Vous savez lire, vous ?

Hervé Lénervé

C’est chiant de ne pas savoir lire ! Bon, je n’avais pas l’intention de lire, non plus, mais c’est chiant, quand même, dans certaines situations circonstancielles ou circonstances situationnelle.

Remarquez que le monde d'aujourd'hui est plus facile pour les analphabètes comme moi. Avant, je ne pouvais me déplacer en voitures que dans les endroits dont je connaissais l'itinéraire par cœur. Maintenant, je parle à mon GPS et il m'indique la route en parlant également, car lui, il ne sait même pas écrire, ouah, l'illettré, l'autre ! De plus en plus, nos assistances se font par l'orale. Super !

Néanmoins, avec l'âge mon environnement devient flou et j'aimerais bien avoir une paire de lunettes. Or les opticiens ont la sale manie de vouloir vérifier si l'on ne triche pas et ils vous demandent de dire, à haute voix, les lettres qu'ils affichent. Ils ne se contentent pas d'un « puisque je vous dis que là, c'est mieux, c'est plus net ! »

Donc moi, je réponds au hasard et comme le hasard fait mal les choses, c'est connu, j'ai tout faux !  Alors, l'autre abruti augmente encore la taille des caractères.

Vous me direz, pourquoi ne pas lui dire que je ne sais pas lire ? Parce que je ne veux pas passer pour un non érudit, tout simplement. Ce n'est pas parce que l'on n'est pas un génie qu'il faut le clamer partout avec fierté, non plus !

La dernière fois, je suis sorti avec une ordonnance pour un chien d'aveugle.

Remarquez, je l'aime bien mon chien d'aveugle, il est sympa ! Mais le problème, c'est qu'il a été éduqué pendant des mois et il est devenu très intelligent. Donc je suis obligé de faire semblant d'être aveugle, autrement, il irait me dénoncer à l'association et elle me le retirerait au profit d'un aveugle honnête. Alors que je m'y suis attaché à force de me tenir attaché à la poignée de son harnais.

Des fois, je croise des voyants qui promènent leurs chiens en me faisant promener par le mien. Ils me demandent souvent. « Il est beau votre chien, c'est un quoi ? » Je leur réponds pour donner le change : « aucune idée, je croyais que c'était un chat ! » Bon, il fait un peu la gueule, car il n'aime pas les chats, mais il doit penser : « Putain, il n'est pas seulement aveugle mon maître, il est très con, aussi ! »  OUF ! II n'y a pensé que du feu, l'honneur est sauf !

C'est simple, on me demanderait maintenant : « je vous échange votre chien contre une paire de lunettes à votre vue, plus une gratuite à votre vue, plus une de soleil à votre vue, plus une canne blanche à votre vue. » Je répondrais « Que nenni, passez votre chemin manant de voyants, moi, je garde mon chien, c'est un bon gardien et les verres ne se rayent pas ! »

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