Toute honte bue

jones

TOUTE HONTE BUE

Parce que je savais ce que je voulais, je voulais, dans la nuit m’envoler, décoller, être mis à feu. Le feu par en dessous, l’azote liquide coulant, fumant le long de mon corps. Dans la nuit, en son cœur, sous le ciel, les étoiles et moi au milieu, attraper celle-ci ou celle-la, être au milieu de tout. Etre propulsé au-delà du milieu, de tout ça. Voyager, être vaisseau, être lumière, être les années lumières et plus, des poussières encore. Être un parmi les millions de clartés, balancé par-dessus bord en pleine mer, en pleine nuit, par-delà la lune, astéroïde dérivant. Me satelliser ici, rester sans fin, sans but, sans moteur. Dormir dans le cosmos.

Je voulais brûler, me consumer, papier d’Arménie, bougie, braise sous la cendre. Love is in the air and air is everywhere. Je voulais attendre, me tapir. Je voulais patient, rapetisser puis grandir à nouveau. Recroquevillé comme un ressort, que ça arrive, que ça vienne à moi en silence, que ça m’enroule sans me surprendre. Je voulais le bouillonnement des voix et des visages, les éclats multiples, les savoirs, à-valoir échangés dans la pénombre, aussi incertains que souverains. Jusqu’à ce que la nuit s’évapore, se retire. Mes chevilles, mes mollets et finalement tout mon corps tendu, je voulais tout connaître et m’en repaître. Je voulais un voyage sans retour. Heureux qui comme Ulysse ne revit jamais Pénélope.

Entre les murs, entre nous, entre toi et moi, sur les tabourets, sur les terrasses, dans les jardins, dans les verres, sous les tables, sous les néons, sous les plages, je chercherai la musique, les trois accords pour refaire ici le monde ordonné par les dieux. 

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