romanciere de blog(pas inédit)

Conversation imaginaire.

"-Et vous Madame, quel est votre métier? Auteur de blogs."

-"Vous exercez ce métier depuis quand? "

Une décennie. Je vais écrire un texte pour remercier tous mes lecteurs d'avoir participé à l'élaboration de cette œuvre. Grâce à eux, j'ai oublié la solitude de l'écrivain et tous ses doutes qui touchent au narcissisme de l'artiste, à son besoin d'amour et de reconnaissance permanents.

-"Vous avez eu plusieurs blogs en dix ans j'imagine."

Oh oui, le premier a été le plus frénétique, mon enthousiasme frôlait la folie. Sur l'écran je croisais un génie, je lui écrivais, et les gens nous lisaient. Commentant l'un ou l'autre. Nous avons été jusqu'à écrire un roman, un peu déglingué, je crois. D'un côté, lui violent et provocateur. Et moi fragile, murmurante, éperdue de grâce.

Une histoire qui se terminait mal et pire encore une vraie rupture. Le blog sans lui devenait une souffrance . J'allais pleurer chez ma psychanalyste. J'avais perdu une idole.

Sa dimension magique était unique. Son intelligence m'avait fait rayonner, son homosexualité rendant impossible toute séduction doucereuse.

-" Et depuis? "

L'imaginaire est resté le maitre mot de toutes les rencontres. J'ai vu mes mots devenir pièges, ou au contraire éteindre des feux, des blessures se refermaient à cause d'une phrase qui résonnait bien. J'offrais mon enfance si belle à ceux qui n'avaient connu que la violence. Les femmes avaient envie de devenir maîtresses quand les verbes s'effeuillaient comme des caresses. Et toutes les émotions de l'âme virevoltaient sous ma plume. Être à la fois dense et légère, pour décrire ces ondulations entre joie et tristesse.

Et puis, depuis 5 ans, il y a eu aussi le témoignage de ma maladie et le partage des souffrances. Hommes ou femmes, plutôt la soixantaine, mais parfois beaucoup plus jeunes, chacun voulait raconter son mal. Il y a du malheur derrière ces écrans. De la douleur et du manque. Cela ne se livre qu'entre les mots, cela demande une ponctuation qui n'existe pas. Il faudrait mettre des tirets entre chaque phrase pour respecter les silences de ceux qui souffrent. Écouter leurs souffles si fragiles. Laisser parler leurs rêves.Mais il y a aussi, ces magnifiques commencements d'amour, cette jouissance d'être vivant, cette envie d'écouter le vent et de regarder vers la mer.

Dix ans de blog , c'est comme un long murmure, un infini saisi dans l'instant, des visages que l'on n'aura pas connu, des voix que l'on a vraiment entendu, des numéro de téléphone échangés, des amitiés qui naissent et qui s'achèvent, et d'autres que l'on garde comme un secret pour ne pas les voir disparaitre encore.

Dix ans de blog, c'est comme dix ans de vie en plus. Une vie qui échappe aux rigueurs du temps. Pas de rides mais des sourires ou des larmes qui forment comme une soie de douceur autour de vous.