Startup

Bon, j'avoue que ce n'était pas une Startup équipée de la dernière technologie. Le matos était vétuste, années Minitel et encore. On avait encore des téléphones avec ces cordons en queue de cochon. Le truc, tu lâches le combiné, il se raccroche tout seul. Enfin en principe sur le papier, car le plus souvent c'est le collègue du poste à côté qui se le prend dans la tronche.

Là-bas, tout le monde bossait avec un casque d'escrime. C'est handicapant, car le masque d'escrime réduit la vision. Vous pouvez être sûr que le dernier chiffre, qui change tout dans le contrat, va tomber sur le grillage. Putain ! On en a ruiné des Entreprises avec ces masques.

Ensuite, on a adopté le masque de plongée avec tuba. Il y a ces avantages, il y a ces inconvénients. Mais on a arrêté à cause du décès d'un collègue par asphyxie. De toute façon, au bout de cinq minutes, avec la buée, la plongée c'était pire que l'escrime.

Putain ! On en a coulé des boites avec la plongée.

Autrement, on a essayé les boucliers de CRS. Tout en plastoc, de la camelote ! Premier retour de combiné, cassé, en confettis le bouclier antiémeutes. Ah, ils peuvent venir les Huns, avec à leurs têtes Attila l'hunnique dans son genre. Ils ne seront pas emmerdés.

Alors, à ce stade, nous sommes passés à la protection laissée libre à l'initiative de chacun.

Donc, on a eu.

Celui qui venait bosser avec une lessiveuse sur la tête, percée d'un petit trou pour les yeux, oui, lui, il était borgne, celui-là.

Celui, qui avait ressorti l'armure médiévale de pépé. Bloquée dans sa rouille, trente minutes pour faire « Alt Sup ».    

Celui qui venait bosser avec la peur au ventre, car il savait sa protection, minable. Il faut, quand même être, sacrément taré pour prendre une femme en otage dans le but de séduire un combiné de téléphone. La femme a ses limites, quand même.

Celui qui n'a rien trouvé de mieux que de se cacher derrière son frigo. Avec sa mobilité réduite proche de l'armure, lui, il en a loupé des affaires, celui-là. Enfin, je veux dire, plus que les autres.

Celui qui s'était bricolé une barrière virtuelle. Il avait déjà du mal à faire une photocopie. Vous pouvez imaginer l'efficacité de sa barrière virtuelle. Un nez pété et deux dents. Il a voulu plaider aux assurances une perte d'efficience, mais les experts n'ont pas vu de différence avec son état initial. Il a été trahi par son dossier psychiatrique.

Bref, la Star-Stop fut victime de son succès. Après avoir décimé l'ensemble du tissu de la petite et moyenne entreprise française, elle sombra, d'elle-même, dans l'oubli.

Ensuite, pour m'élever dans les cimes, je me suis réorienté dans le lavage des vitres des tours de la Défense. J'y aurais fait fortune, si je n'avais pas eu le vertige.