Tableau
Natacha Karl
Oui je suis bipolaire, pas charcutière, même pas cyborg, juste bipolaire. Encore que j'aurais pu être charcutière et bipolaire; encore que quand je délire je vis en pleine science-fiction parfois et je me prends pour une cyborg. De toute façon, c'est la maladie qui imprègne toute ma vie et souvent j'ai l'impression de n'être que ça : bipolaire...
Les changements d'humeur, les hauts et les bas sont si fréquents et si douloureux. Alors on essaye de le cacher, à soi, à ceux qu'on aime. On s'occupe du jardin, arrose ces cyclamens, essayant d'être épicurienne pour lutter contre l'angoisse qui caracole dans la tête et mine le terrain.
Soudain la vie s'affole, tout s'enflamme, on fait des plans mirobolants, on vit ses rêves sans se rendre compte que c'est même pas du cinéma, y'a pas de décor, pas d'carton pâte; y'a que du vent, des idées folles; pas un médicament qui tienne, on est déjà ailleurs.
Jusqu'à ce la prophylactique nous rattrape, on vole, puis on se retrouve les pieds sur terre dans une petite chambre blanche avec la porte fermée à clé. On nous a conduit là pour que ça retombe plus vite les états maniaques, notre passage dans l'ailleurs. Ils n'ont rien trouvé de mieux pour l'heure. Peu à peu on revient au réel , les délires, les rêves rangés dans un coin de notre tête dans notre monde intérieur...la honte en bandoulière ou l'envie de retourner planer là où personne ne peut nous atteindre.
Il y a aussi les trous noirs; ceux à lente incubation, quand la vie fait trop mal et que peu à peu on perd toute envie, tout désir, toute parole. On dit plus rien ou le strict minimum qui nous arrache la bouche, un triste sourire scotché sur les lèvres pour cacher la misère de son âme.
Ce tableau n'a rien de prophétique, juste une pincée de ma vérité, juste une pincée de mon quotidien.
elle a changé la foto
· Il y a plus de 8 ans ·Hiwen
Bien observé! Elle est plus en accord avec le texte...
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
C'est bien triste hélas. Ce qu'il y a de commun à tous, on me l'a expliqué souvent, c'est que l'on se sent tous coupables de notre maladie alors que nous sommes simplement des victimes.
· Il y a plus de 8 ans ·elisabetha
Oui Elisabetha, et je me demande bien pourquoi on se sent ainsi coupable alors qu'on est victime... Mais je crois que c'est un phénomène qui se voit dans d'autres contextes, où la victime se sent coupable... Merci de ta lecture.
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
je débarque... comment les mots de la liste sont-ils choisis ?
· Il y a plus de 8 ans ·Gabriel Meunier
Je crois que c'est Campaspe qui a lancé l'idée et Alice Gauguin bis l'a rejoint et propose des listes également.
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
Ton texte est superbe, très bien écrit, avec jolie maîtrise des images.
· Il y a plus de 8 ans ·Maintenant que tu t'es astreinte à utiliser une liste, je serais curieuse de savoir si tu as eu l'impression que cette contrainte supplémentaire était un poids ou au contraire une aide.
Tu utilises les mots de la liste avec maestria
campaspe
Merci Campaspe ! Pour répondre à ta question, je ne saurai dire encore car cette liste n'était pas anodine pour moi puisqu'il y avait bipolaire dedans. Il faudrait que je prenne une liste moins connotée pour moi pour pouvoir vraiment te répondre.
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
OK, mais ne penses-tu pas que finalement dans chaque liste il y a un mot qui "accroche" ?
· Il y a plus de 8 ans ·(Je m’intéresse à cette question car je me demande ce qui fait que nous écrivons et comment choisissons nous ce que nous écrivons : à l'évidence Agatha Christie et Musset avaient des motivations bien différentes)
campaspe
Sans doute un mot peut déclencher tout un processus créatif, accrocher et faire naître un texte. C'est bien possible. C'est vrai que chaque auteur a ses moteurs, ses éléments déclencheurs, ces "trucs" propres. Avoir une contrainte, se la donner, la trouver dans une liste ou dans un réglèment de concours peuvent favoriser la créativité. J'ai tendance pour ma part à donner la plus grande part à mes émotions et j'aime avoir le plus de liberté possible. C'est une préférence personnelle. Mais c'est intéressant de savoir pourquoi on écrit, pourquoi les autres écrivent.
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
Oui, je le savais, tu nous l'avais déjà confié. C'est un texte terriblement réaliste, ta réalité. Tu as su vraiment bien décrire cette maladie qui te touche. Et lutte toujours contre elle !
· Il y a plus de 8 ans ·Louve
Merci Louve! Ta compréhension me touche toi qui a vécu le pire. Amitiés sincères
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl