Technologie

Ah, ces jeunes ! Vous qui êtes nés avec un smartphone en hochet dans vos berceaux, il était normal que votre compréhension empirique de la Société structure votre formation psychologique de certains invariants. Vous êtes de la génération informatique, celle qui succéda à notre génération mécanique. Ce passage du compliqué au complexe, je m'explique, moi qui suis un ancien, j'ai vécu une enfance avec des artefacts que l'on démontait, où il était possible visuellement de comprendre les processus de fonctionnement. Je démontais mes locomotives à ressorts et je pouvais ainsi entrevoir qu'un engrenage tournant dans un sens, puisse faire perdre la tête à son voisin qui se mettait à tourner à l'envers. En autopsiant nos jouets nous avions la représentation compliquée d'une machine et avec tous ces ressorts, ces engrenages, ces tirettes, ce fatras étalé sur notre table de dissection, notre compréhension de la technique était analogique. Pour le remontage, c'était une autre histoire. Allez à la benne toute cette ferraille de merde !

Puis avec l'informatique nous sommes passés au complexe. Il faut admettre « bon » le résultat qu'affiche une calculette, sans en comprendre les processus de ces circuits imprimés, le résultat apparait magique et il faut l'admettre pour « vrai » sans autre forme de procès méthodologiques.

Bref cette longue et chiante introduction pour vous parler, bande de jeunots, d'une révolution que j'ai connue. Ce que l'on appelle, familièrement, une rupture épistémologique, dans les milieux populaires et une « Putain ! Ils ne savent plus quoi nous inventer, ces cons-là ! » dans les milieux universitaires de sociologues-chercheurs.  

Reprenons l'exemple du téléphone portable. Vous avez lu, bien évidemment, qu'avant ce minuscule engin qui est greffé à votre main, il y avait eu des mobiles plus gros, les plus informés auront entendu parler du bi-bop, peut-être ? Non ce n'est pas de la zicmu. Enfants que vous êtes ! La vérité vous a été honteusement dissimulée, cachée. Je vais vous la narrer. Oyez-moi, bandes de bébés pré pubères !

Dans ma jeunesse, pour téléphoner à une autre personne, par exemple, on allait dans des cabines qu'on appelait téléphonique, pour des raisons obscures qui m'échappent encore. C'était notre quotidien, notre univers, donc quand des techniciens ont miniaturisé les fonctions des téléphones en les rendant autonomes. Il était normal, qu'ils s'étayent sur des connaissances et des habitudes anciennes. Ils inventèrent LA CABINE TELEPHONIQUE PORTABLE, rien de moins.

Je me souviens très bien de ma première « cabphone » comme on les appelait à l'époque, mes garçons et mes filles, surtout ! Elle était très belle, rouge et bleu, très high-tech d'un poids total de trente-cinq kilos, une merveille de la technologie moderne ancienne.  Je la transportais sur un diable. Pour téléphoner c'était pratique on dépliait la cabine avec l'assistance de deux passants qui passaient par là, puis on s'isolait dedans pour passer un appel dans une discrétion et une confidentialité sans égale. Ensuite, on repliait l'ensemble et on allait enterrer tout ce bazar dans un champ ou le noyer à la rivière avec la dernière portée de tout petits chats, dedans.

Eh, oui, les gamins ! Rome ne s'est pas fait en un jour de main ! Une souris n'est pas venue au Monde toute finie, même si sa mère était une montagne. Evolution, évolution ! Gardez les yeux ouverts, l'esprit clair et les mains propres, n'en déplaise à Sartre.

Allez faite de beaux dessins, les chérubins ! La prochaine fois je vous parlerai du jacuzzi de mamie.