorsque le livre imprimé arrive dans les mains du lecteur, le texte est abouti, les coquilles et autres fautes éliminées. Enfin, si le livre rencontre un certain succès, même d’estime, il est fort probable que l’éditeur publiera les prochains ouvrages de son poulain.
Un livre publié par un éditeur reconnu n’est pas, loin de là, la garantie d’un bon livre, mais tout du moins l’assurance que l’ensemble aura été retravaillé pour aboutir au meilleur résultat possible.
Si les éditeurs publient aussi des best sellers, sur lesquels on lit beaucoup de critiques négatives (mais qui se vendent quand même au minimum à 500 000 exemplaires – preuve s’il en est qu’il y a un large public pour ce type d’ouvrages, et qui ne mérite certainement pas un tel dédain) c’est que les éditeurs ont besoin d’argent pour investir, et un succès en librairie leur permet aussi de miser sur des auteurs plus confidentiels (ça n’est certes pas une règle absolue, mais la plupart des éditeurs connus fonctionnent ainsi).
Quand au procès de copinage, s’il est vrai qu’être journaliste, avoir un réseau, ou un ami bien placé peut aider à voir son livre édité, il se publie toujours chaque année des manuscrits reçus par la poste.
Enfin, à côté des très gros éditeurs, l’auteur débutant trouvera aussi beaucoup de petites structures sans doute moins regardantes sur son entregent…
Pour beaucoup d’auteurs cependant, l’accès à l’édition «institutionnelle» est difficile, et certains se tournent alors vers l’édition à compte d’auteur. C’est à mon sens un choix périlleux : vous vous retrouverez là pour le coup face à une personne qui ne portera que très peu d’attention à votre texte et n’effectuera aucune relecture.
La personne qui fait ce choix se verra contrainte de payer de sa poche pour un tirage minimum dont elle aura seule la charge de le diffuser en librairie, sans aucune garantie d’en vendre un seul exemplaire…
J’aimerai là ouvrir une parenthèse sur les libraires, que je connais bien. Encore une fois, les auteurs se plaignent souvent que leurs livres sont refusés en librairie. Tout d’abord, je rappellerais qu’un bon libraire est un libraire qui fait des choix et qui les défend. Il peut très bien avoir tous les livres imaginables en piles sur table, mais qui les achètera si personne n’est là pour les conseiller ?
A vous auteur de prendre contact avec le libraire, de lui parler de votre livre, éventuellement de lui en offrir un exemplaire pour qu’il le découvre. D’autre part, si les libraires peuvent acheter un livre sans prendre trop de risque lorsque l’éditeur lui offre la possibilité de le retourner après trois mois, tout cela a un coût : le libraire paye les frais de port à l’aller, et au retour !
Vu la surproduction éditoriale actuelle, on comprend qu’il soit amené à être sélectif, même si ses choix se font au détriment de votre livre… Eh oui, pour vivre, le libraire a aussi besoin de vendre les livres qu’il achète, et les places sur table sont de plus en plus chères…
Mais aujourd’hui, une autre possibilité s’est faite jour pour qui veut publier son ouvrage sans risque : le POD, Print on demand, où l’impression se fait comme son nom l’indique à la demande, c’est à dire chaque fois qu’un livre est commandé. Ici pas de tirage minimum, pas de stock à entreposer, aucun frais et des revenus réguliers liés aux ventes.
Surtout cela garantit une parfaite indépendance de l’auteur.
Le pendant de cela, c’est qu’il convient de faire soi-même le travail d’édition : la relecture du texte et sa promotion. A vous de vous entourer de « premiers lecteurs » capables de vous donner un retour objectif sur votre travail.
Pour la partie promotionnelle, internet est un outil fantastique, et en utilisant au mieux les réseaux sociaux, les forums, les blogs, etc. il est tout à fait envisageable d’arriver à créer, sinon un buzz, du moins de générer une curiosité autour d’un livre.
D’abord utilisé presque exclusivement par des particuliers, ce système commence à faire des adeptes auprès d’auteurs confirmés qui voient là la possibilité de rendre accessible des ouvrages qui pour une raison ou une autre n’ont pas été retenus par leur éditeur. Ainsi de l’écrivain de science-fiction Rudy Rucker, qui propose par le biais du site lulu.com, deux albums de ses peintures.
Il est évident que vous ne toucherez pas de cette manière un aussi large public que si vous étiez édité par un gros éditeur parisien et diffusé dans toutes les librairies.
Cependant l’aventure est séduisante, et alors que le marché du livre est menacé de toute part (remise en cause récurrente du prix unique du livre en France, arrivée en force des liseuses électroniques, désaffection du public pour la lecture, etc.) il me semble intéressant d’explorer de nouvelles pistes pour demain tout en conservant son indépendance.
Merci pour cet article très instructif ! (merci à Marcel de me l'avoir recommandé). Pas facile, néanmoins, de se lancer dans cette aventure de l'auto-édition : il y faut beaucoup d'énergie pour créer ledit réseau !!! Mais bon, j'y réfléchis.
· Il y a presque 14 ans ·Gisèle Prevoteau
Merci pour cet article très instructif ! (merci à Marcel de me l'avoir recommandé). Pas facile, néanmoins, de se lancer dans cette aventure de l'auto-édition : il y faut beaucoup d'énergie pour créer ledit réseau !!! Mais bon, j'y réfléchis.
· Il y a presque 14 ans ·Gisèle Prevoteau
Instructif et intéressant.Merci.
· Il y a presque 14 ans ·Marcel Alalof
"Jeune auteur" ou "débutant" : en tant que commerçant, car il faut aussi savoir compter, qui n'aurait pas de crainte à accueillir en son sein les premiers pas d'un talent somme toute incertain... Le coup de coeur peut coûter cher, comme dans la vie !
· Il y a presque 14 ans ·Il est attristant de constater que son oeuvre ne plaît pas au point de rapporter, et l'on continue de feuler contre les gros tirages que l'on rêve (bien secrètement) de faire !
Je crois que ce débat est toujours plein d'aigreur, et garder la foi en sa production devient difficile pour tout le monde, de part et d'autre de la chaîne du livre.
Et l'art là-dedans : victoire à qui se fait toucher par l'oeuvre.
alexe
Je pense qu'une des difficultés d'un jeune auteur aujourd'hui, et l'on devrait s'en réjouir, vient de la concurrence entre des myriades de nouveaux talents qui cherchent à éclore. Ca rend le travail d'éditeur plus difficile - repérer un bijou au milieu de la boue est plus facile qu'en pleine boutique Bulgari - mais plus valorisant également.
· Il y a presque 14 ans ·Enfin, ce que j'en dis... ;)
grenouille-bleue
Une analyse intéressante bien qu'une chose se révèle être évidente. Pour qu'un auteur aujourd'hui désire être lu, il doit devenir un excellent publiciste-commercial, et dans un autre temps, devenir le meilleur, le plus fort. A croire qu'écraser l'autre pour sauver son cul est devenu une généralité, et encore plus dans le milieu artistique...
· Il y a presque 14 ans ·Lézard Des Dunes
Merci. Vous avez tout à fait raison, la littérature jeunesse est en pleine expansion, et propose des choses très variées et d'excellente facture. N'oublions pas que les jeunes lecteurs d'aujourd'hui sont les grands lecteurs de demain...
· Il y a presque 14 ans ·pierredurtal
Votre texte est très intéressant monsieur, toutefois je ne crois pas à la désaffection du public pour la lecture. Au contraire, on lit de plus en plus et de plus en plus tôt, n'en témoigne le secteur jeunesse mille fois plus appétissant qu'autrefois. En outre, de plus en plus de gens écrivent et accéder à la publication revient à être le meilleur. Les auteurs qui pensent que les maisons d'édition ne lisent pas ont en effet tout faux. Ils lisent, c'est évident.
· Il y a presque 14 ans ·bibine-poivron