Risque de boue
ynnej
Un rayon de soleil filtre. J’ouvre les yeux sur ma journée de libre. C’est comme le boulot… Mais en pire. À cause de la responsabilité. Et de la culpabilité. Je voudrais être libre, je voudrais du temps, mais je dois éplucher les derniers haricots verts du jardin. Je me demande quand me viendra enfin l’orgasme de la ménagère. Je sens un grand vide existentiel m’aspirer : la vie, c’est de la merde. Et avec les couches du dernier, ma pensée va sans doute se matérialiser. Gamine, j’aimais me rouler dans la boue et hurler pour un rien. Ou pour tout.
J’allume l’ordinateur, il me faut ma dose d’amour. Dans l’absolu, c’était sympa comme idée. Ne pas détruire nos foyers. Ne rien salir. Juste des mots d’amour pour se faire du bien. Dit comme ça, ça ressemblerait presque à une mission humanitaire. Mais l’air de ne pas y toucher, je suis devenue toxico, amoureuse de quelqu’un à l’autre bout du monde, sans être libre pour autant. Il n’y a pas de liberté avec l’amour. Il y a le désir, le manque, le doute, et la douleur, amère. Je dois lui faire mal moi aussi. C’est juste une question de point de vue. 48 H qu’il n’a pas écrit.
Les enfants sont réveillés. Merde, je ne me suis pas encore lavée… Déjà 26 Maman en à peine une minute. Oui, je compte.
« Mon chéri, comment vas-tu ? Ici les enfants sont excités mais je les aime tellement, tout comme je t’aime toi !»
- Maman, il m'embête !
- Mais 5 minutes de tranquillité – putain - c’est pas grand-chose ! Pardon. Je vous mets un DVD ? Faut que j’épluche les haricots.
Z-U-T : pourquoi ce mot ne me vient jamais ? Trop tard pour la douche, je m’habille.
« Mon amour, que fais-tu ? Je deviens malade, j’ai des idées noires et les doigts en sang… Je me dis que tu ne m’aimes pas autant que moi je t’aime… Je ne suis pas en colère, je ne veux pas être jalouse. Je suis trop loin de toi pour ça. J’essaie d’être zen, j’essaie d’être Bouddha en fait…»
Les haricots verts m’appellent. Et s’il était mort ? Je ne le saurai jamais. Mais est-ce que je serai triste ? Pendant combien de temps ? De la liberté en plus, des mots d’amour en moins. Pourtant, j’aime ma famille, on s’aime. Pas tous les jours mais c’est normal, je crois. Ce serait sans doute pareil avec lui. Si ça se trouve, ce serait pire… Est-ce que je l’aime vraiment ou est-ce que j’aime qu’il m’aime ?
- Maman, c’est fini ! Arrête l’ordinateur, allez ! Fais-nous plaisir…
- Qu’est-ce que t’as dit ? Où t’as appris ça ?
Je n’en peux plus, moi, de faire plaisir. C’est plus fort que moi, on dirait. Je dois aimer ça. Dans la passoire, les haricots verts gisent, décapités. Fin.
« Mon amour, j’emmène les enfants dehors, au soleil ! À très vite, je t’aime ! »
- Mais Maman, on va pas sortir comme ça ?
- ZUT… Ôtez vos pyjamas, je vais chercher vos habits.
Dehors, la franchise des couleurs m’éclabousse. L’air me passe dans le sang comme un sérum de vérité. On suit un chemin de terre entre les prés, un chemin pour les vaches qui vont se faire traire. Ce soir, elles marcheront docilement vers la ferme. Les enfants ne sont pas dociles mais ils ont l’air de savoir où aller eux aussi, tandis que moi, je suis docile mais j’ai des doutes sur le chemin. Ou plutôt je n’aime pas le chemin. Les vaches aiment-elles la ferme ?
La voie est coupée devant nous. Une flaque immense. Ornières, eau de pluie.
- Attendez-moi ! Oh non, ne sautez pas ! J’en ai marre, MARRE !
Et puis merde. J’ai sauté dedans moi aussi. Mon jean est sale, que dire de mon âme. Personne ne m’aimera jamais comme je le voudrais. Je savoure l’instant, en souriant. Car je sais bien qu’au prochain de ses messages, je replongerai.
J'ai connu ça lol et je compatis. Superbe texte déjanté qui me rappelle un truc que j'ai écris. Je ne suis pas un extraterrestre, ... Youpi ! :o)
· Il y a plus de 7 ans ·daniel-m
Oui, aimer, ça me colle parfois la haine, vous aussi ?
· Il y a plus de 7 ans ·ynnej
Je suis en plein dedans ! :o)
· Il y a plus de 7 ans ·daniel-m