Rafale de rimes
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Rafale de rimes
Ceci est une fiction. Les situations décrites, ressemblant à des faits ou des personnages publics réels ne sont utilisées qu'à des fins de fiction.
« Premier mort de la guerre du Rap : Baboo criblé de quinze balles ! » - Le Parisien.
1 : Rafale d'injures
Baboo, le célèbre rappeur, monte sur scène d'une démarche saccadée, d'un pas décidé, violent, lourd, comme s'il allait se battre contre un gang de racailles. Il fend l'obscurité, suivi par un projecteur qui le met en lumière sur une musique composée de rafales de balles, comme s'il se trouvait, nonchalant, au milieu d'une rixe urbaine. Baboo est habillé comme à son habitude : jean baggy délavé et tombant au niveau des fesses, laissant entrevoir un caleçon portant le nom d'une marque de haute couture. A ses pieds des boots de style militaire, lourdes et massives et, sur son torse huilé, un débardeur léger laissant apparaître une musculature d'adonis couleur ébène. La rumeur dit qu'il fait littéralement craquer les gamines, leurs mères et même parfois leurs frères. Les nombreux tatouages qui ornent son corps laissent peu de doute sur ses centres d'intérêts : l'argent, les femmes, l'alcool et les armes.
Son public ? Il est essentiellement composé d'adolescents en pleine crise. Le passé sulfureux de Baboo les fait fantasmer : la prison, la drogue, les armes, le mépris des femmes qu'il appelle les « bihatchs », de l'anglais bitch, qui n'est autre qu'un synonyme vulgaire de « prostituée ». D'un point de vue vestimentaire, ils sont tous des clones de Baboo et de rappeurs américains : casquettes NY, pantalons qui tombent, baskets hors de prix, bref, tout l'attirail mercantile du bon fan de Gangsta Rap.
Baboo continue sa course sur scène, le public est en ébullition et crie Baboo ! Baboo ! Baboo ! Les rafales de balles s'arrêtent, Baboo commence son show en déclamant plusieurs fois comme une insulte les rimes suivantes :
« Ra Ta Ta Ta, qui veut clasher B.A.B. deux O. (prononcer Béabédeuzo)
Ra Ta Ta Ta, finira dans le caniveau ! »
Les chansons, toutes plus vulgaires et violentes les unes que les autres, s'enchainent et surchauffent la foule en sueur. Baboo aime cette ambiance, celle de tous ses concerts, et ce depuis le début de sa carrière il y a dix ans. Une bagarre ou deux dans le public pour une bousculade ou un pied écrasé, ça n'est pas grave, ils adorent ça ces gamins. Le service de sécurité évacue quelques boutonneux anorexiques qui se chamaillent en se prenant pour Fifty-Cent et le concert continue comme si de rien n'était.
Il y a quand même quelque chose qui a changé pour ce concert ; ce sont les invectives et menaces que Baboo ne cesse de lancer contre deux autres rappeurs stars du « Rap Business » : La Belette et Wolf. A chaque couplet où il insulte l'un ou l'autre de ses deux concurrents, le public entre dans une sorte de transe. Il injurie, crie, menace, crache... Il paraîtrait même que dans les cours de récré des collèges, des gamins se battent pour savoir qui de Baboo, de La Belette ou de Wolf est le plus fort. Ils spéculent sur l'assassinat probable de l'un d'eux dans des courts délais, comme ce fut le cas des célèbres Tupac Shakur et Notorious BIG, rappeurs américains pionniers du Gangsta Rap.
« La Belette, t'es qu'une tapette, j'tai pris la bouche grande ouverte
Ferme-là vite, prends ta retraite, ou tu cours à ta perte !
Wolf, range tes calibres, moi je tourne à la Kalash
Calme tes mots, t'as pas le calibre, moi j'te fourre de ma ganache ! »
Ça vole bas... le public adore ça, et les ventes décollent depuis que la guerre du rap a commencé. Le producteur de Baboo, qui n'est autre que le célèbre Kriminalson est aux anges. Il bénit le jour où il a pour la première fois entendu la voix rauque de son protégé, de sa poule aux œufs d'or comme il l'appelle.
La Belette lui, est un clone de Snoop Doggy Dog. Maigre comme un lévrier, il tient son surnom d'une ressemblance manifeste avec l'animal du même nom. Il porte une petite barbichette ridicule qu'il met en valeur et est passé maitre dans l'art de l'incohérence en chantant tantôt des paroles guerrières, vulgaires et injurieuses, tantôt des paroles de paix et de fraternité... Il a quand même une bouille sympathique et souriante, même si les vidéos floues qui font le buzz sur internet le montrent agile et bagarreur contre le colosse Baboo. Lui aussi s'habille à la même mode que tous les rappeurs, avec quelques accessoires dorés en plus, des grosses gourmettes et colliers en or frappés de son logo : une belette. Ces accessoires « bling-bling » sont très prisés de son public qui les achète à prix d'or.
Côté musique, la Belette avait répliqué il y a quelques temps à Baboo, en déclarant dans un morceau :
« Baboo, gros babouin, ta gonflette c'est que d'la frime
Si j'te croise, j'te garantit qu'tu gouteras ma Rafale de Rimes »
De nombreux couplets injurieux et ouvertement menaçants avaient suivi, ridiculisant Baboo. Quelques jours plus tard, La Belette goutait lui-même à une rafale de kalashnikov qui a criblé de balles sa flamboyante Audi TT, sans le toucher heureusement. La guerre du rap venait de monter d'un cran, quittant le registre de la joute verbale pour celui de la guerre à balles réelles. Les médias en ont fait leur pain béni pendant des mois, le public étant avide de ce genre de feuilletons polémiques.
Baboo et La Belette se livraient à des clashs par textes interposés jusqu'à ce qu'un troisième larron, Wolf, apparaisse. Wolf était plus raisonnable que les deux autres, du moins avant qu'il ne les suive dans leur guerre des mots. Ancien boxeur, il a grandi dans la banlieue sud de Paris, dans une cité ghetto qui lui a forgé un caractère fort. Un loup indomptable qui n'a peur de rien, mais foncièrement honnête. Il n'a jamais fait de prison et ne fait même pas l'apologie du crime ou de la violence dans ses textes. Il préfère la pédagogie à l'attention des jeunes des cités. Wolf s'est retrouvé mêlé dans les clashs après avoir critiqué les deux premiers protagonistes qu'il estimait ridicules quand il leur a dit , au détour d'une chanson :
« Baboo et La Belette, cessez vos chamailleries de femmelettes,
Le rap n'en peut plus de vous, allez donc jouer des castagnettes.»
La réplique ne s'est pas faite attendre, justifiant une escalade verbale sur un son de grosse caisse et de samples lourds. Voilà comment ces trois-là s'étaient retrouvés dans cette guerre du rap tripartite qui ne laissait plus de place aux autres rappeurs dans les médias et chez les disquaires.
« Baboo menace La Belette »- Le Parisien, « Wolf propose un combat de boxe à Baboo » - Les Inrocks, « La Belette insulte Wolf aux NRJ Music awards » - BooskaP.com, « Baboo est homosexuel selon La Belette » - Closer, « La Belette est fini selon Wolf » - NRJ, « Baboo à Wolf : j'vais t'casser les dents » - Liberation, etc... La presse se déchaine et la tension monte.
2 : Rafale de Kalashnikov
Un matin, Kriminalson, le producteur prolifique n'arrive pas à joindre Baboo. En pleine promo pour le nouvel album qui sortira dans quelques semaines, ils ont rendez-vous auprès de la célèbre radio HS2H «Hardcore Street Hip-Hop» pour une interview et la présentation du nouveau tube : « Kebab de Belette ». Baboo a déjà une heure de retard, ce qui n'est pas dans ses habitudes de business-man. L'émission est annulée, Kriminalson enrage et abreuve copieusement la messagerie de téléphone mobile de Baboo d'insultes et de menaces sur sa carrière. Toujours pas de réponse. « Doit encore être en train de pioncer après s'être défoncé la gueule à la vodka c't'enfoiré ! » vocifère le producteur. L'après midi, Kriminalson fait la tournée des divers domiciles de Baboo disséminés entre Paris et la banlieue. Dans chacun d'entre-eux il trouve une ou deux filles aux allures de prostituées qui disent l'avoir attendu toute la nuit.
Kriminalson essaie de se souvenir si Baboo n'avait pas une autre « bihatch » chez qui il pouvait se rendre et, se souvenant qu'il avait pris un verre avec lui la veille au soir dans leur studio d'enregistrement de Bagnolet, se demandait s'il n'avait pas pris sa cuite la-bas. Il s'y rendit sans grande conviction. Arrivé devant l'immeuble de bureaux où est installé le studio, il entre avec son badge électronique, ouvre la porte avec sa clef et aperçoit la silhouette de Baboo couché sur la console du studio, dans l'obscurité, une bouteille de Whisky cassée à ses pieds. Kriminalson entre dans une rage folle pour le réveiller en actionnant l'interrupteur de la lumière : « Putain d'enfoiré de poivrot ! Tu sais combien tu nous a fait perdre ce mat... » il s'interrompit net en constatant que Baboo était raide mort, criblé de dizaines de balles. Probablement une rafale de Kalashnikov.
Tétanisé, Kriminalson l'ex-gangster sans peur, manqua de s'évanouir comme une fillette à la vue de tout ce sang. Son protégé percé comme une passoire, vidé de son sang. Un sang marron, séché depuis la veille et empestant la mort. Celle de son ami, de son collaborateur, de son frère de musique. Reprenant son sang froid, Kriminalson appela la police en prenant soin de ne pas faire un pas de plus dans le studio. Il ne toucha à rien de peur de faire disparaître d'éventuelles preuves permettant de confondre ses assassins.
Kriminalson est effondré. Il pleure depuis déjà deux heures non-stop. Une psychologue rattachée au SAMU l'assiste dans le bureau attenant au studio. Ses avocats envisagent déjà des dizaines de scénarios pour la poursuite des activités de la maison de production. L'attaché de presse est assailli par les caméras, les micros, les journalistes. Les alentours du studio sont protégés par la police contre les curieux. Alors que l'enquête de police démarre doucement, Kriminalson, sous les conseils de son attaché, convoque une conférence de presse dans une salle de l'hôtel proche de l'immeuble où se situe le studio. Pas moins de soixante journalistes ou assimilés sont là, mitraillant Kriminalson de flashs et de questions en rafales. Kriminalson, conseillé par ses avocats se garde bien de citer le nom des deux ennemis de Baboo. Il se contente de rappeler que « des menaces ont été proférées » et qu'il « laisse la justice faire son travail ». Il indique aussi qu'un album était finalisé et que rien ne s'oppose juridiquement à ce qu'il soit édité. Il est certain que Baboo était attaché à ce que cet album sorte, même de manière posthume. Ça sera son album hommage. Kriminal promet aussi d'organiser un concert-hommage grandiose, à l'image des fêtes déjantées que Baboo savait organiser. Mais pour ce faire, il fallait attendre que Baboo soit inhumé, dès que la police aurait restitué le corps déchiqueté.
L'enquête de police est confiée au lieutenant Gérard-Guy Morville, un vieux moustachu qui sent la vieille cigarette et semble tout droit sorti des années cinquante. Il porte effectivement une grande gabardine beige et des vieux mocassins marrons. Cette apparence lui permet d'être systématiquement sous-estimé par ses interlocuteurs, qui voient en lui un vieux plouc attardé. Pourtant, curieux de nature et doté d'une mémoire visuelle exceptionnelle, G.G. Morville est l'un des plus fins limiers de la PJ de Paris. Celui-ci ordonna, immédiatement après qu'il fut mandaté, de passer la scène du crime au peigne fin. Ça ne sera pas facile, le studio est exigu, les balles ont ricoché sur les parois et les murs, dont une bonne partie est constituée de revêtements acoustiques aux formes ciselées. La scène est celle d'un théâtre de guerre : les vitres du studio sont presque toutes détruites, des éclats de verre partout, des bouteilles de whisky de-ci de-là, du matériel high-tech dans tous les coins, un string sur le porte-manteaux, des étagères contenant des milliers de CD et autres supports de stockage. Un coffre fort ouvert, contenant quelques CD. Un frigo contenant des bouteilles de diverses boissons et des dizaines de gobelets usagés débordant d'une corbeille à papier. Le légiste a déjà pu évaluer l'heure du meurtre : cette nuit, vers une heure du matin.
Au bout de quelques minutes seulement de fouilles et de photos, l'un des enquêteurs de la police scientifique demande à voir Morville. Il a trouvé un objet bizarre qu'il lui tend : un petit rond en or semblant être un fragment d'un objet plus gros, portant un logo. Morville cria « bingo ! ». L'enquêteur intrigué s'enquit de ce cri victorieux, à quoi Morville répondit : « vous ne voyez pas ce que représente ce logo ? C'est une Belette ! ». L'enquêteur regarda le vieux flic avec un regard condescendant, se demandant en quoi ce logo stylisé représentait une belette.
« La Belette c'est bling-bling, j'porte mon poids en ro-ro
Viens pas chez moi faire dring dring, si tu pèses pas en euros »
3 : Rafale de rimes
« Rafale de rimes » est le nom du dernier album de La Belette. C'est aussi le début de la phrase retrouvée taguée sur l'arrière de la porte du studio où gisait Baboo, effondré dans son sang desséché et mêlé au whisky. Il était écrit « Une rafale de rimes dans ta face baboo !». Le légiste racontait cyniquement que décoller un gaillard grand et musclé qui pèse 95 Kilos n'était pas une mince affaire pour lui. Par contre, ce qui semblait une affaire acquise pour Morville, c'était le fait que La Belette avait déjà professé cette situation dans sa chanson :
« Baboo, gros babouin, ta gonflette c'est que d'la frime
Si j'te croise, j'te garantit qu'tu gouteras ma Rafale de Rimes
Le légiste dans ton salon, te trouv'ra percé comme un ballon
Ton corps réduit en purée, confondra ta queue et ton fion »
Cet aveu anticipé, l'inscription derrière la porte du studio, ainsi que l'objet au logo de La Belette font de lui le suspect numéro un, que Morville demande de mettre sous les verrous au plus vite. Heureusement, celui-ci est arrêté en début de soirée, tentant d'embarquer sans bagages pour un vol vers Marakech. Ayant protesté lors de son arrestation à la manière insolente des jeunes sauvageons des cités, et invoquant la mort d'une hypothétique grand-mère pour justifier son départ précipité, les agents chargés de son arrestation ont du le raisonner à grands coups de poings dans les côtes pour pouvoir lui passer les menottes. Et puis ils ont rajouté aussi quelques claques pour se venger un peu, vexés par les paroles de l'une de ses chansons qui disait :
« les flics me cherchent tous les soirs dans les caves pourries de paname,
ils cherchent au mauvais endroit, moi je crèche dans le lit d'leurs femmes »
Arrivé le nez cassé au poste, où l'attendaient déjà ses deux avocats, La Belette criait au scandale, bien que les preuves fussent accablantes à son sujet. Il est vrai que des propos débiles dans une chanson ne constituent pas une preuve formelle, mais une menace et un mobile, et que l'écriture derrière la porte aurait pu être celle de n'importe qui. Mais il fallait que La Belette explique comment la tirette cassée de la veste de marque «Belette Style » qu'il porte a été retrouvée sur le lieu du crime. Il devrait aussi expliquer pourquoi son ADN a été retrouvé sur l'un des gobelets du studio. Il trinquait avec Baboo ? à sa santé ou à sa mort ? La Belette est écroué immédiatement, prostré dans le silence, en larmes.
Morville se rend alors au domicile de La Belette pour une perquisition. Il est une heure du matin, cela fait vingt-quatre heures déjà que Baboo est décédé, troué comme un vieux pull mité sur son lieu de travail. Sur la sonnette d'un discret pavillon de banlieue, il est indiqué «Mohamed Lahouari». C'est le vrai nom du sulfureux « La Belette ». Sa femme, une jolie brune timide tenant un bébé de deux ans dans les bras est toute chamboulée. Morville se dit d'abord qu'il est étonnant de voir l'écart entre la vraie vie de ce rappeur et son image dans les médias. Partout dans son salon, des photos de famille démontrent à quel point il était un mari, un fils et un père attentionné. Mettrait-il ce bonheur en jeu juste pour du succès ou des joutes verbales ? Quitterait-il précipitamment le pays en abandonnant sa famille ? Sa femme lui assure justement que son mari ne peut être coupable : il a un alibi en béton armé pour l'heure du crime, qu'au moins 500 personnes peuvent confirmer : il était en Show Case dans une célèbre boite de nuit du centre de Paris. Il est donc évident que La Belette n'était pas dans le studio de Baboo au moment du meurtre, et aucune preuve ne permet de démontrer qu'il ait pu commanditer le crime. Vers deux heures du matin, Morville appelle le procureur pour l'informer de ces éléments. Le procureur décida que La Belette devait être relâché.
« Les flics sont des barbares, tapent d'abord réfléchissent après
ils mettent des coups de barre et pour négocier sont jamais prêts » Wolf.
4 : Rafale de morts.
A neuf heures du matin tapantes, le lieutenant Morville arrive au commissariat. Il y trouve la femme de Mohamed Lahouari dit La Belette, qui l'attend. Elle vient chercher son mari. G.G. Morville déboule alors, irrité dans le bureau des gardes à vues et demande pourquoi son suspect innocenté n'a pas été libéré comme l'avait demandé le procureur. Ayant vérifié le registre, l'agent en poste confirme que monsieur Lahouari a bien été libéré à deux heures cinq du matin. Morville retourne annoncer la nouvelle à Mme Lahouari, en salle d'attente, qui pique une crise en indiquant que son mari n'aurait jamais quitté le commissariat sans l'informer de son retour à la maison. Un agent de police en uniforme sauve le lieutenant de ce mauvais pas en le soustrayant à la fureur de la jeune femme sous couvert d'une urgence à traiter. Et quelle urgence ! Il ne s'agit ni plus ni moins que de la mort de La Belette et de ses deux avocats qui l'avaient récupéré à la sortie du commissariat dans la nuit. Ils ont été retrouvés mitraillés à la Kalachnikov dans leur voiture, sur le périphérique sud, pas loin du quartier ou vit Wolf le dernier survivant de la guerre du rap.
Morville tourne en rond depuis bientôt une heure. Son enquête elle, piétine depuis bientôt une semaine. Il n'a que deux éléments nouveaux : Kriminalson ne peut être le meurtrier de La Belette, agissant par vengeance, car à l'heure du crime il était à la télévision, assurant la promotion de l'album posthume de Baboo « Révolution intérieure » qui vient de sortir aujourd'hui. Wolf quand à lui, avait reçu un coup de téléphone du mobile de La Belette quelques minutes avant sa mort. Le relevé de l'opérateur téléphonique qui l'indiquait venait d'arriver. A quoi cela rimait-il ?
« Baboo, rappeur d'élite, tout c'que j'touche devient or
Mes ennemis se délitent, manigancent jusqu'à l'aurore » Baboo.
5) Rafale de questions
Morville partit à la rencontre de Wolf, dans sa cité délabrée où il vivait toujours malgré le succès, ce qui n'enchantait guère le policier. Le seul signe extérieur de richesse du rappeur était une très belle Porsche Cayenne qu'il garait dans sa cité. Son studio d'enregistrement était dans une cave, qu'il prêtait régulièrement aux associations de la ville pour des activités diverses. Wolf, à la différence de ses deux défunts ennemis s'habillait sobrement. Un grand noir bien bâti, sportif, plutôt intelligent, riche, qui s'est retrouvé mêlé à des clashs stériles. Morville engagea les hostilités :
- Pourquoi La Belette vous a t-il appelé ?
- Pour m'insulter, répondit Wolf.
- Vous insulter ?
- Oui, m'insulter, comme dans ses chansons, et m'accuser de la mort de Jérôme.
- C'est qui Jérôme ? Répondit le lieutenant intrigué.
- Jérôme Jaffo, c'est le vrai nom de Baboo.
- Ah, d'accord, et que lui avez vous dit ?
- Qu'il se trompait.
- Et il en est mort malheureusement... rajouta Morville d'un air provocateur.
- Qu'insinuez-vous ? s'énerva Wolf, qui ajouta : Je vous rappelle que Mohamed est mort sur la route entre votre commissariat et ici. Il venait me voir, je l'ai attendu, il n'est jamais arrivé.
- Ce qui fait de vous le suspect numéro un. Lança victorieusement Gerard-Guy Morville. Vous étiez le seul à savoir où il était. Et puis, dites-moi, qu'est-ce qui lui a fait penser que c'est vous qui auriez tué Baboo ?
- Le fait que j'étais le dernier à l'avoir vu vivant.
Intrigué par la franchise de Wolf qui semblait absolument sincère, Morville continua plus calmement, pensant piéger le rappeur.
- Comment La Belette savait-il que vous étiez le dernier à avoir vu Baboo vivant ?
- Eh bien... c'est parce que La Belette a du partir plus tôt que moi du studio de Baboo, le jour où il est mort.
- Quoi ? Vous étiez avec La Belette dans le studio de Bagnolet le jour où il est mort ? Répéta Morville hébété.
- Oui. Mohamed... enfin La Belette, est parti vers vingt-deux heures, il devait se produire dans une boite de nuit à Paris. Moi, je suis parti vers vingt-trois heures, je devais être pour minuit dans un club en seine-et-marne. J'ai bien laissé Baboo seul dans le studio, il terminait le treizième morceau de son album.
- Mais... je ne comprends pas... que faisiez-vous dans le studio de Baboo ?
- Nous discutions de nos clash.
- Qui a écrit la phrase derrière la porte ?
- C'est La Belette. Il l'a écrite pour rigoler.
Morville mit fin à la conversation en proposant à Wolf de lui passer les menottes, et qui se laissa faire. Il venait de comprendre les enjeux de cette affaire et devait de toutes façons partir. Un rendez-vous l'attendait avec Kriminalson dans le studio de Baboo, où il devait vérifier une dernière fois si quelque chose avait disparu du coffre fort trouvé ouvert le jour du meurtre. Morville décida d'embarquer Wolf avec lui au studio, convaincu qu'il saurait mieux le confondre sur place.
Depuis qu'ils étaient entrés dans le studio, Kriminalson avait subi plusieurs rafales de coups de téléphones auxquels il répondait d'une manière machinale et concise. Morville écoutait attentivement les propos du producteur, qui lui offrit un CD de l'album. Alors que Kriminal continue de gérer ses appels, Morville fait le tour du studio, vérifiant les scellés et cherchant une ultime fois un indice qu'ils auraient manqué, tout en surveillant Wolf, qui ne bouge pas.
Intrigué par la liste des pistes du CD offert par Kriminal, Morville interrogea le producteur :
- Pourquoi n'y a t-il que douze chansons sur ce CD ?
- Parce que notre regretté Baboo n'en a fait que douze, répondit le producteur, en enchainant sur une conversation téléphonique.
- N'y en avait-il pas une treizième ? l'interrompit Morville.
- Non, pas à ma connaissance.
- Est-ce vous qui avez déplacé le disque gris qui était dans le coffre fort ?
- Vous voulez parler du master ? Oui, il fallait bien. C'est là que la dernière version de l'album était enregistrée.
- Il y avait treize titres inscrits au crayon la dernière fois que j'ai vu ce disque. Là je vois qu'il n'y en a plus que douze, vous en avez effacé un ?
- S'il y avait un treizième morceau je l'aurais édité, assura le producteur. Sinon... où en êtes-vous de l'enquête ?
Morville soupira...
6) Rafale d'hypothèses
- Eh bien... disons que l'enquête avance bien. Il ne me manque que deux points à résoudre.
- Lesquels ? Interrogea Kriminalson en regardant Wolf de travers.
- Eh bien d'abord mes hypothèses répondit Morville :
- La Belette était le premier suspect pour le meurtre de Baboo. Or, d'après la balistique, c'est la même arme qui a été utilisée pour tuer Baboo et pour transformer l'Audi TT de La Belette en passoire. Tout le monde soupçonnait Baboo d'avoir attaqué La Belette, mais Baboo ne pouvait pas ensuite s'auto-mitrailler avec la même arme.
- Dans ce cas, c'est forcément un coup de Wolf, rétorqua Kriminalson en bousculant l'homme menotté.
- Eh bien... Wolf était dans une boite de nuit Seine-et-Marnaise quand Baboo a été assassiné. Et il n'a pas non plus pu tuer La Belette car il l'attendait dans sa cité. Or, La Belette et ses avocats ont été tués sur le périphérique intérieur, en direction du sud. Les caméras de surveillance montrent qu'ils ont été suivis par un véhicule depuis la porte de Bagnolet. Ce même véhicule est ressorti du périphérique après avoir mitraillé La Belette et est retourné à la porte de Bagnolet par le Périphérique extérieur. Si c'était Wolf, il aurait fait l'inverse. Remonter d'abord à la porte de Bagnolet, prendre en chasse sa cible et sortir à la porte d'Italie après l'attaque.
Morville ajouta :
-La Belette et Wolf étaient ici quelques heures avant la mort de Baboo, qui terminait la treizième chanson de l'album. Où étiez-vous lors des deux meurtres ?
- Je dormais chez moi la nuit de la mort de Baboo et j'étais à la télé la nuit du meurtre de La Belette, tout le monde m'a vu se justifia Kriminal.
- Tout le monde croit vous avoir vu ! J'ai appelé la chaine MCM, qui m'a confirmé que l'émission dans laquelle vous apparaissiez lors de la mort de La Belette avait été enregistrée le matin.
- Mais lieutenant ! Pourquoi aurais-je tué mon meilleur ami ? Celui que j'ai contribué à créer et qui était ma source de revenus alors que ses deux ennemis avaient juré de le tuer de leurs mains ?
Morville jeta un œil réprobateur vers Wolf, qui baissa les yeux. Puis repris à l'attention de Kriminalson :
- Vous avez raison, mais je remarque que vous n'avez pas réagi à mon affirmation sur la présence de La Belette et de Wolf ici le soir du meurtre... Il attendit une réaction du producteur, puis reprit. : C'est parce que vous étiez ici aussi ! Nous ne comprenions pas pourquoi il y avait quatre gobelets frais, avec vos ADN respectifs qui étaient sur les tables et non dans la corbeille. Mais en voyant les photos chez La Belette, j'ai compris que cette histoire de guerre du rap était un gros coup marketing super rentable négocié entre potes. Publicité gratuite par une occupation médiatique accrue, et occupation des meilleurs places dans les points de vente. La seule chose que je ne m'explique pas est la raison pour laquelle vous avez tué Baboo Monsieur Kriminalson et pourquoi vous avez supprimé la dernière chanson.
Manifestement piégé, Kriminalson rendit les armes en menaçant Morville d'un couteau papillon qu'il sortit brusquement de sa poche. Il le coinça sous la gorge du policier en lui retirant son arme de la poche, puis le braqua avec.
-Tu veux savoir pourquoi je l'ai tué ? C'est parce que cet imbécile de Baboo avait décidé d'arrêter le rap ! Et la dernière chanson de son album « révolution intérieure » s'appelait « j'arrête tout ». Il y annonçait son retrait du rap. Cet égoïste voulait me laisser sur la paille, moi son producteur. Eh bien quitte à ce qu'il arrête, je gagne aujourd'hui plus d'argent avec lui mort que vivant ! Ah ah ah ! Ce CD vient de battre tous les records de vente en une semaine seulement, plus de trois million d'albums vendus. Entre les produits dérivés, les albums d'inédits et les best-of, ma maison de production est assise sur un sac d'or !... Et sur ce, lieutenant, je vais devoir vous assassiner vous et ce bâtard de Wolf... Bam !
C'est un uppercut de poids-lourd qui vient d'assommer Kriminalson, qui a été éjecté et s'est empalé sur un morceau de vitre brisée extrêmement aiguisée et est mort sur le coup. Son sang giclait par saccades comme s'il se faisait électrocuter. Affolé, l'auteur du coup de poing - qui n'est autre que Wolf qui a du utiliser ses deux mains menottées - jure qu'il ne voulait pas le tuer. Reconnaissant, le lieutenant Morville lui retire les menottes en lui assurant qu'il s'occuperait des formalités.
7 : Rafales de rimes
Après ces évènements, Wolf a enregistré une chanson à la mémoire de ses deux amis, en reversant tous les bénéfices à leurs familles, pour assurer leur avenir. Il y fustige des nouveaux gamins venus dans le rap, qui jouent un rôle encore plus violent que celui qu'il jouait avec Baboo et La Belette. Dans cette chanson, il déclare notamment que :
« Le rap est un pur son qui fait péter les tympans,
je veux bien faire front, mais pas faire pisser le sang
Les rappeurs sont des conteurs, pas des pousse-au-crime,
Leurs pistolets mitrailleurs ne crachent que des Rafales de Rimes...»
Drims CARTER.
Merci beaucoup Tom, je suis flatté. Mais chuuuuut ! il ne faut pas donner de noms, ils ont de sacrés avocats ces gars là ! Et le troisième, Wolf, t'as deviné de qui il s'agit ? j'ai pas trouvé de surnom plus proche.
· Il y a plus de 11 ans ·drims-carter
Très sympa, ta version de la "gueguerre" entre Booba et la Fouine, bien traitée, je pense que tu as de bonnes chances... cordialement Tom
· Il y a plus de 11 ans ·gordie-lachance