Samba Selvagem

Jaime De Sousa

La lumière du soleil m'aveugle, la poussière irrite mes yeux, les larmes évacuent mon trop plein de peur...

Le muret, derrière lequel nous nous sommes réfugiés mon frère et moi, rétrécit à chaque balle perdue. Mon sac de course git encore au sol, piétiné par des bottes militaires.

Je n'ose pas sortir de ma cachette. Depuis le Corcovado, Le Christ Rédempteur observe. Comme moi, il assiste au massacre. Je bafouille une prière, me demandant si il l' entendra au milieux de ce vacarme. Il a les bras ouverts, mais je suis persuadé que s'il le pouvait, il les auraient ballant. Il n'y a plus rien à attendre de notre quartier. C'est le Purgatoire, et aujourd'hui est une journée porte ouverte.

Je risque un œil vers la rue...

Des gamins de l'âge de mon frère, armés jusqu'aux dents, harcèlent les policiers en 4x4. Ils jaillissent de tous les recoins du quartier, de toutes les ruelles entourant la place principale. Ils connaissent ce dédale mieux que personne. Les murs crépitent de tirs de représailles. Il y a une ligne à ne pas franchir, et c'est leur ligne de mire. Les gosses, eux, disparaissent rapidement dans les ruelles coupe-gorge, ou vont se cacher dans les carcasses de véhicules calcinés.

Le sol tremble, non habitué à tant de véhicules blindés, à tant de bottes battant le sol. L'air est saturé par les tirs en continu...Qui tire? Sur Qui? C'est l'anarchie la plus totale. Tout le monde crie...tout le monde gueule. ..Seul le ton de la voix permet d'identifier les tireurs...Voix juvéniles et muant pour les uns, communication chaotique...Grave et sévère pour les militaires, hurlements ordonnés.

C'est l'enfer!! La chaleur rend encore plus nerveuse la Police...Les trafiquants et les gamins sont torse nu...Les vêtement n'arrêtent pas les balles...La peur frappe tous les visages...Le sang se mêle aux cris, aux pleurs des habitants dont les maisons sont fouillés sans ménagement.

...Un fouet claque dans les cieux...Les tirs s'espacent...Une menace se rapproche...Je connais ce bruit...Toute la favela connait ce bruit...La mort héliporté...Les premiers cris d'alerte...ça bouge dans les carcasses de voitures calcinés...Ça se faufile dans les ruelles...ça se planque dans les maisons...Trop tard pour les retardataires...Fin de partie pour ceux restés sur les toits...L'hélicoptère surgit.

Les rafales saccadées ne se font pas attendre...Sur les toits, les premières victimes... Au sol, c'est le carnage. Les fenêtres, les portes, les voitures explosent sous les balles puissantes «da maquina». Je ne bouge plus...Je ne fais qu'un avec le muret...La mort ailé stationne au dessus de la place quelques instants...j'entends les policiers qui parlent... «CUIDADO!!» crie l'un des hommes en noir...J'entends le bruit de plusieurs bouteilles se brisant sur du métal...Je sens la chaleur d'un départ de feu...Je n'ose pas regarder ce qui se passe...L'hélicoptère passe au dessus de moi...en flamme...Il pique vers le stade municipale...Explosion au sol...Explosion de joies dans les rues de la favela...

Le calme revient peu à peu...Je caresse les cheveux de Victor...Mon petit frère est tétanisé...Je tente de le rassurer...

Le sol vibre de nouveau...Bruits de tôles froissées...Voitures balayées...Les blindés débarquent sur la place... Une Pluie de cocktails Molotov s'abat sur eux...Les militaires répondent par une averse de mitraillettes...L'accalmie a été de courte durée, ce nouvel épisode orageux sera plus violent.

Des policiers passent à coté de nous en courant. Ils ne nous regardent pas, ne cherchent même pas à nous tirer de là. Le dernier du peloton nous aperçoit...Il s'approche de nous...Il sourit.

Je prends Victor dans mes bras, je lui dis que rien ne pourra lui arriver...je lui montre notre sauveur... Il s'arrête enfin de pleurer, regarde le militaire et sa tête explose en bouillons de couleurs.

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