Une Famille - Titi et Emile

lise-rose

Nous sommes nés à deux minutes d’intervalle, le temps nécessaire pour parcourir la distance de Pigalle à la place de Clichy en métro. Paris représentait pour nous la liberté. Nous passions des heures à feuilleter le Routard sur la table du salon en mangeant des galettes des riz. Nos parents ne lisaient jamais de romans mais ils avaient une collection impressionnante de guides touristiques. Ils n’avaient pas les moyens de se payer des voyages grandioses, alors ils se les imaginaient. Entre la Moldavie, les îles Canaries et New-York, nous avions choisi Paris. C’était le lieu le plus proche de nos racines alors qu’il nous semblait si éloigné. Paris, on la voyait à la télévision, dans les feuilletons et au journal télévisé de France 2. Nous connaissions les détails de la Tour Eiffel, du Louvre et du quai d’Orsay, mais uniquement sur papier glacé. La Ville Lumière était une tache scintillante en deux dimensions qui nous faisait rêver. Nous avions la certitude d’y démarrer notre vie d’adulte. J’étais le plus assidu des deux, ce qui m’avait valu le surnom de Titi.

Le jour de nos douze ans, ma mère avait dressé une jolie table pour le petit déjeuner. Notre guide écorné se trouvait au milieu de la table. Intrigué, je l’ouvris et trouvai des billets de train pour nous quatre et une réservation pour deux chambres à l’hôtel-Boutique Emile ; une double classique pour mes parents et une Twin classique au nom de Titi et Emile. Formidable, nous montions à Paris pour un week-end.

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