Une étoile dans la tête

Léo Noël

Mon thème favori : la perte de réalité

Ce texte est vieux, très très vieux, soyez indulgent avec le style ^^

Une étoile dans la tête

DIMANCHE. Je me réveille un peu avant les autres. La première chose que je fais le matin, c’est de demander à ma mémoire de bien vouloir me rappeler le passé de ma vie. J’estime que c’est la moindre des choses lorsque l’on est vivant.

Seulement pour l’instant, mon esprit rechigne à la tâche, il rêve encore un peu, il mélange les images de sa nuit alcoolisée et celles de sa nuit endormie. Les évènements n’apparaissent pas dans l’ordre, et n’ont pas la même intensité. « Aucune inquiétude ! » je me dis, car bientôt la clarté se fera d’elle-même, laissant les spiritueux d’un coté, et le spirituel de l’autre.

Et tout le reste me fait mal, me donnant simplement l’envie de retourner aux ténèbres somptueuses où j’arrivais à dormir, juste cinq minutes auparavant. Je m’assied sur le rebord du lit, empoigne un talkie-walkie que je place malicieusement sur l’oreille de Julb, pleine de sommeil. J’enfile maladroitement les habits d’hier : ils sont moites de sueur et sentent la cigarette.

En Espagne, on fume dans les bars ; ma gorge me lance. Je pose mes pieds sur mes baskets typées Stan Smith, en bousillant le contrefort arrière. Mes pieds sentent mauvais ; la chambre entière témoigne d’une odeur malsaine de nuits blanches accumulées. Je sors le talkie dans une main, et détrousse mes clefs de l’autre.

Je ne ressens aucun des pas qui me font frôler les pavés espagnols. Une énorme pelote de coton me sert d’organe directeur : les ordres sont données machinalement, répondant au seul besoin reptilien qu’est la recherche de nourriture. Les images semblent me parvenir avec un moment de retard, me donnant l’impression de pouvoir juger de ma persistance rétinienne.

La vérité c’est que je suis encore saoul.

Certaines bribes d’existence me reviennent : les unes, puis les autres, tranquillement, chacune son ticket à la main : « Le 42 s’il vous plait ! le 42 ? ». Le 42, c’est quand j’ai revu complètement par hasard ce mec qui avait embrassé Céline la première nuit. Le 43 est absent, le 44 tarde à revenir. L’information :‘’nutrition-possible-dans-un-futur-très-proche’’ me parvient lorsque mes yeux parviennent à lire la devanture d’une échoppe. Je peux y lire (je peux lire !) : « Pastelerias ».

La boutique propose diverses pâtisseries à l’aspect peu racoleur. Une pâte brillante et ocre, des mouches qui vrombissent derrière la vitrine, et l’impossibilité crasse de deviner le goût que pourrait avoir l’une d’entre elles. A l’intérieur, c’est une odeur de brûlé qui m’envahit, tout de suite suivie de relents sucrés et acides le long de mon oesophage. Je détourne les yeux des néons sadiques qui jouent à m’éblouir, tout en gardant mon équilibre précaire. Une grosse femme édentée vient percuter mes tympans d’un « Holà » enjoué et matinal. Je relève la tête, l’air entièrement perdu, me rappelant soudainement que mon niveau d’espagnol est le même que celui d’une vache, folle, britannique.

Je barbatouine une réponse : « Holà… holà… las pastelerias son… ». Elle me coupe aussitôt d’une voix masculine et estampillée Castille : « Vous parler Français ? ». Soulagé, je réponds que oui, que mon espagnol est lamentable, que mon état n’est pas mieux.

« Lorsque l’on a la tête embrumée de nuages, monsieur, il vous faut une étoile pour vous guider », me répond-elle avec une lenteur toute inquiétante, « Vous ne croyez pas ? ». Puis elle s’en va, disparaît derrière un rideau du fond, près d’un frigidaire où de vieilles bouteilles sont remplies d’un liquide jaune pisse.

Un instant, je me demande ce qui m’arrive, pourquoi je me retrouve seul dans une boutique qui ne m’inspirait déjà pas la plus grande des confiances.

Je regarde autour de moi pour percevoir une nouvelle chose, plus insidieuse, moins évidente : une impression sournoise, comme si l’espace intérieur de la boutique ne faisait absolument pas partie du reste du monde. Je décide de rire de cette idée en décochant mon talkie et partager mon angoisse avec un humain reconnu et homologué. Je presse le bouton d’envoi puis questionne, la bouche la mieux articulée que je le peux : « Julb ! Tu dors ? Terminé ! ». J’attends quelques secondes, qui en ces lieux paraissent irréelles, puis j’émets une nouvelle tentative pour ne recevoir que de la friture grasse en échange. Je m’apprête à tenter une troisième plus sonore, quand la grosse dame reparaît depuis l’arrière de son magasin, une pâtisserie entre les mains. Elle tend la masse gluante en devant de mon regard. Je ne peux empêcher ma gorge de me renvoyer un nouveau relent de la bière d’hier. La chose présente une forme grossière d’étoile à cinq branches, l’une d’entre elle, plus longue, est tournée vers moi. L’ensemble est complètement avachi et recouvert d’un liquide visqueux et sombre. Sur le dessus deux trous sont percés depuis lesquels une crème rougeoyante suppure péniblement.

« Celui-ci est pour toi. C’est l’étoile de los Reyes Magos, les Rois Mages. Elle t’empêchera de te perdre en restant avec toi, jusqu’à la fin. », m’explique la grosse. Je demeure immobile un instant, puis je la remercie, incertain d’adopter la bonne attitude. Je lui demande de compléter mon achat avec ce qui me semble ressembler le plus à des croissants, mais mon regard ne parvient pas à s’arracher à la vision de l’étoile dégoûtante. En quelques secondes seulement, l’espace autour de moi s’assombrit pour ne laisser luire, au centre du vide, que la forme brûlante. L’instant d’après, je me rue sur l’objet et l’enfourne à l’intérieur de moi, mâchant vulgairement, comme se rassasiant d’un besoin viscéral. Des tripes autour de ma bouche. Je n’ai besoin d’avaler qu’une seule fois pour engloutir. Je sombre ensuite presque immédiatement, les yeux arrêtés sur le visage de la vendeuse, souriante et répétant : « Muy bien. Muy Bien. »

Je me réveille un peu avant les autres. Le première chose que je fais le matin, c’est de demander à ma mémoire de bien vouloir me rappeler le passé de ma vie. Mais aujourd’hui, elle est clairement embrouillée entre ce que m’ont donné mes rêves et ce que j’ai vécu pendant la nuit. L’épisode de la boulangerie me reste comme de ces cauchemars qui vous accrochent pendant une semaine, et que l’on va raconter à ses amis, pour qu’ils nous donnent leurs interprétations d’amateurs d’histoires invraisemblables. Je me lève, décidant de faire confiance à mes jambes pour faire le travail qu’elles ont toujours fait, c'est-à-dire me faire tenir debout. Julb dort encore, je décide de ne pas le réveiller de suite. Je suis resté habillé, ce qui ne m’étonne que peu, étant donné la quantité d’alcool que j’ai ingéré la veille. Une aiguille atroce vient d’ailleurs me le rappeler en caressant mon lobe préfrontal, ici, sur le coté droit, un point comme lumineux en un endroit très précis. Je frotte. La douleur me parait toutefois relativement supportable, je décide qu’une bonne douche y mettra sûrement fin.

LUNDI. Vacances abouties. Retourné à la vie normale, je me réveille avec la même douleur, mes pas sont restés pesants, et mon esprit enfermé dans une chambre, accompagné de la charmante nymphe qui avait adouci ma nuit. Mon rêve : une fille brune et joviale, joueuse et curieuse, je me souviens l’avoir déshabillé lentement, l’embrassant chaque seconde, contemplant la moiteur de ses épaules. J’y avais collé mes baisers, qui avaient glissé jusqu’à sa poitrine fièrement érotique. Je suis sorti du sommeil seulement trois minutes avant que mon téléphone ne me rugisse mon réveil, à cause de la sensation de la semence refroidie sur mon bas-ventre. Je m’essuie avec un pan de mon drap et essaie de retrouver l’amour dans mon oreiller. Pourtant la seule chose que je garde en tête, c’est une aiguille acérée qui me lance, qui me rappelle à la réalité, toujours au même endroit. Mes yeux plissent de douleur, je vais me laver, je m’habille, je ne mange pas, pour garder la pâte du rêve encore un moment autour de ma langue. Je pars au magasin.

La journée est dure, je sens encore de veules retombées d’alcool et les symptômes du manque de sommeil me rattrapent continuellement. « Monsieur, je peux tester ce jeu là s’iou plait ? ». Je connecte mes neurones en même temps que l’ordinateur du magasin. Je branche la télévision, j’allume les consoles, je regarde l’enfant qui trépigne à l’idée de massacrer des mutants, je lance le jeu pour lui.

Il massacre.

L’ordinateur affiche les commandes de la journée, les ventes de la veille, les sorties prochaines.

La mitraillette de l’enfant aplatit ses trous béants à travers mon visage, du moins, c’est la sensation qui me parvient.

Une fenêtre, sur l’ordinateur, me propose de mesurer mon QI. Je décide que l’expérience pourrait s’avérer amusante. J’apprends que l’on évalue mes capacité à 70 sur 200, ce qui est, finalement, le QI moyen des clients du magasin.

Je crois à l’osmose intellectuelle, alors je ne m’inquiète pas : je me rattraperais une fois sorti d’ici, quand la décuve sera accomplie.

J’entends la porte vitrée du magasin, la douleur dans ma tête disparaît. C’est une femme brune qui entre, un rouge à lèvres voyant sur une bouche brillante. Elle vole jusqu’au comptoir et se dresse devant moi, reste immobile un instant. Je prends ce moment pour l’observer. Je lui trouve des ressemblances troublantes avec la fille de ma nuit. J’ouvre la bouche pour lui demander naïvement si je peux lui être utile. Les balles sont tirées en rafale alors qu’elle avance sa bouche contre la mienne. Les corps des mutants tombent au sol et je n’arrive plus à respirer. La créature est montée sur le comptoir, ses genoux repliés sous elle-même, elle m’embrasse en tenant ma tête comme un bol de soupe. Je reste incapable et immobile. Je profite du baiser. Elle me mord la lèvre inférieur et d’un coup de tête, elle arrache la moitié de ma bouche. Une balle vient se loger derrière son œil gauche qui reste bloqué en arrière de son crâne. J’ai envie de crier lorsqu’elle arrête enfin sa frénésie, accusant le tir mortel. Mais mon corps ne me répond plus, je ne tiens plus que par la force des mains qui sont refermées sur moi. Elle tremble et retrouve son sourire, puis commence à dévorer mes joues. Je la vois m’émietter sans pouvoir réagir, quand mon regard se porte sur un point brillant, loin derrière elle, brûlant de me sortir d’ici. Je parviens à me concentrer sur la boule de lumière et tends le bras vers celle-ci. Elle me répond en augmentant d’intensité. Elle se rapproche pour que je puisse l’atteindre. L’étoile m’apparaît comme la seule porte de sortie, alors j’élance mon bras dans un effort pénible et parvient à la toucher du doigt.

C’est une femme brune d’un certain âge qui rentre dans le magasin, elle souhaite un titre sans violence pour sa petite fille. Je prends le temps de lui trouver une réponse satisfaisante alors que l’enfant derrière moi envoie une grenade au beau milieu d’un village de monstres. La pointe brillante me transperce à nouveau la cervelle, je décide d’aller voir mon médecin le soir même.

La salle d’attente a complètement changé, les canapés sont remplacés, des miroirs fantaisie ont été collés aux murs. Le médecin me reçoit presque immédiatement. Je me demande où se trouve la secrétaire qui a pris mon rendez-vous, ne notant aucune autre pièce que celle d’où je viens, en plus de la salle d’examen. Elle me sert la main et m’invite à prendre place pour lui expliquer ce qui ne va pas. Je lui parle de ma douleur dans le crâne, elle écoute attentivement, et reste perplexe. Je remarque qu’elle a négligemment attaché ses cheveux avec une pince, les laissant tomber sur son épaule. J’admire avec quelle courbe les brins roux viennent caresser ses joues, la douleur disparaît, juste le temps d’imaginer mes doigts suivre le chemin de son visage. « Levez-vous, s’il vous plait !», et l’on me perce encore la cervelle.

Le docteur me trouve une laryngite, et une légère fièvre. Elle me donne de quoi calmer l’atteinte virale bénigne et me propose de la recontacter en cas d’ennuis supplémentaires.

MARDI. Le lendemain, mon QI atteint 110, je sens que la brume se défait et que la fatigue s’amenuise. Je trouve impressionnants les ravages de l’alcool sur mes capacités mentales. L’osmose ne me comprend plus, les clients jouent sur mes nerfs, j’ai envie de frapper celui avec les cheveux longs et d’attraper sa petite amie, cette paumée qui pourrait dire oui à n’importe qui. Cette nuit, je n’ai pas rêvé, ou alors je ne m’en souviens pas. Je ne pense qu’au sommeil qu’il me reste à récupérer. La journée est longue.

Je m’endors sans difficulté aux alentours de dix heures trente, je me lève à neuf heures.

MERCREDI. Il me reste des bribes d’une aventure vécu pendant mon sommeil, sur un bateau, remontant une rivière verticale, sautant d’embarcation en embarcation, tâchant d’éviter les balles et de sauver les mutants. Je rigole en pensant que je ne suis pas allé chercher tout ça bien loin. Il ne faut pas moins de cinq secondes pour que je ressente à nouveau le chardon douloureux qui flotte là où devrait être mon imagination. Aujourd’hui est mon dernier jour de travail pour la semaine et mon QI a retrouvé ses 130. Je me promets, comme souvent, de ne plus abuser lors de mes soirées au Titi Twister.

Le client qui rentre se plaint, il n’arrive pas à jouer à plusieurs avec sa console, il en veut une autre. Un test plus approfondi me permet d’évaluer l’homme à 56 environ. Je lui montre qu’il faut simplement choisir le mode 2 joueurs quand cela est demandé à l’écran. Foutu connard. Apprend à lire. Lâche les jeux vidéos. Meurt.

Il me rétorque qu’on ne lui avait pas expliqué, alors je me permets de lui rappeler poliment l’utilité de la notice fournie avec chaque jeu. Avant de partir, il m’indique gentiment que je saigne. Je lui réponds naturellement que j’ai perdu mon bras cette nuit, accusant un coup de marteau géant sur mes os, alors que j’allais sauver la louve-pirate. Inutilisable, j’avais jugé préférable de l’amputer entièrement. Toutefois, j’avais bien l’intention de le remplacer par un nouveau modèle tentaculaire. L’homme me sourit, me remercie et repart 57 (l’osmose prend parfois du temps). La douleur revient en même temps que le membre manquant.

JEUDI, VENDREDI, ETC...Cela fait une semaine, les douleurs sont de plus en plus agressives, disparaissent de plus en plus souvent pour laisser place aux scènes les plus baroques et les plus irréelles. Je retourne voir mon médecin et lui révèle cette fois l’existence de mes hallucinations. Je lui explique aussi comment mon sommeil dirige ma vie, n’arrivant pas à dormir le soir, et d’autre fois succombant au sommeil à la façon d’un narcoleptique. J’hésite à lui dire que j’ai envie d’elle chaque fois que je la vois, cela pourrait passer pour une de mes folies, elle me le pardonnerait peut-être. Mais je me contente de sentir mon membre chauffer et durcir et je laisse disparaître la douleur pour m’embarquer dans bain fictif de sueur et de salive. Je lui fais l’amour et je repars en direction de la clinique du Nord, pour subir un scanner, une ordonnance comme seule preuve de l’étreinte.

La clinique m’accueille sans chaleur, je suis accompagné jusqu’à une salle ou d’autres attendent : leur tour, un verdict. Madame est appelée avant moi, elle ressort quelques minutes plus tard, les yeux rougis, une tape amicale du docteur comme un lot de consolation. Je suis le prochain. On me demande de me déshabiller, « non monsieur, uniquement votre chemise », puis d’expliquer mes symptômes. Je tends l’ordonnance avec fierté au spécialiste, mais il ne semble y voir aucuns des ébats tendres dont le papier témoigne. Le docteur regarde sa montre dans un souffle, il est bientôt midi, il a faim, il pense que je suis un allumé, que je fais une crise d’hypocondrie, que de toute façon, il aurait à débattre avec sa femme, qu’il est finalement pas si mal ici avec moi, alors il me sourit. « Veuillez vous allonger, faites attention surtout à ne pas bouger. Vous n’êtes pas claustrophobe ? »

Je  réponds  que je n’en sais rien car je pense que je n’aimerais pas me

retrouver  enfermé dans une boite, recroquevillé, dans le noir, sentant

simplement  de  l’eau  glacée  envahir  le  peu  d’espace  restant.  Puis

comme je n’ai pas peur des ascenseurs, je finis pas dire que je ne crois         

pas.   On   m’installe   alors   sur   un   lit   de   verre :  mon   dos   colle                désagréablement.  Mon   corps   entier   est   véhiculé   dans   un   tube

lumineux,  ma  tête  enserrée  entre  deux  plaques   solides.   Puis   les

mitraillettes  recommencent.  Comme des coups de barre à mine dans

un  mur  métallique,  l’appareil  me  broient  les tympans. Je revoie les

mutants  tomber,  les  plus  grands  sur  les enfants, le mâle tentant de

protéger  son aimée, son bras venant cogner l’écran de fer. La douleur

se  fait  grande,  aucun  de  mes  fantasmes  ne  parvient  à l ’effacer.  L’étoile

souffre,  voulant  survivre  à l’épreuve. Elle se met à brûler comme un

soleil,  et  irradie  dans  tous  mon  hémisphère  droit,  et  je hurle, rien

qu’un  instant,  avant  de  me  ramener  à l’ordre  :  je  ne   bouge   plus.

« Oui, ça va, ma pointe m’a lancé pendant le scanner »

« Très bien, nous aurons les résultats demain, je vous attend à la même heure ».

SAMEDI, DIMANCHE ET FIN. J’ai une tumeur, dans l’hémisphère droit, relativement bénigne, cela s’opère me dit-on, et, avec les technologies actuelles, les risques sont ridicules. Je demande « existants ? », on me répond « oui ». On fixe une date trois semaines plus tard pour me retirer la tumeur. Je n’ai pas le choix, elle grandira.

Cette fois-ci, je suis entièrement nu, recouvert d’une blouse puante, un chirurgien et ses assistants se véhiculent incessamment autour de moi. Je sue et je tremble, je pense que j’ai peur et je sais que j’ai mal, terriblement. Je fixe le tube sur lequel on a fixé un masque. J’appréhende le moment où l’on me le collera sur le visage, que j’abandonnerai vie et rêves pendant quelques heures, travaillant le seul espoir de me réveiller, peut-être. L’étoile de mon crâne rugit, décidée à ne pas partir, elle reçoit mon inquiétude et me hurle de souffrir encore un peu plus. Je voudrais la faire taire, la laisser m’embarquer une fois de plus dans un délire sans souffrance, mais elle se déchire en cris, comme comprenant sa fin. La douleur est insupportable, je gémis lamentablement. Lorsque le chirurgien me demande : « est-ce que ça vous lance, en ce moment même ? », je n’y tiens plus, d’un renversement de ma tête, je fais basculer la réalité, la douleur s’arrête pour la dernière fois. Je me lève et empoigne le bras du chirurgien. Je le décroche gentiment du reste de son corps pendant qu’il hurle, les yeux presque en dehors de sa tête. Un assistant veut s’emparer de moi. D’un cri pulmonaire, j’envoie une nuée de d’insectes noirs et poudreux à son visage, sa peau est mangée, il tombe sans chair sur le carrelage de la salle d’opération. Derrière moi, le chirurgien s’est emparé du masque qui doit m’endormir. Devant cette vision, la douleur semble réapparaître un instant, mais vivement je me concentre et transforme l’appareil en un serpent aux crocs acérés qui se retourne contre le chirurgien aussitôt. Je profite du répit que le serpent m’accorde pour ramasser les ossements de l’assistant.

Je  transforme la table d’opération en un cercueil de ronces pour y

ranger  les restes du défunt. D’un coup je sens que l’on m’enserre

la  tête : un autre médecin est juché en haut d’une

grande  machine  aux  bras articulés, une main en

forme  de  pince  s’est  emparé  de  mon  crâne  et

soulève  mon  corps.  Mes jambes se débattent au

dessus   du   sol  alors  que  la  machine  vient  me

poser sur le cercueil. Il me prends l’idée de givrer

mon  bras, d’asséner des coups glacés pour briser

le  métal  qui  me retient. Dès le premier coup, les

vérins cèdent  et me  libèrent.  J’allais me relever.

 Le chirurgien est arrivé plus vite, le

 serpent tenus dans ses bras, loin de

    lui, la gueule tournée vers mon

     visage. Je n’ai pas le temps de

             réagir et le serpent

     m’embrasse.

C’est une souffrance atroce qui me revient alors au fond de mon crâne, alors que j’aspire une grande bouffée du gaz anesthésiant. Je m’endors agonisant.

  • Léo est-ce que tu as eu mon message ?

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • J'aime bien cette étoile ! Bravo

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Flottins orig

    sophie-dulac

  • ça vous a pas fatigués vous ce texte ? J'l'ai trouvé exténuant, m'a donné la nausée, mal à la tête, des palpitations, des envies de cacher mes yeux avec mes mains. Je crois que ça veut dire que c'est parfaitement réussi et qu'il n'y en a pas deux comme ça. Bravo sur-mulot des mondes parallèles.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Gants rouge gruauu 465

    eaven

  • moi aussi j'ai aimé ce texte. effectivement, le style est bon, il n'y a pas à en rougir! loin de là! bravo la petite souris!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Img 0052 orig

    Karine Géhin

  • Ah oui, on peut le dire... même si je ne suis pas sur la liste du partage, je l'ai quand même lu et bien lu. Merci.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    B3

    janteloven-stephane-joye

  • Et bien Léo, t'as le droit de faire partager tes textes aussi... ça éviterais de tomber dessus par hasard !! Mais heureux le hasard... j'ai vraiment bien aimé, et je trouve que je n'ai pas eu besoin de faire preuve d'indulgence, ça tient tout à fait la route.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Jos phine nb 7 orig

    junon

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