Tempêtes à vendre

Selon l’almanach du Père Ubu, seul officiel, convenable, et reconnu comme tel par les autorités compétentes, c’est-à-dire moi-même, le 16 décembre est le jour de la Saint Renard. Dès lors, on voit mal pourquoi la race malséante des météorologistes s’est donnée latitude de baptiser la dernière tempête en date du nom de Joachim.

Vous me direz que c’est toujours mieux que Xinthia. Comment prendre au sérieux une tempête affublée d’un patronyme aussi grotesque ? Les assureurs, qui sont justement des gens sérieux, ne pouvaient que rechigner à rembourser les impactés (c’est nouveau. En politiquement correct, on ne dit plus « sinistrés », on dit « impactés ». C’est pas ma faute.  Renseignez-vous), les impactés, donc, d’un pet atmosphérique au nom si peu flatteur. D’ailleurs, ils ont pas mal rechigné.

Or, ce que ma naïveté me cachait facétieusement (mais en province, on est toujours en retard d’une information. Ainsi, j’ai connu un type qui s’était engagé dans la Résistance en 1946. Et encore, il croyait faire la guerre de 14), c’est que les tempêtes ne se baptisent pas au gré des caprices de quelques spécialistes névrosés.  Les tempêtes se vendent. Me regardez pas comme ça, moi non plus, je ne l’ai pas cru du premier coup. Qu’il y ait des gens assez cons pour acheter du vent, ça pue le canular. Eh bien non : c’est la stricte vérité, que les khouilles me pourrissent si je mens. Elles se vendent, pour la somme il est vrai relativement modique de 99 €. Une goutte de pognon, si l’on considère les dégâts qu’elles sont capables de provoquer pour peu qu’elles soient de mauvais poil. En échange de vos deniers, on vous remet un sachet de graines de vent, que vous semez en attendant la récolte.

Non, c’est pas ça.

On vous inscrit sur une liste d’attente. Les mâles d’un côté, les femelles de l’autre, car pour respecter la parité, il est entendu que les tempêtes des années paires seront distribuées aux femmes, et les autres aux hommes. Je ne sais pas pourquoi, je voyais plutôt les paires aux hommes, mais enfin non, c’est l’inverse.  C’est comme ça que Xinthia a eu sa tempête en 2010. Alors qu’en général, quand on s’appelle comme ça, on se planque quelque part, ou on change de nom, mais on ne cherche surtout pas à faire parler de soi, même par ce moyen un peu retors.

Enfin bon, admettons que vous ayez déboursé votre dû, que votre numéro soit sorti gagnant grâce à une série de catastrophes naturelles dont la nature a le secret, vous voici en possession d’une tempête à votre nom, mettons Xinthia pour simplifier (Xinthia… Je pouffe… ), avec certificat sur parchemin estampillé. Ma question est : et qu’est-ce que vous allez en foutre ? La ranger chez vous, dans un tiroir à tempêtes, que vous ouvrez quand vous voulez faire courant d’air ? Parce que pour chasser l’odeur des mégots, y’a plus simple, hein.

En tout cas, voilà qui devrait rassurer. A une époque où les bourses sont en pleine débandade, ou l’euro joue au yoyo, et ou le triple A nous joue la fille de l’air, c’est bon de savoir que la connerie reste un placement de père de famille, garanti inaltérable.