Toutes voiles dehors

J’ai essayé, vraiment, de tout mon cœur. Plusieurs situations s’offraient à moi.

En premier lieu, bien sûr, le désir d’obéir à Dieu, de Lui faire acte de soumission. Il est bien mentionné dans les textes que la femme doit voiler ses charmes, mais nullement de se transformer en blockhaus. A l’époque de Mahomet, les femmes portaient le foulard mais allaient la gorge découverte, on pouvait leur voir les seins. Placé dans ce contexte, il est évident que Mahomet, porte-parole de Dieu, ne pouvait pas dire explicitement « mesdames, à partir de ce jour vous porterez un chemisier boutonné ». Mais de nos jours, ne peut-on obéir à Dieu en adoptant une tenue correcte et digne sans s’isoler de tout, de se voiler dans le sens métaphorique? De plus, faire acte de soumission au Tout Puissant à l’extérieur mais à la maison, hop, c’est fini… Non, vraiment, je n’y arrive pas.

Passons à la deuxième situation. La soumission à l’homme. Allez, j’essaye. Je me dis que je l’aime, ou que je le respecte à défaut d’amour. J’ai été élevée ainsi. La dignité passe par le vêtement-prison. Mouais, j’ai du mal. J’ai du mal à voir en tout homme un prédateur en puissance, un fou ne pouvant pas réprimer ses pulsions, un butor qui n’attend que le moment propice pour me faire mon affaire, la langue pendante à la Tex Avery. Quant à ce qui se passe dans sa tête, c’est son problème tant qu’il ne me le fait pas partager si je ne suis pas d’accord. Là aussi, on peut respecter son mari en adoptant une attitude correcte vis-à-vis des autres hommes. Et puis entre nous, mettre en prison la « victime », soi-disant pour la protéger de la concupiscence masculine, c’est un peu fort de café.

La troisième situation est assez tordue mais elle existe. Je pense notamment à ces jeunes filles de banlieues qui pour ne pas paraître séduisantes s’habillaient en jogging, comme les garçons. Comme les garçons, elles adoptaient un comportement agressif et comme eux parlaient haut et fort le langage des barbares. C’était un peu le prix à payer pour ne pas être prises pour des séductrices, c’était leur honnêteté à elles, leur armure, leur défense. Ce temps est révolu et au jogging a succédé la tenue voile de pied en cap. Pourquoi pas… Je comprends mieux. Mais Dieu n’y est pour rien. Me mettre dans la peau d’une de ces jeunes femmes eût été trop réducteur.

Chaque femme a sa raison, ou celle de l’homme, de porter le voile. Je ne me sens pas concernée.

Je voulais écrire un petit quelque-chose sur une femme voilée, sans critiquer, sans faire la morale, sans l’abaisser ni la louer. Car je les aime bien, mes voisines, qui sillonnent les rues toutes voiles dehors. D'où le titre.

Tant pis pour vous, vous n’aurez rien à lire ce soir.