Tante Paulette

sophiea

 

 

Ma grand-tante est morte. La sœur de ma grand-mère. C'était la dernière de cette génération. C'est comme si mon arbre généalogique se mettait à pencher brusquement. Une page se tourne. Tante Paulette que j'avais appelé tante pipelette, à 5 ans, dans un superbe lapsus… il faut dire qu'elle  était bavarde ma tante Paulette. Ça avait fait rire tout le monde mais pas elle. Il faut dire que la dame avait du caractère, une vraie maîtresse-femme qui avait défié sa bourgeoise famille pour épouser un beau jeune homme rencontré aux autos-tamponneuses. Ils ont monté leur affaire de meubles tous les deux et ont assez bien réussi. Ils ont pris leur retraite dans le midi assez jeunes les Ch'tits. La seule ombre à leur tableau, ne jamais avoir réussi à avoir des enfants. Cette blessure n'a jamais cicatrisé chez elle, je le sais… Elle était très croyante alors je veux penser qu'elle a retrouvé son belho (surnom du bel homme épousé) ainsi que  sa sœur chérie et jalousée car  préférée par leur mère…

 

 

J'ai annoncé la nouvelle à ma fille au retour de sa classe verte. Elle a éclaté en sanglots. Elle ne l'avait vu qu'une fois, l'an passé mais elle avait transféré sur elle son amour pour son arrière-grand-mère. Je l'ai rassuré par un « elle est morte dans son sommeil » (en réalité je n'en savais rien). Et là les yeux brillants de larmes ma fille m'a dit : « il était grand le jardin de tante Paulette ». Me sont remontés alors des souvenirs de vacances dans ce jardin où je n'étais pourtant allée que deux fois enfant. De l'herbe verte, une grande pente et au bas un petit ru qui serpentait… Je me souviens très bien de ce jardin car c'est là-bas j'ai réussi à voler. J'avais cinq ou six ans : j'avais pris mon élan du haut du jardin et en courant vers le ru j'ai décollé. Cette sensation je ne l'oublierai jamais. J'étais allée le raconter à ma tante Paulette qui m'avait répondu d'un : « c'est bien ma fille ». Bon... elle ne m'avait pas cru. Pour elle seuls les anges volaient… Les anges et les fauvettes… Mais moi je sais que ce jour-là je me suis envolée…

 

 

Adieu tante Paulette, profite bien du paradis, je suis sûre qu'il ressemble en tous points à ton jardin…

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