Un 15 août presqu'ordinaire...
Samuel Leroy
UN 15 AOUT PRESQU'ORDINAIRE…
J'ai rencontré Sonia un 15 août ; J'm'en souviens très bien, j'allais aux putes ce jour là…. Je vais toujours aux putes le 15 août.
Le 15 aout, c'est repas de famille à 12h00 pétantes, à Marcq-en-Barœul, chez le frangin et la belle-sœur ; Puis vers 15h00, toute la smala débarque au vide-grenier, place du Général Leclerc. On y fait des bonnes affaires paraît-il, et pis marcher à la fraîche, ça fait digérer ; Ensuite, on revient finir les restes de midi, en général c'est de la choucroute garnie, vu qu'ma belle-sœur est alsacienne ; Et puis voilà, on boit la tasse de café, du café réchauffé, et on se dit encore une fois que les enfants ont bien poussé. On l'a déjà dit à midi, mais enfin comme on ne sait pas trop sur quelle phrase se quitter jusqu'au 15 août prochain, et que la choucroute garnie de ma belle-sœur ne mérite pas qu'on s'attarde sur elle en discours interminables, on le répète : « Mon Dieu qu'il a grandi Lucas ! », « Alors Mégane, on rentre déjà en sixième cette année… », « Valentin, c'est huit ans ou neuf ans qu'il va avoir en octobre ? Ah bon ! J'aurais juré que c'était huit… »
Après tout ça, je ne sais pas si c'est pareil pour les autres, mais moi, j'n'ai qu'une seule envie, c'est d'aller aux putes me venger de tant de platitudes.
J'ai donc rencontré Sonia ce 15 août, à Lille, car c'en était une….
Sur le front de Sonia, il y avait comme écrit au fer rouge : « Donne emmerdes contre bons soins ». Je sais bien lire ce genre de messages, moi ; J'ai même un don pour les décrypter.
En temps ordinaire, un certain sixième sens, ou peut-être un vieil instinct de survie, ou encore pourquoi pas une bonne dose de bienveillance, que sais-je ? me fait faire demi-tour dès que je me retrouve nez à nez avec ces personnes qui ont ces mots sur leurs fronts : « Donne emmerdes contre bons soins ». Mais là, allez savoir pourquoi ? J'ai foncé tête baissée vers le nid à emmerdes qu'était celui de Sonia. Faut dire que je menais une vie assez frileuse, monotone, grise ; Ce jour là, je me suis cru à l'abri des emmerdes par le simple fait que je n'en avais jamais rencontré. Des petites histoires tout au plus : Une relance avec mise en demeure au sujet d'une facture impayée, une fièvre de cheval qui me cloue au lit, un type qui veut m'taper deux euros à la gare.... Vous voyez c'que j'veux dire ? Des petites bobos que je souhaite à tout le monde quoi !
Sonia est montée dans ma Fiat Punto, et là, je n'ai plus vu le message imaginaire inscrit sur son front. Je n'ai vu que ses nichons. Une de ces paires de loches ! C'est pas compliqué, j'peux même plus vous dire si elle était blonde ou brune, tellement j'étais absorbé par ses gros nichons. Bien sûr, je les matais du coin de l'œil, je n'osais pas trop être franc du regard ; Faut dire j'avais pas encore payé ; Un client qui n'a pas encore payé reste un gentleman.
Je lui demande : On va où ? Elle me répond Au commissariat le plus proche.
Je la regarde l'air con. Elle se marre, et allume un gros pétard.
Ca ne te dérange pas la fumée ?
Moins que le commissariat lui dis-je. Alors, on va où ?
C'est tout droit, me dit-elle. Elle allume la radio ; Jil Caplan chante « Cette fille n'est pas pour toi ». J'ai pas fait le rapprochement tout de suite. J'aurais du…
C'est Radio Dinosaures que t'écoutes ? Me demande-t-elle.
Vas-y, tu peux changer si t'aimes pas.
Elle a trouvé une station qui diffusait du bruit. Ca l'a beaucoup plus emballé.
- Comment tu t'appelles ?
- Gérard.
- Oh, c'est trop chou !
Je peux vous jurer qu'au moment où elle a prononcé ses mots, je me suis posé la question : Est-ce qu'elle est sincère ? C'est vous dire comment j'suis con quand j'ai la trique.
Je bandais sévère. Elle bougeait son corps, comme si elle était en boîte de nuit, au rythme d'une chanson sans paroles et sans musique que jouait la radio pour ados. Ses nichons ballaient de gauche à droite. Elle tirait sur son joint, les lèvres en cul de poule.
Faut qu'j'me concentre sur la route, pensais-je. T'auras tout le loisir de les bouffer ses nichons tout à l'heure
En baissant le volume de la radio, je dis, sans trop savoir pourquoi : Sinon, je travaille à la SNCF. Contrôleur dans les TGV.
J'm'en cogne mon amour. Tant que ton boulot te permet d'aligner 50 euros ce soir…
Elle remonta le son, sans me demander.
A la fin de la route, tu prends à droite, puis première à gauche, et c'est là mon chéri. Tu aimes quoi ?
Ben… J'sais pas, un peu tout. Je sais,c'est pas terrible comme réponse !
Je me suis garé dans un parking privé, au pied de tours assez chicos, dans un coin du vieux Lille.
On va être tranquille, y'a qu'des vieux ici, me dit Sonia.
Je me suis désapé ; Le bas seulement. Je bandais comme un taureau. Tiens, elle est rousse en fait. J'ai toujours aimé les rousses. Elle s'approche de moi, va pour enfiler la capote sur mon aigle royal – Ses gros seins pendent sur mes petites cuisses - et là j'm'aperçois qu'il y a des trous dans ses bras.
Une camée ! ….fait chier ! Me dis-je. Et mon aigle royal est soudainement redevenu moineau. Ca tient à pas grand-chose ces choses-là.
Bah, qu'est-ce qui t'arrive Michel ? T'es plus amoureux d'moi ?
Moi, c'est pas Michel, c'est Gérard. Un petit silence. Ben si… j'suis amoureux fou mais justement, je dois être trop intimidé. Je n'ai trouvé que ce prétexte débile à lui dire ; J'aurais bien voulu vous y voir, vous…
Alors, elle se redresse, bien droite, sur le siège-passager, et, ni une ni deux, abaisse son sous tifs, prends ses gros mamelons dans les mains, et me les tend.
- Viens les embrasser.
Je jette ma tête dans ses nibards, je rebande. Soudain, elle me repousse de ses mains. Son téléphone a sonné. Je comprends pas ce qu'il m'arrive. J'étais si bien. Elle décroche, je débande. Je la regarde, et je la déteste une seconde. J'écoute :
T'es conne ou quoi ? Bien sûr que si Bryan a passé 40 de fièvre, tu l'emmènes aux urgences.
Mais t'occupes pas du fric, on a la CMU. Après avoir raccroché, elle me dit :
Excuse-moi mon chou, ma cousine garde mon fils qui est malade. On en était où ?
Elle se repenche vers moi dans le but de me sucer. Moi je bande mou. Ca m'emmerde cette histoire de gamin qui a la fièvre. En me concentrant un peu, je sens que le désir se repointe au bout de ma queue. Oh oui, ça y est, c'est revenu. Sonia souffle sur mon gland, ça fait son p'tit effet. Ca part plutôt bien. Et puis un type vient frapper à la vitre. Je remonte mon froc dare-dare, je baisse la vitre, je regarde le gus ; Il est moche. Il a une cicatrice qui descend le long de sa joue droite. Il nous dit :
Pardonnez-moi d'interrompre ce qui est sur le point de devenir une très très grande histoire d'amour, mais savez-vous qu'il y a des gens qui vivent là où vous vous donnez en spectacle ? Y' a des papis qui promènent leurs chiens, y'a des ados qui jouent au skate, y' a des personnes qui rentrent de leur travail.
Sonia et moi, on regarde le type, scotchés par cette leçon d'éducation civique, certes très instructive, mais qui arrive un peu mal-à-propos.
Alors dégagez d'là où j'appelle les flics, poursuit-il.
Mon égo de mâle blessé dans sa chair a juste trouvé à répondre à ce malotru :
Eh oh ! Quand il eût le dos tourné, bien sûr. Puis, je décidais de démarrer et de foutre le camp en vitesse.
- Ecoute Georges, me dit Sonia
- Gérard, j'm'appelle Gérard.
- Ecoute Gérard, on va chez moi. C'est à deux pas d'ici. Je ne fais jamais ça, d'habitude, emmener un client à mon appart. Mais là, j'me sens en confiance avec toi, mon chéri.
- Ca va pas déranger chez toi ? J'veux dire ton fils, ta sœur… S'ils sont pas aux urgences euh… Mais qu'est-ce qu'on s'en fout d'savoir si ça dérange ou non ! Elle te le propose, alors vas-y Ducon !
Sonia habitait à Lille – Fives, dans une cité franchement craignos, genre « On loue pas là-bas pour les vacances ».
Le trajet a duré 10 minutes. 10 minutes à bander, débander, rebander, redébander…
Sonia me chauffait grave tout en jouant avec son Smartphone ! Elle avait allongé ses jambes, les semelles de ses bottes collaient le pare-brise. Ses bas étaient filés. N'empêche qu'elle avait une putain de paire de guiboles. Non mais qu'est-ce qu'une Bimbo pareille fout sur un trottoir ! C'est sur un podium qu'elle devrait être.
En route, elle m'a demandé si j'étais marié. C'est là où j'ai débandé. Fraîchement divorcé, qu'j'y ai répondu. Et ça n'était pas faux. Mais Sonia, de grâce ! Viens pas me mettre Sandrine dans la tête. Du cul ! Du cul ! Du cul ! Pas de retour à la case sentiments… Pitié !
Tu prends d'la coco en baisant ? me demande-t-elle, comme si elle m'avait demandé si j'mettais des cornichons sur mon pâté.
Qu'est-ce que vous vouliez qu'j'réponde à ça ! Merde ! Ca s'voit sur ma gueule que j'en ai jamais pris d'la coco. Pis c'est pas à 45 balais qu'j'vais commencer.
- De temps en temps, je lui réponds. Ca dépend si elle fraîche du jour ou pas… Lui rajoutai-je l'air blagueur.
- Je dois en avoir chez moi ; On en prendra si tu veux.
Non mais dans quoi j'mets les pieds, moi ! Et le nez….
On se gare sur le parking de son immeuble. Y'a un terrain vague juste derrière nous.
C'est pas trop éclairé vu que les trois quarts des lampadaires ont été défoncés.
L'immeuble est super haut. Elle habite au dernier étage. L'ascenseur est H.S. C'qui n'est pas pour me déplaire ; Je vais pouvoir me rincer l'œil…. 7 étages par l'escalier ! A ce moment précis, je bande intellectuellement seulement. Physiquement, non ; Je ne me sens pas trop en sécurité. J'ai pas l'habitude des coupe-gorges, moi.
Dans le hall d'entrée, j'entame la montée des marches tout seul.
On entend deux kékés qui descendent en courant les escaliers. Sonia me dit que ça vaudrait mieux qu'on nous voit pas ensemble. Elle se plante devant sa boîte aux lettres et me dis de grimper. Dès qu'ils sont dehors, je te rejoins Gérard.
C'est parfaitement ça, j'm'appelle Gérard ! Bien vu Sonia ! Qu'elle s'rait entrain d'tomber amoureuse que ça m'étonnerait pas trop.
Un peu déçu de n'pas pouvoir mater son cul dans l'escalier, mais tellement content qu'elle se souvienne de mon prénom, je me jette dans l'escadrin, gravissant les marches deux à deux, pour faire genre J'suis dynamique et endurant.
Au septième étage, je crache méchamment mes poumons… Je me masse les parties pour m'exciter un peu. Pas facile, ça sent la pisse de chien. Je n'entends pas Sonia arriver.
Qu'est-ce qu'elle fout ma rouquine ?
Tout à coup, la porte de l'ascenseur s'ouvre. Sonia en sort, tout sourire dehors.
Je m'avance, étonné, vers elle : Bah, il refonctionne ?
Elle me regarde, éclate de rire et me plante sous les yeux son majeur bien tendu.
Et puis là, Bing ! Plus de son, plus d'images. Je tombe à terre. Quelqu'un m'a frappé dans le dos. Quand j'me réveille, je suis menotté, bâillonné, nu comme un ver, allongé sur le carrelage, dos contre sol. Un type me parle. L'image est très floue, mais je reconnais la cicatrice sur la joue droite. La voix me confirme bien que c'est le mec qui nous a dit de dégager tout à l'heure, vous savez, le Moche.
La douleur derrière la tête est très aigüe. En second plan, derrière mon bourreau, il y a Sonia qui s'injecte quelque chose à l'aide d'une seringue.
Le Moche me fout un calibre sur la tempe. Je pisse quelques gouttes. Sonia rit.
Lui ne sourit pas du tout, colle sa bouche près de la mienne et me dit :
Écoute-moi bien. Je vais enlever le chiffon de ton bec, et tu vas gentiment me dire quatre petits chiffres au hasard. Avec la main qui ne porte pas le flingue, il me fait voir ma carte bleue. Il poursuit : Au hasard ou pas, c'est toi qui vois. Il me dit ça en tournant le bout de son canon sur ma tempe qui suinte la trouille.
Vous allez p't'êt pas m'croire mais j'me suis dit deux choses à ce moment là ; La première, c'est qu'ça m'apprendra à vouloir baiser avec le diable. La deuxième, c'est que je ne pouvais pas concevoir que mon dernier repas sur Terre fut la putain de choucroute garnie de merde de ma belle-sœur.