Vagabond.

Christophe Hulé

Pas de racines, pas de « terroir »,ces vieux ont trop souvent déménagé. Il traîne ses guêtres comme dans les bons vieux westerns ou les blues oubliés.

Il y a longtemps qu'il ne se demande plus ce qu'il cherche.

Que de besognes, inconnues jusque là, que de rencontres, plus ou moins subies, pour un lit, un repas.

Ces vieux n'étaient rien, comme lui, mais jamais ils n'auraient quitté leur terre qui ne leur apportait que misère.

Une nuit, lassé, il a quitté la vieille masure pourrie, sans baluchon, qu'aurait-il pu emporter ?

10 ans déjà, que sont-ils devenus, sont-ils encore vivants ?

Ni frère, ni sœur, avec qui peut-être il aurait pu s'associer pour soulager ses parents.

Il n'était qu'une bouche à nourrir, à 14 ans il est parti.

- Vous êtes bien habile, qui donc vous a appris ?

- Personne Monsieur, j'ai observé c'est tout.

- C'est prodige croyez-moi, aucun de mes apprentis, à qui je dois ânonner les mêmes conseils à longueur de journées, n'a réussi de tels exploits.

Allez, je vous veux comme associé, vous n'aurez pas à vous plaindre.

- Monsieur, c'est un honneur, mais mon tempérament …

- Père, qui est donc cet ouvrier ?

- Ma fille, le meilleur !

- Mon père est honnête, vous n'aurez pas à vous plaindre.

- Il me l'a déjà dit Mademoiselle.

- Bien mes enfants, il se fait tard, entrons souper.

A la fin du repas, la belle s'attardait.

- Mes vieux os me rappellent mon âge, je vous laisse, soyez sages !

- Racontez-moi !

- Et quoi donc ?

- Et bien tout.

La belle alla chercher quelque élixir dans l'armoire, qui font délier les langues. Il raconta tout en effet.

- Et vos pauvres parents, vous sont-ils indifférent ?

- Non point, je les pleure en secret à la nuit tombée.

- Mon père vous adule, et ce n'est pas chose ordinaire.

- Je n'y suis pour rien.

- Allons, il me parle de vous sans arrêt.

Au lendemain, la belle alla trouver son père.

- Il me plaît.

- Je le sais ma fille.

- S'il a couru le monde, et j'en suis persuadée,c'est pour ne plus être un poids pour ses parents.

- Je m'en doutais aussi, même s'il n'aurait jamais avoué …

- Père, notre domaine est si grand …

- Je comprends ma fille, mais je dois d'abord savoir, est-ce la pitié et la compassion qui te guident ?

- Père, tu le connais, il ne le voudrait pas.

- Alors c'est …

- Oui Papa.

On alla chercher les « vieux », avec un attelage digne d'un roi. Ils refusèrent bien sûr, la fierté, l'honneur …

Le mariage fut champêtre et grandiose à la fois, le père et les « vieux » versèrent des larmes jusqu'à la fin de la cérémonie.

Le fils fut sacré meilleur ouvrier, il devint prospère.

Les « vieux » n'eurent comme seules punition de veiller au bien-être de leurs petits-enfants.

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