Une drôle de famille

Hervé Lénervé

Chaque famille est unique.

J'étais dans un bar, il était assez tard, je buvais un demi, enfin, des demis. Cela ne m'arrive jamais, disons presque jamais, disons pas souvent. J'étais désœuvré, quelque peu déprimé et je recherchais ce que l'on ne trouve pas dans ces endroits…une écoute. Ce soir pourtant, une personne m'écouta, comme quoi, il ne faut jamais désespérer de rien. Un garçon de mon âge, il avait bu lui aussi et nous restâmes encore un temps à boire encore. Puis en partant, en sortant du troquet qui voulait fermer, il me demanda. « Tu veux venir chez moi, j'habite juste à côté ? » C'était bien ma veine, moi qui cherchais l'âme sœur, je trouvais son frère. J'allais décliner poliment l'invitation, quand il ajouta, je vis à sa physionomie qu'il avait saisi mon malaise, il ajouta donc. « Je te présenterai ma famille, tu verras, ça vaut le coup d'œil. » et cette simple phrase fit que je me retrouvais chez cet inconnu d'un soir par simple curiosité.

-         Viens, entre Hervé, mets-toi à l'aise, fait comme chez toi, comme l'on dit. Tient assois-toi là, mon gars, je vais nous chercher un verre. Tu vois en bout de table, c'est ma sœur, je l'adore.

-         Laquelle ?

-         Comment ça, laquelle ?

-         Laquelle des trois ?

-         Mais, elles ne sont pas trois, voyons ! Tu sais, le visage d'une fille, c'est toujours changeant. Tu la vois concentrée sur une réflexion et ses traits sont tendus, son front pensif, son reflet nostalgique. Puis elle se tourne sur toi et te sourit, de ce sourire magnifique, que seul les filles savent avoir et c'est une autre. Puis encore, elle se met gentiment en colère contre toi et elle, la gamine, te sermonne comme un gamin, toi l'homme mûr et, en voilà, une troisième.

-         Oui, bien-sûr, mais là, il y en a une qui est blonde, l'autre, brune et la dernière, rousse.

-         Et alors, t'as un problème avec la couleur des cheveux ?

-         Non…heu… je ne crois pas…

-         Alors ? Comment tu la trouves ? Elle est magnifique, non ?

Je n'aimais pas le tour que prenait cette soirée, je n'aimais pas ça du tout. J'avais pas mal bu, ok, bon, si elle n'avait été que duale, ok, admettons ! Ne dit-on pas, voir double, dans l'ivresse ? Mais je n'étais pas saoul au point de la voir triple. Mon copain, d'un soir, s'appelait Bertrand et Bertrand appela ses trois sœurs de Tchekhov.

-         Trinity, viens voir une minute, s'il te plait.

Et les trois vinrent de concert.

-         Trinity, je te présente Hervé, on s'est rencontré au « Diable Vert ».

-         Ah ! Bonjour, enchanté, moi c'est Trinity.

Répondit la rousse, ma préférée.

-         Allez, on s'embrasse ! C'était la brune.

Et ce sont les trois que je dusse embrasser, non que cela ne me déplusse le moins du monde, elles étaient plus charmantes l'une que l'autre, mais évidemment, six bises, cela prend plus de temps que deux et Bertrand sembla trouver le temps long.

-         Bon, vous n'allez pas y passer la nuit, non plus, à vous dire bonjour. Viens ! Je veux que tu vois ma mère, maman, maman !

Une petite femme en kimono rose se déplaça jusqu'à moi. Se déplacer, si l'on veut, disons qu'elle roula de dix mètres en six galipettes acrobatiques puis se redressa devant son fils.

-         Enchanté madame ! Hervé !

-         Je ne me suis jamais appelé madame Hervé. Ce n'est pas moi, c'est une autre.

-         C'n'est rien, maman, c'est bon. C'est un bon copain.

-         Ah ! Si c'est du bon pain.

Bertrand me dit en aparté.

-         Elle a la maladie d'Alzheimer.

-         Ha, d'accord ! et elle est seule ?

-         Non, nous sommes avec qu'elle.

-         Je voulais dire, elle est unique, un seul exemplaire, quoi ?

-         T'es un comique, toi ! On n'a qu'une seule mère, voyons.

-         Oui, c'est vrai, je ne sais pas pourquoi j'ai dit cela. Elle ne sait pas marcher ?

-         Si, elle marche très bien, aussi bien que toi et moi, mais elle préfère rouler.

-         Oui, effectivement, cela la regarde, ce sont ses affaires. Et ce monsieur-là, doit être ton père, I presume ?

-         Non ! Lui, c'est le vrai docteur Livingstone, himself.

-         Mais, il n'est pas mort ?

-         Bien sûr que non, il est en pleine forme, il nous enterra tous. N'est-ce pas docteur ?

Un rapide calcul dans mes restes de chronologies historiques me confirma que le bonhomme devrait avoir plus de deux cents ans, s'il avait encore vécu. J'étais tombé dans une famille de barjes, il fallait que je m'échappe au plus vite. Ce qui se fit sans trop de problèmes, je laissais mes gentils hôtes à leurs délires et regagnais mon intérieur tranquille, désert certes, mais tranquille de fait… Ouf !

Trois mois plus tard j'épousais la sœur de Bertrand. Je n'avais pas traîné en besogne, mais il fallait faire vite, non qu'elle soit enceinte, mais parce qu'elle n'arrêtait pas de changer d'avis. Mariage, un jour oui ! Mariage, un jour, non ! Bien sûr à trois c'est plus difficile de se décider. Elles étaient belles mes mariés à la mairie, même si je ne pouvais pas toutes les tenir par le bras.

C'est dommage, je n'ai pas eu le temps de vous parler des grands parents de ma belle-famille.

  • Docteur Livingstone, les porteurs n'iront pas plus loin ! :o)

    · Il y a environ 7 ans ·
    Gaston

    daniel-m

  • 3 en une... serait ce La femme La mère L'amante ?
    ;)

    · Il y a environ 7 ans ·
    Tyt

    reverrance

    • - Chaque épouse est cela à la fois. Avec une réserve toutefois, la mère est celle de nos enfants, celle que l’on choisit pour l’être. La sienne ne nous a été qu’imposée, pour le meilleur, le plus souvent comme pour le pire, parfois.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • je faisais simplement un clin d'oeil au texte...que j'ai trouvé amusant
      je crois qu'effectivement l'on est constitué de plusieurs rôles comme l'homme d'ailleurs

      · Il y a environ 7 ans ·
      Tyt

      reverrance

    • - Oh là là ne t’inquiète pas, ta réflexion était tout à fait pertinente et puis tu sais de moi, il n’y a jamais d’offense et des autres, je les prends pour de gentilles provocations.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • c'était le cas

      · Il y a environ 7 ans ·
      Tyt

      reverrance

    • De toute façon, j'aime bien être provoqué :)

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • tu as trouvé ton maître ...
      Rires

      · Il y a environ 7 ans ·
      Tyt

      reverrance

  • Un rêve de polygamie, c'est louable.

    · Il y a environ 7 ans ·
    1338191980

    unrienlabime

    • Polygynie, polyandrie, c’est un leurre. En fait on a tjrs la même femme, le même homme. Celle, celui qu’on aime. J’ai offert un collier à mon épouse gravé des mots bleus « ça m’suffit ! » la même plaque que j’ai mise en façade de mon manoir avec parc arboré et étang.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

  • Sacrée famille!
    Alors tu as trois femmes....en une.
    C'est plutôt pas mal....;)

    · Il y a environ 7 ans ·
    Oeil

    anne-onyme

    • Oui, c’était une promotion ! J’l’ai prise avec une garantie sur cinq ans.

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

  • Très original, quelle imagination !

    · Il y a environ 7 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Bonjour, Louve du matin qui se lève.
      Une idée de nuit, ou peut-être un rêve.
      Si cela s’écrit c’est encore une histoire
      Si cela se perd c’est un oubli de mémoire.
      Merci !

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • Un bijou de poésie...

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • merci, mais cela ne mérite pas tant! :)

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • Si je veux !!

      · Il y a environ 7 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Alors d'accord! Je te crois. Merci

      · Il y a environ 7 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

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