Running in (Clamart)

Nicole Bastin

J'entends la porte claquer derrière moi. Moi qui ne voulais réveiller personne.

C'est ça d'être pressée de voir le jour se lever.

Du pont en face, la vue est imprenable. Le ciel y dévoile son éventail de couleurs, ocre, orangées, jusqu'à dorées. Il étire ses bras de lumière, chasse doucement l'ombre indolente. Elle, qui traînait encore, se retire finalement après un dernier bâillement.

Je suis tout à fait réveillée, maintenant.

Pas besoin d'échauffements, j'entame ma course.


Le long de la voie de chemin de fer où flottent les odeurs de l'hiver. Ici, les oiseaux n'ont que des trains pour voisins, ils s'en donnent à cœur joie, les fêtards. Personne pour se plaindre du tapage.

La mairie ne vient pas jusque là, étendre sa main verte. Pas de tri, de plantation, de sélection. Et le sol est sauvage.

Idéal pour les plantes pionnières, étranges autant qu'étrangères. Fières d'avoir obtenu leur lopin de terre, elles ne manquent pas d'air, s'étalent, fleurissent, s'embellissent, bravant le froid, tout comme moi.

Je bifurque.


La pente est raide. Heureusement que j'ai du souffle !

C'est le royaume des vieilles pierres et tout y est bien rangé. Les jardins sages ont appris leur leçon. Ils se tiennent à carreau derrière les majestueuses meulières, dont les devantures illuminées rappellent les malices de la saison.

Pour faire plaisir aux enfants, on participe au concours, on attend de savoir qui aura la plus belle décoration. On ira féliciter le gagnant de la compétition.

Il est encore trop tôt pour croiser les vélos, poussettes et trottinettes qui règnent ici en maître. Il n'y a pas un chat. Ou plutôt si, un gros matou roux monte la garde. Il me laisse filer en miaulant.


Je suis sur mon rythme de croisière, à présent. Les quartiers défilent.

Après les maisonnettes coquettes, les hauts immeubles et les larges trottoirs. Je voyage.

D'abord les artères avenues, du nom des grands des siècles passés. Puis les places pavées, les arcades, l'allée piétonne, tout droit jusqu'à la mairie. L'esplanade est charmante mais je ne m'attarde pas. Je monte encore. Le Conservatoire, la Maison des Sports, encore, encore. La côte est sévère, je peine.

Enfin, j'y suis.


L'orée du bois.

C'est un soleil taquin qui m'accueille, clignant de l'œil entre les branches désormais, toutes, dénudées de leurs feuilles.

Je suis invitée, semble-t-il, à percer le mystère de la forêt.

Avant de m'y engouffrer, je me retourne pour admirer. Mon regard plonge dans la vallée.

Accrochée à flanc de colline, ma ville respire, tranquille, le lointain parfum de la Seine. Au cœur de la nature, au carrefour des cités, elle a gagné, sereine, mon cœur de Parisienne.


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