TARDIS

bruitdepapier

Clac. La lourde clé rouillée a fait céder la serrure. La porte de l'écrin grince sur ses gonds. Un rayon de lumière pâle s'échappe par son entrebâillement. Dans mon TARDIS, je suis en sécurité hors du temps, blottie dans une douce tristesse désuète. Hors d'atteinte, telle une princesse dans son donjon, je me cache dans le penthouse oublié d'un hôtel haussmannien. Je suis au ciel, sous un dais en dentelle de fer et de verre. La vie y est toujours couleur de ciel, on y guette les nuages en forme de cœur, on s'y laisse bercer par l'éclat des étoiles et on y assiste au très privé spectacle d'ombres des oiseaux sur les sombres lattes du parquet ciré. On peut danser sur ces planches, y donner un bal auquel on valserait sur les basses rebelles de rockbands obscurs, tournant en rond légèrement, puis violemment jusqu'à perdre l'équilibre, ou bien sautillerait bêtement sur les diamants des symphonies. Il faut pourtant prendre garde à ne pas renverser les mots illustres qui s'empilent, au creux des livres qui grimpent le long des murs blancs comme d'augustes branches de lierre. Ces volumes ont l'Eternité. Je les consulte comme de vieux sages aux barbes rêches emmêlées de poussière. Ils sont l'habit des murs, la toile sur laquelle j'aime à projeter des films surannés, aux images tachées. Dans un coin, il y a un jardin de plantes en pots de faïence, une jungle pour dames, délimitée par un rideau de velours rouge à galon doré. Derrière lui, mon théâtre des saveurs. Là, une myriade d'ustensiles bizarres, des tables et chaises de bistrot, des assiettes de porcelaine fêlées, des verres en cristal, des couverts en argent dépareillés. Ailleurs, perdu dans des voiles blancs, de mousseline ou de tulle, un grand matelas à même le sol perdu sous des draps immaculés et des oreillers en plumes de rêves. Ailleurs, l'asile de Narcisse, où une baignoire à pattes de lion est pudiquement dissimulée par une série de miroirs sur pied tournant le dos à la pièce principale. Clac. La porte se referme sur mon secret et m'enferme comme une poupée dans une boîte à musique.

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