Résolutions
Laurent H
Kevin Orson était inconfortablement allongé sur le sol.
Cela faisait longtemps qu'il se trouvait dans cette position et il commençait à avoir des fourmis dans les jambes.
Que pouvait-il bien faire pour tuer le temps ?
Il commença à chantonner un air entraînant pendant quelques secondes puis s'arrêta et soupira bruyamment.
- Ils ne vont pas tarder à revenir, pensa-t-il.
Quelle heure était-il au fait ?
Il regarda dans la direction du soleil et conclut que cela faisait deux heures environ qu'ils étaient partis en le laissant là tout seul.
- Mais pourquoi ils ne reviennent pas bon dieu, se dit-il. Je vais finir par m'inquiéter.
Il scruta la partie de l'horizon qu'il apercevait d'où il se trouvait. Rien.
Pas une forme de vie, pas un bruit excepté celui de la légère brise qui secouait ses cheveux.
Il pensa qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter car rien ne passait à cet endroit depuis bien longtemps.
Un long moment s'écoula. Ses bras, ankylosés par sa posture, lui faisaient mal, mais il demeura immobile.
- Que faire en les attendant ? Répéta-t-il dans sa tête.
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John Howard leva une chope dégoulinante de bière et porta un toast :
- A Kevin notre ami, en qui nous portons tous nos espoirs pour qu'il fasse ce que nous attendons de lui.
Il fit un clin d’œil discret aux deux hommes qui partageaient sa table et se rassit lourdement.
Il se pencha pour donner un coup de coude à son voisin de gauche.
- N'est-ce-pas Harvey ? rigola-t-il
L'homme portait des habits de cow-boy délavés et son chapeau paraissait trop petit pour lui. Il acquiesça en silence.
Howard se tourna vers l'homme de droite, un petit homme grassouillet portant un uniforme des chemins de fer.
Sa casquette bleue arborait les insignes de conducteur de locomotive.
- Combien de temps encore, Brian ? Demanda-t-il.
Le cheminot consulta sa montre, parut calculer mentalement et répondit
- Oh, dans vingt minutes nous serons fixés. J'ai demandé à Carson d’y être pour deux heure.
Harvey Doyle émit un léger sifflement, but une gorgée de sa bière et approuva après avoir essuyé la mousse restée accrochée sur le haut de sa bouche :
- Pour sur, il va avoir une sacrée surprise le Kevin. Et il vida son verre.
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Kevin Orson s'ennuyait. Il trouva l'idée d'un jeu, d'un jeu un peu idiot mais qui l'occuperait en attendant leur retour.
Il décida de chercher ce qu'il changerait à sa vie si c'était à refaire. Si on lui donnait une seconde chance.
Il réfléchit puis énuméra dans sa tête :
- Oh tout d'abord je ne commencerais jamais à fumer. Ah oui alors, ça va me jouer des tours un jour !
Il laissa échapper un rire sonore, rire qui fût coupé par le bruit d'une sirène qui résonna faiblement dans le lointain.
Cela ne l'inquiéta pas outre mesure.
- Sans doute la sonnerie signalant la reprise du travail dans une usine proche, pensa-t-il.
Il reprit son jeu qui, finalement, lui plaisait bien.
- Ah oui, j'épouserais Nancy car je crois qu'en fin de compte c'est elle que je préfère.
- Et en plus, elle est riche, ricana-t-il.
La sirène sonna une seconde fois, mais fût plus forte cette fois-ci.
Orson, trop accaparé par ses pensées n'y prêtât pas attention.
Même la douleur lancinante dans ses poignets et ses chevilles n'affectait pas le cours de celles-ci.
- Et puis je lui ferais un enfant comme cela elle ne pourra pas me quitter ou alors je la ferais casquer !
Il pensa à son travail de technicien chargé de la maintenance des trains supersoniques, successeurs des antiques trains électriques du XXème siècle.
- Comment pouvait-il glisser sur ces trucs débiles ? Se demanda-t-il en faisant référence aux rails sur lesquels il était solidement attaché.
Il se dit en plaisantant que ça aurait été très dangereux de se trouver là, si de tels trains existaient encore.
Un nouveau coup de sirène ne provoqua aucune réaction de sa part. De toute façon, la direction d'où elle provenait était masquée par une colline recouverte de conifères.
- Et ce cher Harvey Doyle, continua-t-il, je crois que je ne le ferais plus cocu.
- Et pourtant, dieu sait si elle me plaît sa femme, apprécia-t-il, mais je crois que trahir un ami aussi benêt et aussi aveugle ne m'apporte aucun plaisir.
Il éclata de rire malgré ses membres douloureux.
- C'est comme pour Brian Garvey, commença-t-il avec ironie, il à fallut que je lui avoue que c'est moi qui l'avais injustement accusé du vol de la paie des cheminots au directeur des chemins de fer pour qu'il m'en veuille.
- Quelle poire ce Garvey ! Mais il fallait bien que je grimpe dans l'entreprise non ? Dit-il en souriant.
Il poursuivit avec suffisance :
- Oui je crois que mon ascension à été trop facile, et si je revivais ma vie je ne pousserai pas Garvey en prison pour lui piquer un poste.
Pas par amitié, bien sur, mais pour le challenge que cela représenterait.
Tout fier de ses exploits, il se demanda si dans une seconde vie, il serait aussi malin et aussi spirituel et conclut par l'affirmative.
- Je crois quand même que j'éviterais d'assassiner les parents de John Howard après leurs avoir fait signer un testament qui me rendait seul héritier de leur confortable fortune.
Il fit mine de verser une larme puis reprit :
- Oui, fit-il admiratif de lui-même, même si je l'ai dit à John pour voir sa réaction et que, avec mon alibi fabriqué et les preuves manquantes, je ne risque rien, dans une deuxième vie je ne les tuerais pas de mes propres mains mais organiserait un petit accident bien préparé.
Tout ceci débité sur un ton de douce rêverie.
Il se dit qu'en fin de compte, il réitérerait tout ces 'exploits' lors de sa seconde chance mais peut-être de façon plus discrète.
En effet, comme ses amis savaient tout ce qu'il leur avait fait, il avait dû, la mort dans l'âme leur proposer une réparation.
C'est ainsi qu'il leur avait suggéré de l'attacher à ces rails pendant quelque temps pour qu'il puisse réfléchir à la portée de ses actes et ensuite il pourrait leur indiquer la punition qui voudrait qu'on lui inflige infligerait.
Il pensa avec indulgence que cette punition devait être clémente car Doyle avait récupéré sa femme, Garvey n'avait fait que trois mois de prison et Howard n'aimait pas ses parents alors...
- Alors, si je devais refaire ma vie, ajouta-t-il le sourire aux lèvres, je reprendrai les mêmes amis car ils sont bien assez bêtes pour accepter une telle proposition sans broncher
Et il rigola franchement.
La sirène résonna soudain très proche de lui. Il tourna la tête vivement vers la colline et vit déboucher une vieille motrice électrique roulant à toute allure dans sa direction.
Il songea à un élément qui lui fit garder le sourire :
- Même ces antiquités possèdent le dispositif anti-collision dont tous les trains sont équipés maintenant, pensa-t-il rassuré à moitié car il y avait un hic, il n'en était pas certain....
Il aurait pu connaître la réponse s’il avait lu le manuel des chemins de fer relatant l'histoire du rail, manuel que tout employé se devait de consulter.
Il cessa de sourire, le train se trouvait à cinq cent mètres.
Il ferma les yeux et se promit de lire le manuel lors de sa prochaine vie…
Dès les premières lignes, on n'a qu'une envie... lire la suite! Et quelle suite!!! =)
· Il y a environ 12 ans ·willowwhite
La vengeance est un plat qui se mange froid ! Très original nouvelle et la lecture est agréable .
· Il y a plus de 12 ans ·nilo
J'aime comme on découvre les travers de ce personnage attaché à des rails. L'ambiance fait très western, j'imagine une crapule dans des films avec le grand Clint Eastwood du style 'le bon, la brute et le truand'.Bravo Laurent pour ce beau dépaysement!
· Il y a plus de 12 ans ·aile68
Cynique à souhait cette nouvelle!
· Il y a plus de 12 ans ·corinne-antorel
J'aime particulièrement ce style de nouvelle ! Bravo.
· Il y a plus de 12 ans ·Mathieu Jaegert