Souvenir d’enfance II

Hervé Lénervé

Nous en étions restés, à une laie, nous chargeant, car elle avait une dent de laie contre nous.

La clôture d'enceinte du parc était trop loin pour qu'on ait le temps, avec nos petites guibolles de gosses, de l'atteindre. Entre la laie et la clôture il y avait un arbre, un seul. Je vous fais un dessin : Là, il y a la laie pas facile, (pas facile à dessiner, la laie. On voit qu'elle n'a pas l'habitude de poser en modèle).  Plus loin, il y a nous, les deux couillons, (facile, je fais deux gamins patates, comme les mômes). Encore plus loin, il y a un arbre, (Fastoche, je dessine un pommier, car il n'y avait pas d'eau pour un noyer). Et encore, encore plus loin, la clôture (Là, je la dessine avec un gros trait barbelé).

A moins d'être complètement débile, il apparait que la seule issue possible était de monter à l'arbre, car les laies n'ont pas le droit d'y monter (§ 12, alinéa 35 de la Fédé de Chasse).

Ouf ! Ça y est, sauvés sur le pommier qui ne devait pas en être un, car on n'avait aucune pomme à manger pour passer le temps. Et le temps à passer, perché sur un faux pommier sans pomme, c'est plus long que le temps à passer au pied de l'arbre à attendre que l'on descende.

Oui, la laie s'était plantée sous nous. Elle faisait, assise, le siège de l'arbre. Puis elle se coucha même pour siéger confortablement. A croire que la vie de laie est vide et monotone d'occupations primordiales. Combien d'exploits,  accomplis par des laies défrayant la chronique. « Une laie sauve un enfant de la noyade ! », « Une laie met en fuite un commando de terroristes ! », « Une laie trouve un vaccin contre la Covis 19). Combien d'exploits qui auraient pu faire dire d'elles ? Putain la vache ! La laie, c'n'est pas rien, quand même !

Bref, enfin pas si bref que ça, on resta perché quatre heures, avant que l'autre ne se rappelle qu'elle avait quelque chose d'autre de mieux à faire ailleurs... comme de s'occuper un peu de sa progéniture marcassiniènne.

On attendit encore une bonne demie heure par sécurité, puis tranquilles, en courant à fond la caisse, on franchit les cent mètres de l'arbre à la clôture. On l'escalada en catastrophe et une fois de l'autre côté, à l'abri, on insulta copieusement la laie, en la traitant de truie. Ce qui est l'insulte suprême chez la laie sauvage.

Rentré à la ferme, Fernand prit un coup de pied au cul par son père à cause du retard au souper.

Rentré à la maison, ma mère me priva de sortie pour le lendemain.

Ceci dit, ni mon pote, ni moi, n'évoquâmes l'épisode de la laie pour nous dédouaner, on n'était pas des mouchards, tout morveux que l'on fut. De toute façon cela n'aurait guère plaidé en notre faveur.

La prochaine fois, je vous raconterais comment on chassait la vipère au tracteur attelé d'une charrue. Pratique complètement interdite par la Fédé de Chasse.

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