Un drôle de compagnon

veroniquethery

   Des amis m'ont récemment proposée de les accompagner à un concert de musiques traditionnelles. Encore nostalgique de mon séjour en Loire Atlantique et toujours aussi enchantée par le Festi'roc de St Aubin des Châteaux qui m'avait vue me déhancher sur Zebda, après m'être laissée emporter par Merzhin et Broussaï, j'accepte avec plaisir, persuadée que ce récital va être source de nouveaux plaisirs.

   J'embarque donc à l'arrière de leur voiture, ignorant encore dans quelle galère musicale je m'apprête à faire naufrage. A peine a-t-on tourné le coin de la rue que l'auto-radio se déchaîne. On est loin des centaines de kilomètres avalés avec bonheur en Bretagne, avec mes quatre jeunes compères, à nous délecter des textes sublimes de Damien Saez, tout en rêvant à la forêt de Brocéliande qui nous attendait ! Les presque 80 000 pouces de distance à parcourir pour rejoindre le minuscule parc sont l'occasion de parcourir un voyage interminable dans une autre époque. Pas celle du roi Arthur et de ses compagnons, mais plutôt celles de Fred et des compagnons... de la chanson. Dans les deux cas, on y trouve un Lancelot : pour ceux qui l'ignoreraient, c'est effectivement le nom du baryton du groupe. Allez savoir pourquoi un jour la Grande Dame décida de les lancer ! En traversant la verte campagne sans espoir d'apercevoir ici la moindre licorne, je tente de passer le temps en admirant le bleu de l'été. Mon chauffeur se tourne vers moi et se lance dans une biographie du groupe qu'il adore et je retiens juste un nom : celui de Jean-Louis Aubert.

   J'ignorais totalement que celui qui a la bonne idée de chanter Houellebecq a, un jour, été un compagnon ! Devoir prouver auprès de Lancelot – Hubert- et du Bourguignon – Guy- qu'il est digne d'être adoubé est peut-être nécessaire pour un jour être capable de cracher son venin dans le téléphone. Devenir jury dans The Voice pour avoir le plaisir de lorgner le pelisson de Dame Jen, admirer le bliaud du Seigneur Garou ou les chausses en peau de crotale de Messire Florent mérite bien qu'on s'initie auprès des plus sages. Qui mieux que ceux qui ont chanté Tumbalala pouvaient apprendre au Damoiseau Jean Louis à manier le microfer afin de pouvoir un jour libérer le prisonnier de la Tournée ? Mais soudain, c'est le drame ! Non seulement mon portable ne capte plus aucun réseau, me privant de mon aimable correspondant lutécien ; mais surtout – Magie de la technologie – la voix des Compagnons s'étiole. Merci Satchmo, le Sabbat – Gérard- est fini.

    Le silence revient, juste troublé par notre fan, qui évoque la déception du membre-leader du plus grand groupe que l'univers ait connu, quand la Môme l'a quitté pour Marcel Cerdan, et ses futures amours avec la comédienne Madeleine Robinson. Une chance qu'aucun hélicoptère du même nom ne vint passer au-dessus de nos têtes, car qui sait alors quelles fadaises mon esprit aurait encore pu inventer ! Confondre Aubert et Jaubert, quelle bévue tout de même !

    Mais, si le CD des rivaux des Beatles a rendu l'âme, la radio, elle, fonctionne toujours ! Et nous voici plongés dans un nouveau voyage dans le temps des grands et bons chanteurs. L'année d'abord où le terroriste Carlos fut arrêté : le bon vieux Franky Vincent nous propose de nous rafraîchir avec ses fruits de la passion ! Dommage celui-là qu'il n'ait jamais été arrêté avec l'homonyme du chanteur obèse, car c'est aux oreilles de son compagnon de cellule qu'il aurait pu dire : Vas-y Francky c'est bon ! Pas étonnant que Kurt Cobain se soit suicidé peu après avoir entendu ce délire végétal, à moins que ce ne soit en entendant East 17 et en se disant que finalement, It's non allright... Horreur ! La station choisie nous déferle les tubes de l'été, parce que n'oublions pas que plus de 500 000 exemplaires de ces fruits guadeloupéens furent vendus à l'époque : on imagine aisément le nombre de boites d'imodium parallèlement délivrées et le bonheur absolu des pharmaciens de l'époque. J'ai donc ensuite la joie d'entendre Tic Tic Tac de Carrapicho : pas étonnant qu'on ait adoré ce single, quand on sait que dans le même temps, les téléspectateurs se gargarisaient les neurones devant ce chef d'œuvre qu'était X-Files. En parvenant enfin à destination, je pleure de bonheur : même Merlin et sa baguette enchantée n'auraient pu m'apporter une telle jouissance. Quant au concert que nous étions censés venir écouter, il fut annulé pour cause d'orage...

     Pour les lecteurs qui se seraient offusqués de ma confusion entre Aubert et Bertignac à the voice, sachez que la vérité est parfois ailleurs...

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