silence des jours

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Silence des jours

Les jours se taisent.

Silences impossibles à lever.

Les jours se terrent. Racler la mémoire. Cercler le temps passé.

           Dix ans de chemins derrière soi, d’amitié derrière soi, de combats, de fractures, de joies fugaces. Dix ans de jours passés à devenir par la musique et le langage, à s’éloigner aussi.

           Salle comble, tu joues devant des anonymes. Je compose avec cette nouvelle image de toi qui se superpose à la précédente où tu accordais seul ta guitare, sans techniciens ni mise en scène. Je sais maintenant que l’intimité n’est rien, elle se distend, se déchire, instants fragiles jamais préservés, jamais oubliés. Je suis venue t’écouter jouer sachant que nous serions des inconnus l’un pour l’autre. Mais je suis venue malgré tout, je me suis assise, les lumières se sont éteintes, j’ai voulu ne pas me souvenir.

            Tout me semble très lointain. Ta voix, lointaine, ta peau lointaine, tes mots, tes mélodies, lointaines à quelques mètres de moi. Tout à l’heure, sur une affiche du métro, ton visage derrière un masque grotesque, la guitare en bandoulière et les autres, ceux du groupe d’autrefois, sur l’affiche aussi. Je ne dis rien, je ne parlemente pas avec le destin. A quoi bon. Je me concentre sur la scène, sur la pulpe de tes doigts, les fils parcourus, les sons tissés, projetés répercutés en un battement multiple dans la salle, ta musique fureur de joie qui subsiste. 

            A cet instant-là seulement, notre intimité me manque, elle m’a déserté dix ans, je veux ne pas me souvenir. Les discussions, les soirs à refaire le monde, les engueulades, les confidences, les présents, ta présence. Je veux ne pas me souvenir. Des mélodies partagées, des silences échangés, du désir émergeant, de la distance maintenue tacite, de l’éloignement. Tout est là à attendre, sur le seuil du revenir. De notre intimité perdue je ne suis pas revenue. Je ne t’ai pas cherché, je ne t’ai pas trouvé, je suis simplement là, assise dans la salle, car ma place ce soir n’est ni ailleurs ni autrement. Je veux l'oubli comme un crachat sur mon visage dressé et de toi ne rien reconnaitre.

           Ne rien reconnaitre, ne rien sauver de cela qui se calfeutre dans la mémoire, qui erre éparpillé en objets et en sons. Ne rien exhumer, ni les mots donnés ni les mots reçus, ni la rancœur, ni les insultes. Remplacer celui que tu as été par celui que tu es devenu  Applaudir à cela. Me lever avec les autres et applaudir au concert qui s’achève. Le temps d’un rappel ou deux, je te vois  de retour sur scène, comme autrefois marcher devant moi dans la rue. Je te revois sourire, composer, questionner, consoler, guitare à la main, mes angoisses, dix ans plus tôt,  fermer les yeux lorsque ma main approche ton visage, me ramener chez moi un soir dans cette même rue, avec ces mêmes arbres, près de cette même salle de concert où tu salues ce soir ton public. Dix ans pour venir ce soir t’écouter, écouter le bruissement de ce lien qui a été et qui n’est plus, pour demain, enfin, laisser à nouveau paisiblement les jours se taire.

  • Je ne comprends pas la " basse " évaluation de ton texte ; ton texte que je trouve fort bien écrit et de surcroît touchant. J'aime beaucoup. CDC.

    · Il y a environ 11 ans ·
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    mark-olantern

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