Toujours des histoires...

Je me levais et me dirigeais vers l'évier d'un pas décidé. Je me lavais les mains une nouvelle fois, réfléchir encore… mais il fallait que je la tue, ça me paraissait évident.

Irène était une trop bonne amie de ma mère, et elle en savait trop sur moi.

Y'a pas cinq minutes encore, j'avais une vie cool. Je m'étais levé à 11h00 comme d'habitude, maman était partie faire le marché, et j'étais tranquille pour boire mon café et ensuite m'occuper des chiens. Je lavais justement leurs gamelles avec un fond de produit vaisselle et quelques gouttes de cyanure que j'allais évidement mal rincer quand Irène est entrée une baguette de pain à la main. Je ne l'attendais pas si tôt.

Irène, elle donne un coup de main à ma mère, dans la vie elle aide à domicile. Elle est châtain, yeux bleus, normale. Comme toujours en T-shirt, sans soutif en dessous, et des seins dressés vers le ciel en forme de remerciement au pouvoir induit par cette courbe renvoyant justement à l'origine d'un seul trait.

Et cette ordure, le ciel, semblait prêt à s'affaler sur la baraque à tout moment. Ça se voyait dans les reflets aux couleurs pas nettes qu'il revêtait sur la feuille aluminium du rebord de la fenêtre.

De toute façon, même quand il n'intervenait pas, il était toujours là à m'espionner.

Moi, rien à foutre, de lui comme d'elle. Je dois bien reconnaître qu'elle est mignonne, bien foutue, mais elle ne m'excite pas. Peut-être la première fois que je l'ai vue, et encore… mais c'est comme ça, c'est dans la tête, on n'y peut rien…

Elle a fermé la porte.

Ses yeux n'ont fait qu'un tour avant d'apercevoir les bouteilles, surtout la tête de mort sur le poison.

Irène, je l'aime bien, mais bon...

Elle a posé la baguette sur la table, m'a regardé droit dans les yeux et formulé (plutôt qu'esquissé) un rictus crispé s'approchant plus du hiéroglyphe que de la grimace. Quoi qu'il en soit, rien de bon à l'horizon. Pas besoin de savoir lire sur les lèvres pour décrypter sur celles de son silence « espèce de monstre ».

J'ai eu un haussement d'épaules auréolé d'un sourire désolé, de ceux qu'arborent les âmes sacrifiées, prises la main dans le sac à faire quelque chose de mal, mais qu'il faut bien que quelqu'un fasse enfin, bordel (même elle ne les supporte pas ces clebs !).

Elle a eu ce mouvement rotatif de la tête, qui, dans son pauvre langage veut dire : mon pauvre !

J'ai eu mon éternel sourire faux-cul. Elle a posé sa baguette et est parti sans un mot, mauvais signe.

J'ai finalement bien rincé la gamelle des chiens et rangé le poison, avant de m'asseoir à la table de la cuisine pour réfléchir. J'avais un problème plus urgent sur les bras. Irène, la grande amie de ma mère, le seul témoin pour la SPA. Sans compter que si elle parlait à la mère, si elle avait juste le temps de lui asséner le doute, c'en était fini de ma petite vie tranquille.

Je me levais et me dirigeais vers l'évier d'un pas décidé. Je me lavais les mains une nouvelle fois, réfléchir encore… mais il fallait que je la tue, ça me paraissait évident.

J'ouvrais le placard sous l'évier, pris l'essuie-main et m'essuyais méticuleusement. Ensuite je fis un noeud au torchon comme dans les films et me dirigeais vers la salle de bain.

Irène, la meilleure amie de ma mère, ma femme.

Le torchon bien serré, son cou, « crac ! »

Juste après, par la fenêtre de la chambre. Le vieux coup du suicide.

Moi ?

Je faisais la vaisselle dans la cuisine.

Les voisins arrivent, m'annoncent le drame. Je me précipite à la fenêtre, ils m'empêchent de voir. Ils ont prévenu les secours, il n'y a plus rien à faire. Je cris, je pleure, ils m'entourent.

La police arrive, je hurle, je m'effondre, je veux mourir.
J'assure quoi !

Peut-être un rien trop larmoyant, mais sur ce point seuls les puristes peuvent trancher.

Reste les chiens maintenant, reste les chiens…

(à suivre...)