Trois frères
carouille
Ces premières journées d'août. La chaleur. Suffocante. La stupeur. Qui assomme. L'angoisse. Tripes nouées. Partout, confusion, précipitation. Dans un brouillard irréel, faire ce qu'il faut, à tâtons. Echos lancinants du tocsin. Infinis. Avancer, mais se laisser porter. Par la foule. Le bruit. Les cris. Les hommes, le ventre noué. Certains fiers, rugissants, prêts à en découdre. D'autres recueillis, graves, accomplissant leur devoir. Ou silencieux, tremblants, près de s'effondrer. Les femmes en larmes, le chapeau de travers, leurs mains qui s'agrippent, leurs yeux qui gravent chaque trait dans leur mémoire. Mon Dieu ce quai de gare empli de pleurs, de cris, de colère, d'espoir, de désespoir. Autant d'êtres et d'émotions réunis dans un si petit espace. Union sacrée. Mais qu'y a-t-il de sacré dans la guerre ?
Paulin n'arrive pas à réaliser. Même assis, compressé dans ce train qui l'emmène loin de Paris, il ne réalise pas. Il a 34 ans, une femme qu'il vient de laisser sur le quai, deux petits qu'il veut voir grandir. Et il est en route pour la guerre.
Bientôt il arrive à Châlons. La ville est sans dessus dessous. Les troupes affluent inlassablement à chaque nouveau convoi. Les hommes débordent des trottoirs, des casernes, des maisons. D'abord débarqués en civil, ils s'uniformisent progressivement. Mer gris de fer et rouge garance qui envahit les rues. Minéral et sanglant, mauvais présage. Paulin se laisse balloter. Pris dans la nasse. Numéroté. 3e Armée. 6e Corps d'Armée. 12e Division. 24e Brigade. 106e Régiment. 9e Compagnie. Des chiffres pour organiser l'anarchie. Masquer le manque d'équipement qu'il faut barboter au petit bonheur. Effacer les paillasses sans literie. Oublier les hommes occupés aux corvées de nettoyage et marches militaires en longues journées monotones. Pendant que l'ennemi, préparé, discipliné, redoutable d'efficacité, a commencé sa marche de mort. Bombardements de villes. Avancée des troupes armées jusqu'aux dents. Il s'enfonce dans l'Est de la France gueule grande ouverte. Paulin marche et contre-marche. Accablé par la chaleur. Ecrasé sous son paquetage. 30 kg. Lesté de bric-à-brac qui le clouent au sol mais doivent lui permettre de survivre.
Le 17 août, sa femme parvient à venir le voir. Cette inquiétude, dans ses yeux. Paulin lisse ses moustaches, étire son sourire. Ajouter l'angoisse de ces beaux yeux bruns au poids de son paquetage sera au-dessus de ses forces. Alors il cajole, rassure, console. 34 ans, penses-tu ! Il est envoyé plus loin pour faire place aux jeunes soldats. A son âge, il est affecté à un poste de non-combattant. Qu'elle parte tranquille. Et quand elle part, il détourne le regard pour ne pas voir les petites boucles brunes qui frisent sur la nuque, les épaules raidies de courage douloureux, le poids de chaque pas qui s'éloigne.
Ses yeux se posent sur les vignes. Et un moment il lui semble qu'il respire mieux. L'air de l'enfance est toujours plus léger, et ici, Paulin est dans son pays. Ou tout près. Moins de 50 km le séparent de Boursault. Au-delà des vallées et des plaines, sautant de cep en cep et de grappe en grappe, lui parvient le souffle de ses parents. Comment vont-ils, à cette heure où les parents d'hommes se fendent le cœur de devoir ? Paulin ferme les yeux.
*
François Joseph est plutôt grand. Mais le teint brûlé de soleil. Le dos resté courbé de se pencher jour après jour sur la terre. Il a l'œil brun qui frise un peu. A 23 ans, il a épousé Zélie qui en avait 18 à peine. Sans vraiment demander l'accord des parents, puisqu'elle portait déjà dans son ventre le petit Paulin. Leur premier baiser, où était-il ? Sous le pont des Roches qui mène à Valenciennes ? Abrités sous l'arche de pierres mousseuses ? Au milieu des vignes qui entourent le château de la Veuve Cliquot ? Celui aux 365 ouvertures pour rappeler les 365 cheminées de Chambord ? Mais c'est où d'abord, Chambord ? François ne sait pas, il s'en fiche. Il admire les belles voitures qui arrivent au château, puis le profil de Zélie dont les yeux s'arrondissent d'émerveillement. Ou peut-être que c'était au cœur de la nuit, dans une de ces fêtes de village qui font s'élever les chants jusqu'à Dieu le jour, et pencher les corps vers le Diable à la nuit tombée ? Le père de Zélie hausse les épaules, fataliste. Lui-même n'a épousé la mère de Zélie que 10 ans après la naissance de Paul l'idiot. Et puis, elle aurait pu avoir moins de chance. C'est un Colinet. Alors certes, les Colinet sont des gaillards. Mais ils épousent, ils ne se défilent pas. Le frère qui signe le registre du mariage s'est marié avec la petite Augustine alors qu'elle n'avait que quinze ans, et elle l'a suivi durant 7 longues années dans les armées de Napoléon avant de pouvoir revenir au pays. Et l'autre, Charles, il n'a épousé la Barillier qu'à leur deuxième enfant.
Et puis François Joseph est dur à la tâche. Journalier, d'accord. Mais travailleur, solide, et pas buveur. Il est scieur de long, ses épaules se gonflent et tendent sa chemise. Il rapporte de son travail en forêt des lapins pris au piège, des noix et des noisettes qui viennent améliorer l'ordinaire du petit jardin et des quelques poules. Et Zélie est une femme courageuse aussi. Et résistante. Elle met Paulin au monde sans problème. Quand François va présenter le petit devant l'officier d'état civil pour déclarer et signer l'acte de naissance, il est fier comme ces grands aristocrates du château, avec son fils premier né dans les bras. Et le 5 décembre 1881, un an jour pour jour après la naissance de Paulin, il est de retour. Avec Raphaël dans les bras.
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Paulin papillonne des yeux et s'arrache à ses souvenirs. Raphaël, son presque jumeau, engagé sous les drapeaux lui aussi. Où est-il ? Comment va-t-il ? Il n'a aucun moyen de savoir. Il mouille la pointe de son crayon, sort son petit agenda qui lui sert de carnet, et écrit ce qu'il vit, ce qu'il voit, ce qu'il entend. Pour museler ses pensées et les tenir serrées au présent.
Il couche les histoires que racontent les habitants aux yeux hallucinés. Les soldats français blessés brûlés vifs par les allemands. Les épis de blé, ce blé semé et cultivé avec amour dans les grands champs et prêt à être récolté servant à allumer leur bûcher. Funèbre farine. Paulin est consterné. Il se désespère de voir le monde revenu dix siècles en arrière. Il a entendu les récits de ses parents et grands-parents sur l'occupation prussienne de 1870. Il prie pour qu'Elisa et les petits l'aient écouté et soient repartis se mettre à l'abri à Paris. Boursault est à portée de fusil de ces barbares. C'est pour ça qu'il est venu se battre. Pour les empêcher d'arriver jusqu'à sa famille.
Alors l'approvisionnement aléatoire, le cantonnement des soldats détrempés de pluie dans des granges, c'est l'apprentissage de la guerre. Paulin croise les premiers soldats revenant du combat. Ils sont démoralisés, comme hantés. Racontent à mots hachés les shrapnels et les obus qui tombent sans discontinuer. Et leur impuissance quand l'ennemi est à 8 ou 10 km, qu'ils ne peuvent rien faire pour riposter, se défendre, montrer leur courage. Comment affronter un ennemi s'ils ne le voient même pas ? Certaines blessures sont atroces. L'artillerie lourde allemande pèse sur le moral de ces hommes qui découvrent que la guerre est chair et sang.
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Paulin a trois ans et Raphaël deux quand naît la petite Aline. François et Zélie ont quitté la maison des parents de Zélie pour une maison plus grande qu'ils partagent avec un couvreur et sa famille, rue des Demoiselles. François est maintenant vigneron. Il reprend le métier qui coule dans ses veines depuis plusieurs générations. Il connait par cœur le délicat assemblage de Chardonnay, de Pinot noir et de Pinot meunier nécessaire à l'élaboration du précieux champagne. Les enfants grandissent bien, et beaux, et solides. Quand ils vont rendre visite à leurs grands-parents, ils jouent dans la rue avec la petite Angèle, et la petite Elisa. Bientôt c'est Jeanne qui pointe le bout de son nez. Et encore Léon en 1891. Paulin à 11 ans, Raphaël 10, Aline 9 et Jeanne 2.
Mais la foudre s'abat sur la famille bénie. Le petit Léon s'éteint, à 2 mois. Assommé, il faut de longues heures à François pour se rendre devant l'officier d'état civil. Ses oreilles résonnent encore des sanglots de Zélie. Des larmes des enfants accrochés à ses jupes quand il a emporté le petit corps pour le confier au prêtre. Son frère Charles le soutient, lui qui a déjà enterré deux filles.
La maison se referme sur le premier drame de la famille. Autour des quatre enfants qui continuent à grandir. Ils vivent, et c'est déjà beau en cette fin de 19e siècle. Le temps passe. La vie reprend ses droits. Et le ventre inépuisable de Zélie reste fécond. Henri naît deux ans plus tard. Et Dieu ne leur reprend pas.
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Paulin frissonne. Où est le petit Henri ? Dans quelle grange, dans quel sous-bois humide ? A-t-il faim ? Peur ? Met-il bien du talc dans ses chaussettes et sur ses pieds pour éviter les échauffements et les blessures ? Son petit frère n'a que 21 ans. Paulin replonge dans son carnet.
Les jours s'enchainent, encore désorganisés. Les mouvements de troupes incessants ne sont pas suivis par l'intendance, le ravitaillement manque souvent à l'appel. Les hommes ont du mal à se laver, les épidémies apparaissent, les poux sont partout. Et comble du comble, l'artillerie française à cours de munitions laisse le champ libre aux allemands. Le mois d'août écrase l'attente et les nouvelles de déroute sous une chaleur étouffante.
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22 août 1914. Le combat de Jappecourt est terrifiant. Des chiffres insensés à donner le vertige, la journée la plus meurtrière de toute la guerre. 27 000 morts. 27 000 fils, frères, pères. Parmi eux, le corps d'un jeune vigneron habillé gris de fer et rouge garance. Un début d'homme à peine esquissé. Henri est mort ce jour-là.
Paulin ne le sait pas. Raphaël ne le sait pas.
Mais François et Zélie apprennent eux aussi la guerre. Et sa rançon. Leur petit dernier, qui avait échappé à tant de fléaux, d'épidémies, d'infections, de maladies, d'accidents, emporté dans un souffle. Par une balle ? Un obus ? Qu'importe. Mort pour la France. Ils prennent le deuil. Se referment dessus, partagés entre le choc, la douleur, la colère. Mais ils n'osent se révolter. Ils ont encore deux enfants exposés sans défense à la menace. Deux êtres à protéger de la vindicte du ciel.
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Les soldats commencent à creuser des tranchées aux alentours de la Meuse. Lorsque des avions allemands les survolent et les repèrent, ils s'enfuient pour échapper à l'artillerie qui les vise dans la foulée. Les canons font un bruit formidable. Le danger est bruit. Mais Paulin ne voit rien. La mort guette sans cesse, mais il ne peut jamais savoir de quel côté elle arrive. Il sait seulement qu'elle aura les traits d'un allemand. Les bombes sifflent tout autour de lui, couché dans la terre, dans une chaleur suffocante. Chaque survol d'aéroplane annonce une nouvelle pluie de projectiles. Quand les obus se rapprochent, le sifflement devient plus clair.
Paulin écrit fébrilement dans son carnet. Il en a assez vu maintenant pour savoir que la guerre sera longue, et meurtrière. Il voit l'ennemi de loin pour l'instant, mais il le sait mieux organisé, mieux outillé et plus discipliné. Il sait que face à cette terrible efficacité, l'armée française n'a que son enthousiasme et sa rage d'avoir été attaquée si brutalement pour faire face. Il pressent les désillusions à venir. Il n'est pas le seul. Des hommes terrorisés essayent de fuir en se faisant passer pour des blessés. Ils sont aussitôt fusillés. Paulin prie pour que son courage reste ferme.
Le spectacle des paysans jetant les corps des soldats dans des fosses lui étreint le cœur. Ces mêmes paysans qui ne lâchent pas un morceau de pain aux soldats éreintés. Il assiste aux incendies des obus à pétrole allemands qui effacent des villages entiers dans un cataclysme de lueurs rouges. Et il marche, marche et contre- marche, dans les chemins de terre défoncés, dans les sous-bois broussailleux, s'aplatit dans des champs de luzerne pour échapper aux bombardements. Lesté de son matériel, écrasé de chaleur. Le ventre souvent vide mais empli de peur. Ils ne savent rien. Ils marchent à l'aveuglette. Quand un bataillon revient du front avec à sa tête le peloton garde du drapeau, le cœur retrouve un peu de souffle devant l'espoir tricolore.
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François et Zélie déménagent pour s'installer dans leur première maison à eux. Rue des Bonnes Gens. Leur foyer, leur âtre, sans plus avoir à le partager. Près de 13 ans après leur mariage. C'est que François est un travailleur, dur à la tâche et courageux. Parfaitement secondé par son épouse. De journalier, il est devenu propriétaire exploitant vigneron. Rue des Bonnes Gens, le nom de sa nouvelle rue lui plaît. Elle en dit long sur le chemin qu'il a parcouru.
En 1896, Paulin quitte la maison. Il a 16 ans, il est temps qu'il commence à travailler. Mais il ne veut pas travailler dans la vigne. Alors il s'en va. Au tournant du siècle, Zélie donne naissance à un septième et dernier enfant, Raymond Albert. Mais ils ne verront pas grandir le petit Raymond. Il s'éteint à 10 mois, à 11 heures du soir. François va déclarer son décès le lendemain à 9 heures. Après toute une nuit à le veiller.
Zélie a 38 ans, son époux 43. Raphaël est devenu un grand gaillard de 19 ans, qui travaille comme journalier. Aline a 18 ans, et travaille comme couturière. La petite Jeanne n'a que 12 ans, et Henri 7 ans. Ils sont encore des enfants. Et Paulin…Paulin est parti à Paris, aspiré par l'attrait de la grande ville. Il est monté dans un train pour réaliser son rêve. Travailler avec sa tête plutôt qu'avec son corps, porter un beau costume et arpenter les larges avenues.
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Paulin se recroqueville dans ses tranchées, et écrit de ses doigts gourds dans son petit agenda ce qu'il voit, ce qu'il vit, ce qu'il entend, inlassablement. Quand il tourne les pages des premiers mois de l'année, il lit les rendez-vous pris avec les clients, les commandes de pièces automobiles. Il revoit son costume si élégant pour les promenades dominicales dans les bois, Elisa à son côté avec son grand chapeau à plumes, Lucienne toute petite dans ses bras et Paul courant devant eux malgré leurs appels à se tenir tranquille.
Certaines journées sont calmes. L'épuisement gagne les troupes de part et d'autre. Elles s'occupent en aménageant leurs tranchées. Paulin plie l'échine, mais l'arrogance des officiers qui s'accordent tous les droits au détriment de leurs hommes le fait gronder de colère. Il perd toute confiance dans les nouvelles qui circulent. A peine un mois de guerre, et il est déjà complètement imperméable à la propagande optimiste de l'état-major. Il ne croit qu'à ce qu'il voit.
Et ce qu'il voit, ce sont les populations indigentes qui suivent les mouvements de troupes. Que les nuits passées à l'abri dans une grange avec de la paille pour dormir sont devenues un coup de chance merveilleux. Que les jours de toilette et de vrais repas sont suffisamment rares pour mériter d'être consignés dans son carnet. Et encore, parce que chaque soldat rajoute sa cotisation personnelle aux vivres de réserve. Le 5 septembre, le menu lui donne de quoi rêver pour de longs jours : « Potage – jambon fumé – légumes – confiture – miel – café – fromage – œufs ».
Mais les dimanches sont douloureux. Sa famille le hante, il n'a pas de nouvelles. Il ne peut qu'espérer qu'ils soient restés à Paris, parce qu'il entend partout que les troupes allemandes ont envahi toute la région de Boursault. Et ses frères ? Comment vont-ils ? Sont-ils blessés ? Le petit Henri, a-t-il peur ? Souffre-t-il ? Est-il blessé ?
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Même parisien, Paulin revient régulièrement à Boursault. Embrasser ses parents. Et assister au mariage de Raphaël, son presque jumeau à un an près, avec la petite Angèle Fourny qui jouait avec eux rue des Canets. Là, il revoit la jolie Elisa. Elle a maintenant 20 ans, et c'est devenue une belle jeune femme. Ses épaules bien droites montrent sa force de caractère. Elle est couturière, comme Aline, la petite sœur. Paulin lui trouve de bien jolis yeux. Et de beaux cheveux bruns, même s'ils sont toujours soigneusement attachés en un lourd chignon remonté sur le haut de sa tête. Paulin fait la cour, auréolé de sa gloire parisienne, de son travail d'employé de commerce rue de l'Aqueduc, dans le 10e arrondissement. Et c'est vrai que son costume est très élégant, et sa moustache parfaitement lissée.
Elisa ne résiste pas longtemps. Ils se marient à Boursault le 16 mars 1907. Ils restent un peu sur place parce que 10 jours plus tard, c'est Aline qui se marie. Et ses parents ont bien besoin du soutien de leurs fils pour ce mariage, car Aline épouse son cousin direct, Alexis. Le fils de la petite Augustine qui s'était mariée à 15 ans et avait marché sur les traces de Napoléon. Alexis est devenu chauffeur depuis la mort de son père il y a 6 ans. Et il emmène leur jolie Aline à Epernay. Paulin et Elisa partent s'installer à Paris tous les deux, dans un petit appartement du 11e arrondissement.
François et Zélie regardent les villes leur prendre leurs enfants et les emmener loin d'eux. Mais Raphaël reste là. Lui aime la terre et la vigne. Jeanne n'a que 18 ans, elle vit encore avec eux. Et le petit Henri grandit tranquillement. Il n'a que 16 ans quand il devient oncle pour la première fois. Raphaël devient le père de la petite Léa le 12 septembre 1907.
Loin là-bas, à Paris, Paulin est devenu père à son tour, à 29 ans. Elisa a donné naissance à Paul le 15 mai 1909. François et Zélie sont encore parents, et déjà grands-parents, âgés de 52 et 47 ans. Chassé-croisé de générations. Quelques mois plus tard, Raphaël est à nouveau père, un petit garçon cette fois, Claude.
*
Paulin se plaque au sol dans des champs de betteraves. Terré sous le feu des mitrailleuses de shrapnels. Des balles le frôlent. Ils voient ses camarades tomber blessés ou morts. Puis il reprend le creusement des tranchées. Les mains tétanisées autour du manche de ses outils portatifs ou de la baïonnette, sous la menace constante des tirs d'artillerie. Au loin il peut voir des flammes. Les allemands ont brulé Rambercourt. L'église où il priait encore pour les siens la semaine dernière a sûrement disparu.
Mais les nouvelles s'améliorent. Tout le monde dit que les allemands commencent à reculer en laissant de nombreux morts et blessés sur le terrain. L'espoir renaît après ces longues semaines passées à tourner en rond en accumulant les défaites et les retraites. Quand il apprend le décès d'un ami, le cœur de Paulin se serre. Sa douce Elisa, son petit Polo, sa petite Lulu adorée, pourra-t-il les revoir ?
Il se bat et échappe à plusieurs affrontements. Les balles sifflent de tous côtés. Le terrain est tellement accidenté qu'il est impossible de courir. Et ce pantalon rouge garance qui les transforme tous en cibles.
La pluie détrempe tout. Chaussures et vêtements sèchent à la chaleur du corps. Il couche dans des petits bois sur de l'avoine humide, ou à même la terre, enroulé dans sa capote qui ruisselle. Chaque marche, même sous la canonnade, est l'espoir de trouver un peu de potage ou un café chaud. Quand l'ennemi recule un peu, on leur accorde le privilège de dormir dans une grange, à l'abri de la pluie. Il creuse des tranchées dans la boue. Marche en rond. Recommence à creuser.
Les routes sont jalonnées de cadavres français et allemands mélangés dans les fossés. Il règne une odeur épouvantable de décomposition. Ça et là, des fermes brûlent. Les nuits dans les bois sous la pluie s'enchaînent. Puis les marches reprennent. Paulin souffre de la cheville et du genou droits. Il croise des amis et ils arrivent à dénicher un demi-litre d'eau de vie, de quoi les réchauffer un peu. Les chemins restent épouvantables. Les chaussures remplies d'eau blessent les pieds. Des épidémies se répandent. Au réveil, les pieds sont lourds comme des lingots de plomb. Les vêtements sont mouillés. Mais la peur remet la machine en route, même le ventre vide. Les marches dans la boue se poursuivent, il avale des dizaines de kilomètres avec sa jambe blessée. Cantonnement à Mouilly.
*
Depuis Paris qui se déchaîne autour de l'affaire Dreyfus, Paulin s'inquiète pour les siens. Depuis plusieurs années, les récoltes sont mauvaises. Les vignes de tout le pays sont attaquées par le phylloxéra qui a fini par atteindre la Champagne. Et les orages de grêle se suivent, détruisant ce qui reste. Les négociants en vin des maisons de champagne refusent d'augmenter le prix d'achat alors que le vin se fait rare dans la prestigieuse zone réservée de l'appellation Champagne, délimitée par la loi du 17 décembre 1908. Pour faire des économies, ils vont acheter du vin dans l'Aube, en dehors de la zone légale. La révolte qui sourd depuis de longs mois finit par éclater en octobre 1910. Une manifestation rassemble plus de 10 000 vignerons en colère à Epernay, à moins de 10 km de Boursault. Des expéditions punitives sont organisées contre les caves et les celliers des fraudeurs. La ville est à feu à et à sang, au point que le gouvernement envoie le Régiment des Dragons cantonné sur place et quatre régiments de renforts pour assagir les révoltés. En mars 1911, le gouvernement renouvelle la délimitation du vignoble de Champagne, provoquant par contre-coup la colère de l'Aube. Le Sénat s'en mêle, niant la délimitation qui crée la division entre les Français. C'est la « Saint Barthélémy des Vins ». A Epernay, Ay, Damery, les Maisons de Champagne sont pillées et brûlées. Le gouvernement envoie l'armée. Le calme revient à contre-cœur. Et le combat devient judiciaire. Il ne trouvera son dénouement qu'en 1927.
Raphaël a encore une petite fille, Noëlla, le 25 décembre 1911. Ces enfants-là, François et Zélie peuvent les voir chaque jour, pas comme le petit Paul loin dans la capitale qu'ils ne voient que de temps en temps, quand Paulin et Elisa descendent à Boursault. Et ça ne s'arrange pas avec la naissance de la petite Lucienne le 5 septembre 1912. Mais François et Zélie sont fiers. Paulin est toujours employé de commerce dans une entreprise de pièces automobiles. Et Elisa est devenue propriétaire d'une mercerie, rue des Petits Carreaux. Ils déménagent pour s'installer au 2 rue de Neuilly, à Courbevoie. Elle s'occupe du magasin, et des enfants.
Et enfants et petits enfants grandissent.
Jusqu'au 1er août 1914.
*
Paulin continue de souffrir dans la boue et le froid. Les soldats n'ont toujours par reçu leur tenue d'hiver, et grelottent dans leur uniforme d'août. Ils sont la proie d'officiers imprudents qui les lancent en terrain inconnu, trop vite et trop loin, les offrant en pâture aux tirs ennemis qui déciment les rangs. Les obus pleuvent, mais l'habitude est venue. La faim, le froid, la pluie, la boue, la peur. La résignation. Un repas chaud est un trésor rare car la lumière des feux attire les obus. Une nuit à l'abri de la pluie vaut de l'or même si elle ne permet pas de sécher les habits. Au moins est-il possible d'écrire une carte à envoyer à la maison. Le bruit des canons qui tonnent devient musique qui accompagne le sommeil.
Les bulletins officiels sont tissus de mensonge et de propagande. Dès la fin d'octobre 1914, les journaux des tranchées viendront les contredire et raconter la guerre des Poilus.
Paulin guette des lettres de chez lui. Espoir toujours déçu. Les allemands ont envahi la zone de Boursault. Il ne sait même pas où sont ses petits et sa femme. A Paris, loin du front ? A Boursault, sous des pluies d'obus ? Il parvient à envoyer un télégramme à chaque adresse. Supplie d'avoir des nouvelles. A quoi bon survivre à cet enfer s'ils ne sont plus ?
Reims et sa cathédrale sont bombardés et incendiés. Paulin se révolte des soldats devenus pillards qui réquisitionnent farine et pommes de terre dans les fermes. Il souffre de diarrhée. Son ventre se tord, la fièvre le gagne. La fraîcheur du petit matin donne la piquette aux doigts. Les nuits dans les tranchées au-dessus de Mouilly s'enchaînent, bombardées, fusillées. Les patrouilles suivent le chemin tracé par les morts abandonnés. Des éclats d'obus emportent des bras, des jambes, des morceaux de visages aux yeux hurlant silencieusement, des ventres, blessures portées au pas de gymnastique jusqu'aux brancardiers sous le sifflement des balles.
Paulin s'épuise. Diarrhée et rhume ne le quittent pas. Il est affamé. Grelottant. Une nuit passée devant un feu est un moment de bonheur, cuit d'un côté, gelé de l'autre. Il ne reçoit toujours aucune nouvelle de sa famille. Au matin, les fossés sont blancs de givre.
La pluie s'obstine. Dans les tranchées, c'est l'enfer de la boue, du froid. Ils tentent par tous les moyens de renforcer les abris dans les tranchées mais l'eau s'infiltre partout. Les blessés tombent, les malades s'effondrent. Paulin tient bon. Il se résigne et s'endurcit. Il attend des nouvelles de chez lui.
*
A Boursault, François et Zélie reçoivent des nouvelles sporadiquement. La Marne est en pleine tempête. Les armées se tournent autour en rond et labourent la terre de leurs tirs d'obus. Les communications postales sont confuses. Le beau château de Boursault a été transformé depuis longtemps en hôpital militaire où les femmes du village se relaient pour soigner les blessés. Mais une carte finit par arriver jusqu'à eux.
Le 13 octobre, Paulin est mort dans la plaine de Mouilly. Ou plutôt il est porté disparu. Son corps n'a pas été retrouvé.
Elisa scrute les mots tracés sur le papier qu'elle tient dans sa main. Regarde ses enfants. Le petit Paul qui n'a que 5 ans. Et sa Lulu qui vient d'avoir deux ans. Il est mort, son beau mari au costume si élégant, avec son col blanc amidonné et sa cravate. Le compagnon qui l'a enlevée à la terre pour l'amener à Paris, lui offrir de beaux chapeaux à plumes pour les promenades dans le bois le dimanche, et cette belle mercerie de la rue des Petits Carreaux qu'elle est si fière de faire tourner.
Elle serre ses petits contre elle. Tableau de ces trois qui furent quatre. L'absence de ce corps, vivant comme mort, qui prend toute la place. Le manque qui enfle, prend une chaise, s'assoit à table mais coupe l'appétit, occupe la moitié glacée du lit mais ne laisse jamais de repos. Ce corps qui n'est plus. Ce corps caressé pulvérisé. Enlacé arraché. Eteint démantibulé. Il manque son sourire dans le cœur, sa voix dans l'oreille, sa belle moustache sur la joue, son regard sur chaque geste.
Ce corps disparu qui condamne le deuil. Nul endroit où se recueillir. Nulle tombe gris de fer où déposer l'espoir. Nul champ aux coquelicots rouge garance où ensevelir l'attente. Seulement une zone vaguement désignée, aux environs de Mouilly.
Un corps disparu. Mort pour la France. Mais pas pour sa femme qui continue à le chercher. Puisque son corps n'a pas été retrouvé, elle peut laisser battre son cœur. Tant de disparus reviennent. Sortent d'on ne sait où, blessés, inconscients pendant leur guérison, amnésiques. Alors elle attend. Malgré l'acte de décès officiel. Et l'adoption de ses petits comme pupilles de la Nation. Elle attend. Et même quand le temps de l'espoir sera passé, le mal sera fait. Le temps de l'attente durera le temps d'une vie.
*
François et Zélie s'arque-boutent sur leur chagrin. La mort de leur neveu Alexis en 1916 les frôle à peine. Peine, elle est immense leur peine. Leur petite Aline qui porte le deuil. De son époux, de ses deux frères. C'est maintenant toute une famille dont les prières s'envolent pour envelopper Raphaël. Il est le seul qui reste. Le seul espoir que la guerre n'emporte pas tout. Qu'elle leur laisse au moins un homme pour fêter un jour la fin des combats et le retour à la maison.
Chaque jour qui passe sans nouvelle est un jour de gagné. Les mois s'enchaînent. Le printemps, l'été, l'automne, l'hiver. La vigne continue de fructifier et d'appeler les bras. 1917 déjà. Et toujours Raphaël qui respire quelque part là-bas. Le pantalon rouge garance a disparu depuis longtemps. C'est peut-être ça qui le met à l'abri des balles. Où Dieu, qui ne peut accepter un tel sacrifice après Henri et Paulin. 1918. L'espoir renaît. L'ennemi recule de plus en plus loin. Raphaël respire quelque part là-bas. Le 11 novembre, l'armistice est signé. Les hurlements de joie libèrent toutes ces poitrines oppressées depuis si longtemps. Ils parcourent le pays portés par le vent de la liberté. A l'aube de ce cinquième hiver, la guerre est finie. Une carte arrive.
Raphaël ne respire plus. Il a été emporté le 8 novembre 1918 à Rouers, en Belgique. Mort pour la France.
© Archives familiales. Elisa, Polo et la petite Lulu
Quel travail de fourmi il a dû te falloir pour mettre ainsi en lumière tes aïeux. On a beau dire que tout a été dit sur les conditions abjectes et humaines de cette grande guerre, je suppose que c’est encore plus frappant lorsqu’il s’agit de sa propre famille. Je me suis laissé emporter par ton récit , magnifique hommage à tous ces disparus connus, reconnus et inconnus. Puis-je me risquer à dire que tu es une vraie bombe avec toute cette diversité de sujets que tu postes sur wlw ?
· Il y a plus de 8 ans ·erge
Oui, frappant de venir d'un homme qui a vécu cela. D'une petite fille qui a perdu son père de cette façon. C'est la façon dont l'Histoire nous touche tous. Mais...vi, tu peux te risquer, je promets de ne pas exploser !! ;-)) Par contre je risque de continuer à piocher mes sujets dans le flot qui me passe par la tête ;-)))
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
bravo, épique et couvert d'un voile nostalgique,,,la der des der,,,Félicitations !
· Il y a plus de 8 ans ·Patrick Gonzalez
Merci ! ;) je crois qu'en fait la nostalgie vient de moi, des souvenirs que j'ai de Paul et Lulu. Mais. ...vieux ! !! ;)
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Très émouvant. Quelle tragédie que cette guerre de 14-18!!
· Il y a plus de 8 ans ·Natacha Karl
Merci Natacha ;) Oui, une vrai tragédie. Que l'on regarde la grande Histoire ou les histoires individuelles, cette guerre est une somme de souffrances atroces. Et elle a fait tellement de victimes qu'elle a touché toutes les familles du pays. Merci pour l'émotion partagée.
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Bouleversant et remarquablement écrit ! Bravo, Carouille ! Je crois que maintenant ils savent que leurs descendantes ne les ont pas oubliés !
· Il y a plus de 8 ans ·Si tu le permets, avec l'Antonin de Maud, je place aussi Paulin au milieu de mes grands-pères et grands-oncles...
Bises émues.
Ana Lisa Sorano
Merci Ana Lisa ! Oh oui je te permets, avec plaisir. D'abord parce qu'ils étaient frères d'armes dans les tranchées, de quel droit je les séparerais ? Ensuite parce que ce texte est un peu le tien. J'ai fait pas mal de généalogie il y a quelques mois, et puis à un moment, poursuivre demandait à aller fouiner dans les archives départementales, à se déplacer aux 4 coins de la France...Et je n'avais pas le temps. Mais en lisant ton texte sur la photo d'Eugène, ça m'a donné envie de m'y remettre. Alors pour l'instant je n'ai toujours pas le temps de me déplacer, mais je peux commencer à travailler sur ce que j'ai déjà. Donc...un grand merci à toi d'avoir soufflé sur les braises ! Bises
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Merci, Carouille, ce que tu dis me fait très plaisir. J'ai écrit une nouvelle plus dense sur un couple détruit par cette guerre : la sœur de mon grand-père, Marie, avait épousé en mai 1914 (!) un ingénieur allemand...j'ai pu illustrer le texte avec des photos pour la famille. Je le publierai sur Short Edition s'il est retenu. Mais je ne fais pas de la guerre de 14-18 une spécialisation...
· Il y a plus de 8 ans ·Bon WE et bises.
Ana Lisa Sorano
tu me donneras le lien que je puisse aller le lire ! ;-) Non, moi non plus je ne me spécialise pas sur 14-18, en fait je suis remontée jusqu'au 16e siècle, alors j'ai de quoi picorer à droite et à gauche selon mes envies et mes humeurs !! ;-) Bon we à toi aussi
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Ah, tiens, moi aussi je remonte jusqu'à cette époque ! Quand j'ai le temps je fais des petits voyages sur des lieux ancestraux.
· Il y a plus de 8 ans ·Oui, je te donnerai le lien.
Amitiés
Ana Lisa Sorano
;-))
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
tu disais ne plus pouvoir écrire !.... voilà donc le résultat de tes recherches généalogiques !.... de toutes les guerres, la première est la plus meurtrière, je t'ai d'déjà parlé d'Antonin mon arrière grand-père, mort pour la France dans les Vosges !.... bravo pour ce déroulé du temps passé....et que ce temps ne revienne jamais !....
· Il y a plus de 8 ans ·bravo est un petit mot pour décrire, ce temps de fracas, de souffrance que tu nous fais revivre ici..... Merci !
Maud Garnier
Paulin est mon arrière grand père. Je me suis appuyé sur son journal des tranchées parvenu jusqu'à moi. Oui, un échantillon de mes recherches généalogiques ;) J'ai été comme foudroyée en découvrant que les trois seuls fils survivants de la famille étaient morts. Je me suis dit que ça faisait un gros sacrifice pour une seule famille. Et que ça méritait bien quelques mots. Merci à toi de ta lecture ;-)
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Antonin est né le 6/12/1882 et mort le 19/09/1914 à 32 ans ! paysan propriétaire de son état Adélaïde a du vendre toutes les terres, les fermes et les bois pour élever Mathilde (ma grand-mère ) et Lucie sa sœur (morte assez jeune mais ayant quant même un fils Gilbert) élevé par Mathilde avec ses 2 fils Roger (mon père) et André (mon oncle).... Mon grand-père Jules a été soumis au STO et "gazé" lors de la deuxième guerre et mon père et son frère réquisitionné pour la guerre d'Algérie... La famille s'est battue pour qu'il ne partent pas en même temps !.... ils se sont donc croisés, quant mon père revenait sur un quai, mon oncle partait sur un autre... Ma sœur née avant le départ de mon père (22 ou 24 mois) avait peur de lui quant il est revenu car elle ne le connaissait pas !.........
· Il y a plus de 8 ans ·Maud Garnier
C'est ce qui est terrible. Les parents des victimes de 14-18 ont fait les guerres de Napoléon et jusqu'à 1870. Leurs enfants ont fait 39-45 et leurs petits enfants la guerre d'Algérie
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
oui !... :-(
· Il y a plus de 8 ans ·et pourtant !.... écoute....
https://www.youtube.com/watch?v=L_auHQlul70
Maud Garnier
C'est vraiment bien que tu ais "son journal des tranchées parvenu jusqu'à moi"...
· Il y a plus de 8 ans ·Maud Garnier
C'est fort, bouleversant. Un devoir de mémoire pour ces hommes, ces familles qui ont souffert de la "bêtise humaine".
· Il y a plus de 8 ans ·ade
Sachant que les familles ont souffert la même chose des deux côtés de la frontière, c'est encore pire ;(
· Il y a plus de 8 ans ·carouille
Oui ma Z :(
· Il y a plus de 8 ans ·ade