Sépia
Mireille Roques
Elle disait qu’elle avait toujours vécu là, à Paris, dans ce quartier, dans cette rue - tout juste traversé, changé de trottoir quand elle avait fait l’acquisition de son appartement. Toujours. Elle disait ainsi car elle avait remisé au fond de sa mémoire les dix-huit premières années passées auprès de ses parents, dans un hameau d’Auvergne ignoré des routes. Elle n’avait pas eu le temps de s’y broder des souvenirs, à peine celui d’un trousseau qui depuis sept décennies jaunissait dans l’armoire, en piles impeccables. Lavé et repassé une fois l’an. Jamais utilisé. La ferme était isolée, l’école lointaine, inaccessible certains jours de neige. Elle l’avait fréquentée suffisamment pour apprendre à lire, écrire, compter et aussi les sous-préfectures, Marignan 1515, ô combien de marins, combien de capitaines… Elle était plutôt bonne élève mais, une fois obtenu le certificat d’études, il avait bien fallu rester auprès des parents, dans les champs, à l’étable, à la cuisine, le corps et la tête vidés par la fatigue, l’odeur des bêtes collée à la peau, les mains calleuses, la nuque brûlée.
Et puis le père avait attrapé une sale maladie et il était mort à l’hôpital, tout seul car les femmes ne pouvaient laisser l’exploitation et c’était toute une affaire pour se rendre à la ville. La mère avait alors préféré louer les terres, fermer la maison et, disait-elle, se faire servir une soupe bien chaude tous les soirs à la maison de retraite. Elle ne devait guère avoir dépassé les cinquante ans mais c’était ainsi, en ce temps, dans ces montagnes : on était vieux très tôt, usé, bon à finir à l’hôpital ou à l’hospice. Elle, la fille, à peine sortie de l’enfance, vite émancipée faute de possible tuteur, était partie pour Paris au service d’une ancienne danseuse des Folies Bergère originaire du village.
Un an après, la mère rejoignait son mari, ses beaux-parents et deux beaux-frères tués à la guerre de 14-18. Ca faisait beaucoup de monde pour une si petite tombe. Du monde, il n’y en avait guère eu pour l’accompagner. Ce n’était pas étonnant : ils avaient peu de voisins, encore moins de famille, pas d’amis. Et puis, la guerre partageait la France en deux, empêchait les trains, exigeait des laissez-passer, toutes sortes d’ autorisations qui faisaient se sentir menacé. Elle, la fille - la Parisienne - avait pourtant réussi à faire le voyage et, en deux temps trois mouvements, à régler la succession : vendu les terres, loué la maison. La vente avait à peine suffi à payer le marbre de la tombe et les mois en retard de la maison de retraite. Le loyer, pourtant bien modeste, lui permit pendant une quarantaine d’années de satisfaire le seul vice qu’elle s’autorisât : les paris hippiques. Quand sa locataire à son tour mourût, elle préféra renoncer à son petit plaisir plutôt que devoir retourner au village. Elle demanda au maire de fermer la maison et céda la jouissance du potager à la commune contre un minimum d’entretien. De ce jour, elle ne misa plus un sou sur un cheval.
Elle approchait aujourd’hui des quatre vingt dix ans et ne croyait pas à son âge. Personne d’ailleurs n’y croyait : droite, mince, la permanente bleutée et des petits tailleurs bien coupés sur des chemisiers impeccables. L’œil bleu, la voix claire et une vivacité des gestes que seule un peu d’arthrose tempérait. « Vous avez dû en faire des conquêtes » lui disaient ses voisins. Elle ne démentait pas, souriait d’un air entendu. Pourtant, s’ils savaient… Les hommes, c’est à peine si elle les avait croisés. Bonne à tout faire, lingère, cuisinière, concierge. Vouée aux arrières salles, à la cuisine, au lavoir, à la loge. Ceux qu’elle avait connus ne lui avaient offert qu’un plaisir fugitif et elle avait assez vite renoncé à ces choses qui ne l’intéressaient pas vraiment et la laissaient, au matin, insatisfaite et fatiguée. Son seul plaisir, en vérité, sa seule passion avait été l’aménagement de son intérieur. Avec ses premières économies, elle s’était achetée une chambre à coucher, une vraie chambre de dame en bois clair qu’elle rehaussa de tentures et de tapisseries colorées. Le reste suivit, sou par sou, pièce par pièce : le salon Louis-Philippe, la cuisine en faux rustique, la salle d’eau en mosaïque… Elle achetait comme d’autres font des enfants : pour se construire. Elle se privait de viande pour un pied de lampe, faisait des heures supplémentaires pour un robot ménager, écumait Paris pour un tapis d’un certain point, épuisait ses dimanches à coudre des doubles-rideaux, amidonner des nappes. Elle ne supportait aucune fausse note, ne s’autorisait pas la plus petite négligence. Elle mit plus d’un demi-siècle à racler la glaise de ses semelles puis, quand fut enfin arrivé le temps de la récompense, du triomphe et du repos, elle se découvrit seule.
Un jour, elle reçut un courrier du maire de son village : la commune cherchait de vieilles bâtisses pour en faire des gîtes. Il y avait une grosse demande de vacanciers en recherche d’authenticité, de maisons rustiques. La sienne était certes en mauvais état mais bien située. Serait-elle vendeuse ? La proposition tombait à point. Elle commençait à s’ennuyer et les après-midi au club des séniors manquaient cruellement de nouveaux sujets de conversation. Et puis, sans savoir d’où cela lui était venu, la visitait de plus en plus souvent une envie de retourner là-bas, d’aller voir ces lieux pendant si longtemps effacés, de retrouver, qui sait, quelqu’un ou quelqu’une de sa connaissance et aussi - cela ne laissait de la troubler – de se rendre sur la tombe de ses parents. Elle n’hésita guère et trois mois plus tard elle descendait en gare de Clermont Ferrand où l’attendait le maire, un jeune homme cravaté qui lui expliqua être venu s’installer au village voilà une dizaine d’années, avec femme et enfants, tombés sous le charme de la chaîne des Puys. Une chose en entraînant une autre, il avait fini par se faire élire. Il avait acheté le corps de ferme des Richard, là haut, sur le plateau. Elle connaissait sans doute ? Non, cela ne lui disait rien. Et du Louis Vincou, s’en souvenait-elle ? Ils devaient avoir à peu près le même âge… Louis Vincou ? Elle ne voyait pas, et pas plus Berthe Gaille qui venait de mourir, ni les Defouques qui retapaient la maison des grands parents ni madame Germain qui était partie aux Etats unis juste après la guerre et à dont on venait de donner le nom à la toute nouvelle salle de fêtes, en remerciement de la générosité qu’elle avait toujours manifesté envers son village natal. Celle-là non plus. Le maire en était resté là et l’avait directement conduite chez le notaire L’affaire avait été prestement menée puis, comme convenu, ils avaient pris la route pour le village. Une chambre lui avait été réservée dans l’unique hôtel et, après lui avoir proposé de venir partager le dîner familial et avoir reçu un refus poli, le maire, perplexe et vaguement irrité, l’avait laissée en lui glissant le numéro de son portable – surtout, n’hésitez pas… Elle s’était aussitôt couchée, plus épuisée qu’elle ne l’aurait pensé et redoutant la journée à venir. Elle se réveilla pourtant le lendemain étonnamment fraîche et prit plaisir à un copieux petit déjeuner. Les patrons ne lui posèrent pas de questions et elle ne leur en posa pas et partit vers la maison, sans trop savoir quel chemin emprunter, essayant de se situer par rapport à l’église, à l’école , mais s’égarant dès la sortie du village dans des chemins qu’elle ne reconnaissait pas, ne croisant âme qui vive, insensible au paysage qui émergeait de la brume, soucieuse de ne pas se tordre les pieds et de ne pas accrocher son manteau aux buissons… Elle tomba presque par hasard sur le hameau, qu’elle reconnut à l’ancien lavoir, maintenant joliment fleuri, où elle s’était tant usé les mains. Sur les trois maisons, deux étaient retapées, volets fermés - des Anglais, avait expliqué le maire - et la sienne lui apparut plus misérable encore, si petite, vieille, lointaine. Elle poussa la porte et retrouva une odeur, quelque chose de l’enfance qui s’évapora aussitôt pour faire place à l’insupportable vérité des murs tapissés de salpêtre , du sol jonché de crottes de souris et des reliefs de pique-nique – vagabond ? promeneurs surpris par la pluie ? – et des bouts de cartons, des morceaux de verre, d’assiettes, une couverture sans couleur, vestiges du déménagement qui avait suivi le décès de la locataire. Elle ne poussa pas plus avant, n’eut même pas la curiosité de monter aux chambres, encore moins au grenier. Referma la porte derrière elle. Elle eut encore du mal à trouver le cimetière, la tombe. Le marbre était terne, la dorure des lettres effacée, les fleurs en porcelaine toutes cassées. Elle se planta bien droite , convoquant de toutes ses forces les souvenirs mais rien d’autre n’émergeait que la nuque brune de ses parents penchés sur le bol de soupe, le dos du père bêchant le potager, les mains de la mère dans la mousse savonneuse du lavoir. Elle mit les porcelaines à la poubelle, passa un mouchoir sur la dalle. Reprit le chemin du village. Le taxi l’attendait devant l’hôtel. Le train et, déjà, un sentiment de délivrance. Paris, enfin.
Peu après lui parvint une lettre du maire : les travaux de restauration de la maison allaient commencer et on avait trouvé une malle au grenier, au nom de la famille, pleine d’objets qu’elle aurait certainement plaisir à récupérer. Un transporteur du village avait bien voulu s’en charger et la déposerait chez elle. Deux jours plus tard, la malle était là, incongrue au milieu du séjour et le transporteur avait insisté pour l’ouvrir car, disait-il, vous ne viendrez jamais à bout de ces vielles serrures rouillées. La voilà donc, face à l’ouverture béante d’où s’exhale une odeur de vieux tissus, de vieux papiers, l’odeur des choses longtemps enfermées, et elle hésite à sortir le premier objet tant l’odeur la rebute et aussi la saleté qu’elle devine, les microbes, mais enfin, que faire, il sera bien tant de tout jeter et de faire enlever la malle. Elle jette un œil, du bout des doigts tire un vase, puis des assiettes, une statuette de la vierge, un châle mité, un bouquet de mariage en perles, et des boîtes de biscuits – vides, encore heureux ! – quelques cartes postales, un livre de comptes, et encore des draps, des torchons, des plats ébréchés, tout un bric à brac sans couleurs, des vieilleries sans charme. Tout au fond, une boîte en carton, qu’elle ouvre et qui lui livre la photo en noir et blanc de ses parents en mariés, son père dans un costume trop étroit et les cheveux taillés trop courts, sa mère auréolée d’un voile ridiculement vaporeux. Une autre photo : elle, en communiante la couronne de fausses roses enfoncée jusqu’aux sourcils, les yeux tournés vers un crucifix, l’air plus maussade qu’extatique. Quelques autres mariés, qu’elle n’identifie pas ; un bébé nu, à plat ventre sur une fourrure – elle ? – deux militaires devant une plante verte – les oncles morts à la guerre de 14 ? – et des photos de groupes, autour d’autres mariés, des gens de la campagne, endimanchés, raides, sans un sourire, sauf des enfants au premier rang ou débordant du cadre, dans lesquels elle ne cherche même pas à se reconnaître. Et puis, là, surgies d’une enveloppe, dentelées à la marge, d’un rendu précis, belle lumière, silhouettes détachées, visages incroyablement familiers, des photos qu’elle n’a jamais vues, arrivées après son départ ou que l’on n’a pas voulu lui montrer. Sur la première, un groupe, disposé autour d’une nappe jetée sur l’herbe: les femmes assises sur des souches d’arbres, l’une en robe sombre, l’autre comme une clarté et la troisième, la jeune fille, à même le sol, la tête renversée ; et les hommes, les deux plus âgés adossés à un mur mangé de verdure que chevauche un jeune garçon et un troisième, mince silhouette éblouie par un rai de lumière, à demi allongé, la joue posée sur son bras replié. Sur la deuxième photo, elle est entre ses parents, tous trois un peu raides et sur une autre, ses parents seuls et sur une autre, elle, un peu floue, et puis le garçon qui rit aux éclats et puis le jeune homme , en portrait, un sourire au coin des lèvres, et, comme un coup dans le plexus, la dernière photo, elle, la jeune fille, et lui, le jeune homme, comme surpris dans une confidence, elle la tête légèrement tournée vers lui qui semble lui parler à l’oreille ou déposer un baiser, et elle voit le velouté de la joue, les frisottis sur la nuque gracile, la rondeur du bras, la promesse des seins dans l’échancrure du corsage. Elle voit le regard brun, la fine moustache, les mains longues et fortes qui la tiennent aux épaules. Elle entend le clapotis de la rivière, et les oiseaux et le jeune garçon qui crie « Coucou » et son père qui gronde « ça suffit comme ça » et elle sent l’herbe, la sueur des aisselles, le parfum de lavande de la chemise et elle voit la nappe raide que sa mère a dépliée tout à l’heure pour y disposer le pique-nique et elle a sur la langue le goût des tartes aux prunes et à l’oreille la voix du beau cousin.
C’était un jour d’août, juste avant que le père tombe malade. Les cousins de Lyon étaient venus passer trois ou quatre jours, ce qui était un évènement car on ne recevait jamais personne et ceux-là, justement, des gens de la ville, lui belle situation dans les chemins de fer et elle une dame si délicate. Ils s’étaient trouvés par hasard au printemps dernier, à un mariage, avaient remonté la généalogie et s’étaient quittés sur la promesse de se revoir. La mère n’y croyait pas et le père comme à son habitude ne disait rien. Elle, elle pensait comme la mère que ce beau monde ne viendrait pas abimer ses chaussures dans leurs mauvais chemins… D’ailleurs, elle ne les connaissait pas, ces gens : les parents avaient parlé entre eux, la laissant se morfondre aux côté de son cavalier, un grand dadais qui ne s’intéressait qu’à son assiette ; plus jeune garçon avait joué avec les autres gamins et l’aîné s’était éclipsé après la messe, réapparaissant au dessert, s’ennuyant au moins autant qu’elle mais sans que cela les rapproche pour autant. Et voilà qu’ils étaient venus, dans leur belle auto, dans leurs beaux habits ; qu’ils semblaient s’intéresser à eux, à la ferme, moins bêtes qu’elle l’aurait cru et sachant distinguer une poule d’une pintade ! Le plus jeune suivait le père partout : aux champs, à l’étable et le grand la suivait, elle, l’interrogeant sur ses projets, la taquinant sur les galants qui ne devaient pas manquer et lui racontant sa vie, à lui, les études de droit pour être magistrat – magistrat c’est un peu comme avocat ?– son goût pour la lecture, le cinéma – moi, je suis allée une fois à Clermont, au Rex, vous connaissez ? – les voyages qu’il avait fait , ceux qu’il aimerait faire. Et puis il prenait un livre, allait s’installer sous le tilleul et elle n’osait le déranger, juste l’appeler pour le goûter mais il avait toujours un chapitre à terminer. La veille de leur départ, ses parents leur avaient fait la surprise du pique-nique. C’était une expédition de descendre jusqu’à la rivière mais les cousins trouvaient tout merveilleux : le chemin escarpé, les arbres centenaires, les fleurs sauvages – et ce silence, disaient-ils, ce silence ! La mère avait étendu la nappe blanche, raide d’amidon , disposé les victuailles. Le père avait plongé les bouteilles dans la rivière, bien calées avec de grosses pierres. Le cousin avait alors sorti un appareil photos et, après l’avoir installé sur une souche et avoir remonté une mécanique, il était venu en courant se mettre à côté du père et presqu’aussitôt on avait entendu un clic et c’est dans la boîte, avait-il dit. Puis il avait fait poser les différents membres de la famille, seul ou à plusieurs. A la fin du repas, elle et l’aîné des garçons s’étaient retrouvés un peu à l’écart, lui la plaisantant sur le verre de mousseux qui lui avait mis le rose aux joues et elle osant enfin le regarder en plein visage, et c’était un moment qu’elle n’avait jamais connu, un dimanche d’été et de légère ivresse et le petit frère était arrivé et coucou les amoureux et eux, dans un mouvement de surprise… Le lendemain c’était le départ - à votre tour maintenant, on vous attend à Lyon. Et puis tout était devenu sombre : la maladie et la mort du père, la mère à l’hospice, elle, pas vingt ans. Son départ pour Paris. Elle avait appris presque par hasard, des années après, le décès du cousin, dans le Vercors. Elle n’avait jamais su dans quelles circonstances, jamais revu les Lyonnais, juste envoyé une carte de maladroites condoléances qui lui était revenue – n’habitent plus à l’adresse indiquée .
Et la voilà, devant la malle vide. Les objets dispersés sur le sol et les photos entre les mains. Elle demeure ainsi un long moment, vide, sans âge et sans histoire et elle sent monter quelque chose qui ressemble à du chagrin et une larme tombe sur le papier glacé et le flot des larmes arrive quand elle réalise qu’elle ne se souvient plus des noms : ceux de Lyon, disait-on, les Lyonnais. Mais encore ? Passe pour les parents – cousin, cousine - mais les garçons ! La mère, pourtant, appelait souvent le petit, toujours à grimper à un arbre ou courser une poule. Et le père tonnait - Jacques, arrête tes sottises, veux-tu ? Jacques, il s’appelait Jacques ! Mais ce n’est pas celui-là qu’elle veut, c’est l’autre, l’aîné, celui de la photo, qui lui parle à l’oreille et dont elle respire le parfum, sueur et lavande mêlées. Elle cherche, déroule l’alphabet - Abel, Albert, Alfred… ? Quel nom, sur la carte de condoléances – Gérard, Gilbert, Grégoire … ? Elle essaie de retrouver ces moments où elle l’appelait pour goûter -Maurice, Marcel, Michel … ? et sous le tilleul, à la fraîche , les parents parlaient de lui qu’ils trouvaient un peu trop secret - tout le contraire de son petit frère, notre Raymond, Richard, René… ? Près de la rivière, le jour de la photo, elle avait eu peur qu’il tombe et avait crié son nom. Elle ferme les yeux sur ses larmes : la rivière, l’herbe mouillée, les racines accrochées à la berge. Le soleil met des pastilles sur sa robe, un oiseau pousse la note, solitaire, et la chaleur fait vibrer la lumière et lui rit tendrement de sa frayeur. Elle crie : Etienne ! Etienne, a-t-elle crié.
Elle a glissé la photo du jeune homme dans un cadre doré et posé sur la table basse du salon. Pour la photo du baiser, elle a choisi un bois de rose assorti à sa boîte à bijoux et, désormais, elle s’endort chaque soir le visage tourné vers cette promesse en demi-teintes, ce prologue indéfiniment recommencé, ce délice inachevé.
Elle invite maintenant volontiers les dames du club des séniors qui, en reposant leur tasse de thé, ne manquent pas de se pencher sur la photo et d’interroger du regard. Alors, elle soupire et d’une voix mouillée raconte : Etienne - si beau, intelligent, brillant, l’avenir devant lui – et là, sur cet autre cliché, avec elle – jolie, vraiment ? – tous deux si amoureux, qui avaient échangé leurs promesses. Et puis la guerre, la Résistance. Lui, tombé dans le Vercors. Elle, qui n’avait jamais pu l’oublier. Ne s’était jamais mariée.
Et les vieilles dames, dans la douce pénombre des fins d’après-midi, maudissent les guerres qui séparent les fiancés promis à toutes les félicités.
Sensible, émouvant. Très réussi, bravo !
· Il y a presque 13 ans ·Emilia Jarry
Au risque de répéter...moi aussi je trouve ce texte très beau.
· Il y a presque 13 ans ·ysabelle
J'ai beaucoup aimé aussi !
· Il y a presque 13 ans ·Edwige Devillebichot
C'est superbe. Et c'est magnifiquement écrit.
· Il y a presque 13 ans ·Frédéric Clément