Syllogisme de l'Amertume*
Julia Nast
Je me complais dans mon malheur.
Je lis un drame pour justifier mes larmes, j'écoute un opéra pour dramatiser mes gestes et je bois un verre de vin comme si c'était le dernier.
J'imagine une mise à mort théâtrale, m'applique à la mise en scène, poussant le souci du détail jusqu'à l'indemnité d'une certaine beauté, pour être belle et silencieuse, dans cet écrin, mon cercueil, comme un bijou.
Je me plais à me figurer vos visages ruisselants de larmes et puis je rédige quelques lettres d'Adieu assaisonnées d'hypocrisie lyrique pour donner de la grandeur là où il n'y en a pas. L'espoir d'une postérité. La gloire de la mémoire sur la vie.
Et puis, je remets chaque chose à sa place, dissimule les preuves de mon adieu compulsif et je m'endors.
Demain il fera jour, comme tous les jours et j'aurai l'air vivante.
Je me tue parce que vous ne m'avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent lâches, pour resserrer nos rapports. Je laisserai sur vous une tache indélébile.
· Il y a plus de 6 ans ·saurimonde
Impressionnant !
· Il y a plus de 8 ans ·Ana Lisa Sorano
Triste et beau.
· Il y a plus de 10 ans ·Marion B
C'est magnifique. Et profond. Et désespérant. Tellement touchant en fait. Un grand bravo :)
· Il y a plus de 10 ans ·camille-de-vaulx
Merci beaucoup ! :)
· Il y a plus de 10 ans ·Julia Nast
Et pourtant, on le sait bien, au fond, que la gloire qu'offrent les vivants vaut encore moins que leur mépris.
· Il y a plus de 10 ans ·Et pourtant...
Frédéric Clément