Réclames

J'étais trop content. Pour ma communion, mon parrain m'avait offert une montre à quartz. Sans être une rareté, elles étaient encore suffisamment peu nombreuses pour que je suscite l'intérêt ou la jalousie chez les enfants de mon âge quand je l'avais au poignet. Mais surtout, c'était une Citizen qui faisait alors l'objet d'une publicité avec Francis Perrin. J'étais donc fier comme Artaban et ma principale préoccupation quand je la portais était de faire mon possible pour que la marque soit visible.

Il n'y avait a priori aucun rapport avec les cours de catéchisme et pourtant, je prenais les publicités pour paroles d'évangile. D'ailleurs, les publicitaires ne s'y étaient pas trompés. La Brave Mère Denis avait était extraite de son lavoir pour jouer la vedette d'une marque d'électroménager et nous asséner la nouvelle vérité consumériste.

Le show-biz avait vite compris l'intérêt de collaborer. Carlos qui ne suçait pourtant pas que de la glace l'avait bien compris en vantant les mérites d'Oasis. À moins que ce ne fut pour attirer un jeune public dont on le disait friand … Malgré son surpoids, il n'en était pas moins crédible que Michel Platini qui nous parlait des effets plus musclés du Fruité. Gainsbourg entretenait son sens de la provocation avec Connexion et De Fursac tout en remplissant son compte en banque qui lui permettrait chez Anne Sinclair de cramer un billet de cinq cents francs.

Il y avait belle lurette que j'étais levé quand le facteur posait le courrier dans la boîte aux lettres. Et à douze ans, je préférais les facéties de Nesquik nappées des synthés très futuristes de Jacno à la Ricoré. Pour le quatre heures, je salivais sur un carré de Galak après avoir regardé Flipper le dauphin. À moins que ce ne fût après l'Ours Ben et que je ne fusse alors tenté par Prosper, le roi du pain d'épice.

Il aurait été hypocrite de ma part de ne pas évoquer les premiers émois d'un soutien-gorge de chez Playtex qui me retournait le cœur. La présentation était pourtant moins évocatrice que madame Willander se mettant à nu en jouant un ersatz de geisha pour Obao. Mais elle restait moins aguicheuse que Myriam qui nous promettait des lendemains qui chantent en enlevant le bas. J'attends toujours. Au moins, ça changeait des affiches placardées quelques mois plus tôt pour les présidentielles, de la tête d'œuf de Giscard et de la force tranquille d'un Mitterrand qui pouvait se permettre d'oublier ses pulsions de jeunesse pour se consacrer à sa prostate. Pour me calmer, il ne me restait plus qu'à sucer un cachou Lajaunie.

L'humour était également omniprésent. Il était un puissant vecteur pour se remémorer les marques à la récréation. Alice Sapritch et sa tronche improbable pour Jexfour nous faisait oublier son rôle de Folcoche dans Vipère au Poing, Marie-Pierre Casey a suscité autant de vocation que Jean-Paul Belmondo grâce à ses glissades pour Pliz.

La pub est sans doute une des madeleines les plus évocatrices de nos jeunes années. Ce n'est pas pour rien qu'il existe une nuit qui lui est dédiée au Grand Rex pour soigner notre syndrome de Peter Pan.