Une Seine pression

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Les Parisiens brassant moins d'air depuis le confinement – beaucoup d'entre eux ayant migré vers leur résidence secondaire – le fleuve capital a retrouvé des couleurs disparues depuis Lutèce. Aux informations, il nous à même été montré la migration des saumons et un crocodile du Gange échappé du Jardin des plantes. Ça m'embouche un coin.

Le Marais a retrouvé des berges moins bourbeuses.

La Bièvre voit enfin le bout du tunnel après des années d'asphyxie à charrier le fruit de notre incurie.

Sous le Pont Mirabeau, l'onde est moins lasse, attendant que les amours reviennent.

Qui l'eut cru ? Le Zouave se retrouve le bec dans l'eau devant le triste constat d'une Tour Eiffel vidée de ses touristes. À ses pieds, les bateaux en ont pris la mouche.

La piscine Joséphine Baker est plongée dans un silence qui rend fou.

Les quais sont livrés à eux-mêmes, les échoppes des bouquinistes ayant fermé boutique.

Du Louvre, la Vénus de Milo en a les bras qui tombent.

Dans le Bassin de l'Arsenal se reflète la Colonne de Juillet qui n'est plus troublée par les mégaphones des manifestants.

Les voies sur berge, qui d'habitude sont les premières à avoir les pieds dans l'eau, sont à sec de joggeurs.

Le Pont des Arts fait de la drague aux Immortels de l'Institut à défaut d'accueillir les tourtereaux.

La Passerelle Simone de Beauvoir louche vers la Bibliothèque François Mitterrand pour y lire Huis-Clos de son amant Jean-Paul.

Au niveau du viaduc d'Austerlitz, c'est la Bérézina.

Du musée d'Orsay, il est impressionnant au petit matin d'y admirer le soleil levant débarrassé du halo de la pollution.

La Place Dauphine ne fait plus grise mine alors qu'à cinq heures Paris est encore loin de s'éveiller

La concierge rit du calme retrouvé, la Salle des Gens d'Armes muette comme une sainte chapelle.

Le Grand Palais s'en trouve bouche bée.

Même le Quai d'Orsay se montre diplomate et ne reste pas étranger à ce calme retrouvé.

De l'Opéra sortent des nuées de petits rats, trop heureux de circuler à l'air libre.

Le soir, le Champ de Mars se rabiboche avec Neptune qui moire le fleuve à la nuit tombée.

La Place de la Concorde espère enfin, qu'après cet étrange épisode, une ère plus juste et équitable verra le jour. De l'autre côté, Le Palais Bourbon en prend note.

Les Invalides retrouvent des couleurs malgré le climat actuel.

L'École militaire se montre un peu plus martiale, les rues désertes lui rappelant les années sombre et l'ambiance d'une ville ouverte.

L'Île aux Cygnes attend de meilleurs auspices pour accueillir les promeneurs. Le regard tourné vers le ciel, elle guète le vol de corbeaux qui présagera de l'arrivée de jours meilleurs.

Paris sera toujours Paris.

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