Voyage subcutané

Elsa Saint Hilaire

Tu l’as perdu ? Perds pas ton temps à le chercher, c’est peine perdue… Arrête ! sèche cette larme, je sais, il ne perd rien pour attendre… partir comme cela, sans un mot… sans laisser la moindre adresse. Arrête de chialer! Si, si, écoute-moi pour une fois.

Tu fouilles à l’aveuglette…Mets tes lunettes, prends ta loupe… il ne doit pas être bien loin. Il n’est pas si riquiqui, si transparent. Si ? Alors, tu as dû le vomir un soir, une nuit, un banal matin de solitude…que sais-je ?

Arrête de tourner en rond, tu me donnes le tournis, j’en perds le nord. Tu vois, c’est contagieux, moi aussi je m’y perds. Un moment d’inattention et hop ! il a disparu. Tu as vraiment du temps à perdre… moi, il y a longtemps que… Quoi ? Je l’ai déjà dit ? Oui, je sais, tu perds pied ! On pourrait perdre la boule pour moins que cela… y perdre aussi son âme pourquoi pas ? Et là tu m’entraînes dans ton délire, je cours à ma propre perte.

Mais je vais résister. Il me reste des forces. Voilà, je résiste. Je me reprends. Une brassée d’air, d’oxygène… zen…Tout cela n’est qu’une question de peau, une bête et stupide question de peau. Ta peau, c’est pire qu’une carapace, c’est du granit, de l’acier blindé, du graphène…détends-toi, laisse-la respirer. Regarde mon doigt. Je vais le tremper dans l’encre et appuyer, là, au centre de toi. Calmement, avec tendresse, je vais calligraphier la lettre « e ». Au début ça chatouille, puis, quand je vais appuyer un peu plus fort, tu auras le souffle court, la sueur mouillera ton corps. Il faudra laisser ta peau se détendre, ouvrir ton épiderme, laisser l’encre trouver son chemin au plus profond de toi. Ensuite, je dessinerai un « s », aux courbes si douces qu’elles calmeront tes peurs et l’encre cheminera plus loin encore. Viendra le moment du « p », plus dur, plus intrusif avec son bâton planté dans ta chair. Pivot d’une greffe indélébile. Tes nerfs se contracteront, ta peau me rejettera, mais j’insisterai, fermement, violemment s’il le faut ; si bien que l’instant du « o » te paraîtra d’une douceur anesthésiante. Inscrire le "i" puis le « r » final sera un jeu d’enfant. Là, au cœur de toi, tatoué au vif de tes entrailles, l’espoir ne te quittera plus jamais.

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