Souvenirs de yuppies

Ça commence mal. Bon, j'aurai, au moins, eu un soupçon d'intention.

Rebon, j'étais jeune… non ! Ne commencez pas à lever les yeux au ciel. Oui ! Moi aussi, j'ai été jeune et alors, il n'y a pas de raison que ce soit toujours les mêmes. J'en avais marre de ma vie, métro, dodo, métro, dodo. J'ai tout quitté sur un coup de tête, en entraînant mon meilleur pote dans ma chute. On voulait vivre authentique. C'était l'époque de l'authentique.

On partit se mettre au chaud chez les péquenauds.

Je vous passe les détails, c'est trop long, presque deux ans qu'on a tenus. J'en viens tout de suite à la fin.

Tout bouffé, plus de fric, tout vendu. Moi qui n'étais pas gros, j'étais devenu un vrai squelette en chair et en os. Mon pote, pas mieux. Comme on touchait le fond. Mon pote est remonté sur Paris et j'étais sur le point d'en faire autant.

Je travaillais encore dans un chenil, enfin je ramassais les merdes de chiens pour être plus précis sur ma qualification. Seul toute la journée avec les clebs qui n'arrêtaient pas d'aboyer dès mon arrivée jusqu'à mon départ, après, je ne sais pas.

J'avais une masure pour m'abriter, toujours seul. Je ne voyais personne, ne parlais à personne. Sans m'en apercevoir, lentement, j'étais devenu une sorte de zombie. Je me nourrissais uniquement de pain et de ce que je pouvais chaparder ici ou là.

Quand je m'arrêtais pour acheter mon pain quotidien à Pernesiau, tous les gamins du village  m'attendaient pour rigoler de ma dégaine et croyez-moi, les pedzouilles à la cambrousse ne sont pas très regardant, côté dégaines.

Je suis resté en contact avec mon pote et maintenant que nous sommes vieux, ah, là, vous ne faites plus de mimiques suspicieuses, hein ! Maintenant que nous avons fait, tous les deux, des carrières qui nous ont mises à l'abri du besoin, quelquefois, quand on n'a rien de mieux à faire, on rigole encore, devant un ver, de ces temps de galère.