Rencontre avec une Capricieuse. Chapitre 1: "Je suis une partie de toi !"

astrov

Elle fait partie de chacun(e) de nous. Capricieuse, versatile. Mais... Heureusement qu'Elle est là pour nous conseiller, subtile, exigeante souvent. Dangereuse, car totalement ingérable.
Ce samedi matin, sous la douche chaude, prêt pour une journée qui s'annonce calme, je me laisse aller, apaisé, les yeux clos, quand:
"Tu peux arrêter l'eau, hein ! Ecologie, mon petit gars."
Comme je  suis tout seul dans mon appart, la voix féminine qui vient de  donner ce bon conseil me surprend beaucoup.
Je rouvre les yeux. Qui c'est, cette fille ? Vêtue d'un jean blanc, d'un T-shirt bleu, elle est plutôt menue, fine, délicieusement rousse, cheveux courts bouclés, les yeux verts, et me sourit gentiment, appuyée au lavabo.
Réflexe de pudeur, je ferme le robinet et saisis la plus proche serviette pour cacher mon intimité. Tiens, ça la fait rire:   "T'inquiète, Edouard. Je ne suis pas choquée. Cette partie de ton corps, c'est moi qui m'en occupe, tu sais !"
Non, je sais pas ! Et je demande, assez brusque, "Vous êtes qui ? Entrée comment ?"
"Pas besoin d'entrer. Je suis toi. Une partie de toi, très importante. Tu veux que je précise ?"  Elle tend vers moi une main (jolie, manucurée de frais), doigts écartés. D'un coup, je sens une sensualité qui pulse dans tout mon corps, désir intense et que je ne contrôle pas, vertige, envie amoureuse.
Elle ferme son poing. Le calme, total,  revient en moi. Elle attend quelques instants que je reprenne pied et m'interroge:  "Bon, t'as compris ?"
Je commence à piger :" Vous êtes le Désir ?"
"Plus précisément, je suis la Libido. TA Libido. Mais tu peux m'appeler Lio."
Je prends quelques secondes pour enfiler un peignoir avant de demander:  "Lio, pourquoi votre apparence, fille rousse, les yeux verts ?"
Elle se regarde dans la glace, satisfaite,  et explique:  "Fille, car tu préfères les filles.  Verts, les yeux, tu aimes ! Et rousse, tu adores les rousses."
Elle a touché juste:  les rousses... Ouiiii ! 
Histoire de la provoquer, j'ironise: "Vous êtes ma Libido, habillée sagement comme çà ? Vous devriez être..."
Elle m'interrompt, sèche:  "Nue ? Confonds pas.  Ma mission, ce n'est pas de te séduire, mais de t'inspirer."
 Timide, je demande:  "Lio... Je peux vous toucher  ?"
Elle accepte du regard. Je tends une main, effleure son cou, et je m'écarte, affolé. Car c'est sur mon cou à moi que je ressens la caresse.  Je ne sais plus très bien où je suis, là...   Elle me renseigne:
"Tu es dans ta salle de bain, Edouard.  Et je suis une partie de toi.  Donc, tu viens de te caresser."
Admettons. Une partie de moi, très importante, a-t-elle dit. Je lui demande d'être plus claire. En fait, la réponse commence à venir dans mon esprit, et Lio le sent bien:
"Oui ! Importante, mais surtout omniprésente, dans tous les moments de ta vie, tes pensées, ton imaginaire,ton sommeil, tout. A chaque instant !"
Elle ne serait pas en train d'exagérer, la douce rousse (rousse !!!), de se donner du pouvoir ?
"Dites donc,  ma Libido (vous !) ne préside pas à tous mes actes !  Il y a beaucoup de moments où je suis guidé par la seule Raison !"
J'ai peut-être eu tort de dire ça.  Elle sursaute et tend la main, brutale cette fois. Le Désir que je ressens de nouveau est diffus, mais presque insupportable. Elle gronde:
"Stop ! Surveille ton langage. Ne parle pas d'Elle."
Elle ? Ah, ça y est, j'y suis.  J'enfonce le clou: " Elle, la Raison ?"
Les yeux verts deviennent félins, son corps menu vibre de colère. La main braquée vers moi s'approche,  Lio chuchote:  "Nous étions en ce Monde bien avant Elle."
Bêtement, je tente  de négocier:  "Je ne vous place pas en concurrence."
Je me sens tomber, accroupi sur le sol carrelé. Elle s'agenouille tout près de moi, attentive, puis  soudain, mord, dans le vide. Cela fait un claquement sec, et...
Une douleur aigüe à ma main gauche, qui saigne un peu. Des marques de dents. Je rêve ou je cauchemarde ? La voix de la fille rousse, apaisée maintenant:  "Reste là, contre moi. Je vais t'expliquer. Vois-tu, Edouard, vous, les humains..."


                                  La suite au chapitre deux: "Amour, Libido, Raison".








 


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